Le spleen en veilleuse, Barbara Carlotti chante à pleine gorge des chansons espiègles et luxuriantes.
Dans Les Lys brisés, son premier album, aux couleurs de belle arrière-saison, Barbara Carlotti, moins sensible à l’air du temps qu’aux variations climatiques, goûtait à la mélancolie des langueurs automnales, grêlant sa pop ombrageuse d’un spleen hypnotique. Mais, on le sait depuis Baudelaire et ses vénéneuses Fleurs du mal, le spleen n’est que le versant désenchanté des ardeurs dionysiaques. Aux tourments de l’âme succèdent aussi les félicités de l’idéal.
L’Idéal – justement –, son nouvel album, semble s’être délesté de ces humeurs inquiètes pour laisser place aux teintes éclatantes d’un été en pente douce. Solaire et enchanté comme la nature intacte et exaltée de sa Corse natale, dont il semble être l’hymne, ce deuxième album convoque une nuée de plaisirs indistincts, de bonheurs éphémères, d’ivresses festives et de joies paresseuses.
Dans le temps suspendu de ce paradis terrestre, la belle promène avec grâce sa voix suave et langoureuse au gré d’une pop indolente, enrichie d’arrangements luxuriants concoctés par le réalisateur Jean-Philippe Verdin, avec lequel elle partage une égale admiration pour Colin Blunstone (le chanteur des Zombies), Nina Simone ou Lovin’ Spoonful.
A l’écriture ciselée de ses textes, où filtre parfois une ironie espiègle (Les Femmes en zibeline), répond un puzzle de mélodies contrastées où l’on croise tour à tour des splendeurs chorales (La Lettre, qu’elle chante avec Patrick Watson), les rythmes syncopés d’un rocksteady surréaliste (Mademoiselle Opossum), la nostalgie languide d’un slow fifties qu’un Phil Spector n’aurait pas renié (Vous dansiez) ou l’effervescence d’un charleston fripon (Kisses). Un album pétillant, en apesanteur, dont l’élégance racée et frivole évoque sans nostalgie aucune le charme suranné des romans de Sagan.