Du folk finement ourlé, désuet et sobre – comme si de rien n’était.
Il y a quelques années, on reçut sans excitation particulière le premier album de Carla Bruni, mannequin vedette et jet-setteuse confirmée. Elle avait pour elle la beauté, l’intelligence, la culture, le glamour et la fortune : son disque ne pouvait donc être qu’une toquade. Quelqu’un m’a dit révélait pourtant une authentique cabocharde qui, loin du caprice de diva, affirmait des choix artistiques insolites : esthétique du peu, goût désuet pour une certaine variété, remontée d’une époque où le mot n’était pas encore anagramme d’avarié.
Cette sobriété, cette austérité même parfois, tranchait joyeusement avec le bling-bling creux des chanteuses à amygdales qui polluaient alors les ondes. Malgré ici quelques dérapages niaiseux (l’imbécile Ta tienne, le ramenard Notre grand amour est mort, le saxo très moche de Péché d’envie), c’est cette même frugalité, cette même économie d’effets de manche qui dirigent Comme si de rien n’était.
Surlignées par une production orfèvre (autoharp, cuivres hautains, orgues vintage, cordes très rares), les chansons s’installent résolument dans une marge cosy de l’histoire, dans une France dirigée par Giscard ou même Pompidou, une France qui n’a sans doute existé que dans les fantasmes, où les grands plateaux de Maritie & Gilbert Carpentier auraient accueilli Marianne Faithfull, Françoise Hardy, Marie Laforêt ou Barbara, dont l’ombre plane une fois encore ici (notamment sur l’imposant Déranger les pierres). Un album assez typique, en somme, de cette femme détachée, inculte érudite, dévoreuse de vie et de sensations par panique du vide, chanteuse parce que parleuse contrariée, moderne d’une autre époque, balzacienne diabolique – une Femme comme il faut, comme l’écrivait Balzac lui-même dans sa nouvelle.
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