Après avoir détrôné Madonna du haut des charts britanniques, le duo espiègle débarque avec sa pop sautillante et effervescente, taillée pour l’été.
C’était le 18 mai dernier. That’s Not My Name, pétillant single des Ting Tings, injustement ignoré en 2007, ressortait à grande échelle sur une major, et prenait la tête des charts anglais devant Rihanna et Madonna, alias The Queen of Pop. A la même période, on découvrait Shut up and Let Me Go, un autre titre assez révélateur de la gouaille malicieuse du couple, en bandeson de la nouvelle campagne télé d’iPod/iTunes. Nouvelles fines lames décomplexées de la pop anglaise à ressorts, Katie White et Jules De Martino reviennent pourtant de loin, et rien dans leur musique ne semble indiquer qu’ils sont basés à Salford, petite ville industrielle en banlieue de Manchester, célèbre pour les humeurs maussades de Mark E. Smith de The Fall ou une pochette des Smiths. “Comme dans le film Control, explique la fausse ingénue Katie, cette ville a un côté mélancolique à cause du temps déprimant et des immeubles en brique, mais la créativité n’en est que plus stimulée. Si le nord de l’Angleterre a engendré autant de bons groupes, c’est peut-être à cause de l’ennui, de la frustration et de l’angoisse latente qui te poussent à passer ton adolescence cloîtré dans ta chambre, à jouer de la guitare et à rêver.”
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Et en banlieue, la musique des Ting Tings l’est aussi – aux frontières de la pop accrocheuse de Katie (qui a brièvement fondé un girls-band à l’âge de 13 ans avec deux copines d’école) et de l’indie-rock à guitares de Jules (qui ne jure que par les Talking Heads) –, mariant sans rougir les passions opposées du binôme. Chacun a initié l’autre à son domaine de prédilection, plus facilement dans un sens que dans l’autre. “Quand j’étais petit, raconte Jules, j’écoutais les disques de mes parents : Elvis, les Beatles… Je ne mettais que les faces B, jamais les faces A – j’ai toujours préféré les expérimentations. La plupart de mes amis crachent sur la pop. Quand Katie s’est mise à aimer un autre style que le sien, ça m’a appris à accepter ce mélange moi aussi, malgré mes préjugés.” D’où cette allégresse pour abattre les barrières entre les genres musicaux et concevoir, à quatre mains, des hymnes jubilatoires, désarmants de simplicité, comme le diaboliquement efficace Great DJ.
Avant de s’appeler The Ting Tings, nom très hype puisqu’il cumule à la fois l’option “groupe en The” et le bégaiement adopté par les Yeah Yeah Yeahs ou Poney Poney, ces deux Anglais jouaient à trois dans Dear Eskiimo lorsque leur label les a lâchés. Traumatisante mais banale, cette expérience les a poussés à vouloir à tout prix préserver leur intégrité et n’en faire qu’à leur tête, c’est-à-dire composer des chansons (pour danser comme un dératé) destinées à être entendues seulement par des amis. “En tendant vraiment bien l’oreille, explique Jules, on doit pouvoir entendre le marteau piqueur des ouvriers en bas de chez nous ou la sonnette de la porte.” L’album saisit ces instants indisciplinés en gardant une formule élémentaire (fille/guitare + garçon/batterie) et réussit un coup de maître : enregistrer à partir de bric et de broc, dans un esprit très lo-fi, dix chansons (et pas une de plus) ultra accessibles qui donneraient autant de fourmis dans les jambes aux amateurs de Justin Timberlake que de Gossip. Les Ting Tings n’ont pas inventé la poudre (le titre de l’album, We Started Nothing, annonce clairement leurs ambitions modestes). Mais armés d’un enthousiasme contagieux et d’une poignée de singles, ces pois sauteurs savent remarquablement bien mettre le feu aux poudres.
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