La Route du Rock, un festival toujours en marge de la hype musicale et vestimentaire… Après quelques années ressuscitant bottes en caoutchouc et cirés jaunes, cette quinzième édition a vu s’affirmer toges colorées, cheveux corbeaux, algues sur la tête, bacchantes élégantes, et surtout, shorts d’aérobic. Magnifique.
Vendredi 12 août
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Moustache soignée et chemise rose pastel du plus bel effet, Eddie Argos grimpe sur la scène du Fort de Saint-Père avec sa troupe Art Brut pour l’une des meilleures prestations du festival, entre art-punk, punk tout court (My Little Brother) et choeurs pop (Moving to LA).
Ses petites phrases sarcastiques, souvent très rigolotes, ponctuent une performance enjouée et promettent de bonnes tranches de rigolade à l’écoute de l’album Bang Bang and Rock & Roll. Après cela, difficile pour les hollandais d’Alamo Race Track de prendre le relais ; leur rock teinté de pop et de blues aura du mal à se détacher au sein de la très bonne programmation de cette édition.
Le temps d’avaler la première galette du festival, et on se retrouve face aux Wedding Present. « Nous ne pouvons pas jouer tous nos titres, sinon nous serions là toute la nuit… » On se souvient avoir déjà entendu David Gedge prononcer cette phrase lors de concerts espagnols précédents, mais soit, le groupe nous ravit avec quelques-uns de ses meilleurs morceaux, du classique My Favourite Dress au plus récent Always The Quiet One. Yo La Tengo, première tête d’affiche de ce soir, fait ensuite une sobre entrée sur scène. L’oreille néophyte assiste à une performance en dents de scie : se succèdent des titres sirupeux dignes de Bruce Springsteen, et d’autres plus expérimentaux. On se souviendra ainsi longtemps de l’interminable (et délicieux) Blue Line Swinger. Pour d’autres raisons, on se souviendra aussi de Mercury Rev, car s’il faut saluer l’album Deserter’s Song, il faut aussi avoir le coeur bien accroché pour supporter une heure et demi de Jonathan Donahue, tantôt oiseau, tantôt chef d’orchestre, souvent mégalo et agaçant. Les citations pseudo-philosophiques sur l’écran derrière lui achèvent de rendre le tout globalement indigeste ; on est content de ne pas avoir pris la crêpe banane-chocolat.
Les américains de The National viennent clore la soirée et ne manquent pas, comme d’habitude, de remercier Talitres, premier label français à les avoir signés. Sur scène, Matt Berninger est toujours aussi impressionnant, à la lisière de la folie furieuse ou des larmes. Malgré des problèmes de son et un créneau horaire mal adapté, le concert se hisse parmi les meilleurs de la soirée, entre morceaux immédiats (Lit Up, Abel) et les perles plus calmes de l’EP Cherry Tree.
Samedi 13 août
Saint-Malo est fébrile. Les fans des Cure sont partout, cape noire et cheveu hirsute de rigueur. Les corbeaux auraient même investi la Plage Fnac pour faire la sieste au son des reprises de Radiohead par le pianiste Christopher O’Riley. Les journaux locaux font leur une sur le groupe de Robert Smith et on murmure que la soirée serait retransmise en direct sur Arte, une première pour la Route du Rock. Pendant ce temps, Camille donne un concert à guichets fermés au Palais du Grand Large, des algues sur la tête, en souvenir de sa baignade dans la Manche un an plus tôt, après sa prestation au sein de Nouvelle Vague.
La pop 80s des demoiselles de The Organ donne le coup d’envoi de la soirée tant attendue au Fort, on pense aux Smiths et (? coïncidence de programmation ?) aux Cure. Assez logiquement, le public est largement conquis, et nous aussi (découvrez cette semaine leur premier clip sur www.lesinrocks.com).
Suivent les français de Colder, avec un concert en deçà des espoirs fondés sur l’écoute de leur nouvel album Heat. Le chant de Marc NGuyen, auteur-compositeur moulé dans son habituel veston de cuir noir, se fond malheureusement trop dans les basses cold wave de ses morceaux. Les Danois de The Raveonettes aident la foule à oublier la pluie fine avec des extraits de leur prometteur nouvel album Pretty in Black, et quand Robert Smith et sa bande foulent la scène, le sol est de nouveau sec.
Les organisateurs ont réservé aux Cure un créneau de deux heures, que le groupe dépassera même d’un quart d’heure. Smith reste figé derrière sa guitare, ne décroche pas un mot et enchaîne ses titres, majoritairement sombres. Pas d’hymne pop à l’horizon, l’excitation de voir le groupe mythique retombe un peu. Les fans sont médusés, les autres assez vite lassés, jusqu’à 10:15 Saturday Night puis Boys Don’t Cry en rappel. Un rappel pendant lequel Smith laisse enfin entrevoir un petit sourire d’émotion. Il peut sourire : le cachet des Cure engloutit une lourde partie du budget artistique du festival, Smith et sa famille auraient même le droit à quelques jours de vacances dans la région.
Après ces deux heures de sobriété, le premier mini-short du festival (celui du chanteur des !!! Nic Offer) fait son effet : le public sort de sa semi-torpeur au son d’un des concerts les plus efficaces de la soirée. Incontestablement ce samedi, les groupes d’entrée et de sortie du Fort ont donné le meilleur.
Dimanche 14 août
Sur la plage, Christopher O’Riley joue toujours ses reprises de Radiohead au piano en les agrémentant de compositions d’Elliott Smith. Plus tard au Fort, Boom Bip entame, le sourire jusqu’aux oreilles, un concert terriblement électrique, assez délectable.
On s’emballe ensuite volontiers pour Graffiti et Apply Some Pressure : les anglais de Maxïmo Park livrent un show particulièrement efficace, malgré l’impression (compréhensible) du chanteur Paul Smith de « ressembler à un vampire jouant pour la première fois en pleine lumière ». Ceux qui l’ont croisé plus tôt dans l’après-midi, en T-shirt rose fluo et mini-short bleu scintillant, sourient. Arrive ensuite la sensation de cette Route du Rock, une chorale de texans pratiquement jamais venus en France malgré des albums brillants de pop et de refrains psychés…
Les vingt et uns membres de The Polyphonic Spree, tous habillés de leurs toges légendaires, sont à la hauteur des espérances. Chaque chanson ressemble au générique de fin d’un grand film américain, le public en redemande… Un concert qui donne envie de remercier les arbres et les fleurs d’avoir inspiré un tel combo.
La transition est un peu abrupte avec l’entrée en scène, plus contenue, de Sonic Youth. Les envolées sonores sont au rendez-vous mais le concert dure à peine plus d’une heure, de quoi décevoir les fans venus en masse. Heureusement, le rappel amène une excellente version de Teenage Riot et une festivalière a même l’honneur de monter sur scène aux côtés de la très affriolante Kim Gordon. Metric rappellent ensuite que la scène canadienne actuelle n’est pas entièrement du meilleur cru, avec un concert tout aussi moyen que l’album Old World Underground, Where Are You Now ?, Cette excellente édition de la Route du Rock se termine en boum géante avec les belges de Vive la Fête et une chanteuse aussi peu vêtue que Kim Gordon (mais beaucoup moins classe). Cette année, 27 000 spectateurs étaient au rendez-vous pour intimider la pluie, qui fut quasiment absente… Merci qui ? Merci Robert !
Crédit Photo : Frédéric Marcadet
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