Sur son quatrième album, l’Anglais Mike Skinner éclaire ses chroniques urbaines d’une musique pop désormais affranchie, joueuse et qui entrevoit la lumière.
Depuis Original Pirate Material, manifeste d’un hip hop branleur à l’accent cockney et à la culture club, Mike Skinner n’a cessé de vouloir agrandir le cadre qu’il s’était lui-même imposé. The Streets, ça a été d’abord été le témoignage de son environnement proche et des soirées lose de sa génération post-rave, le regard d’un Ken Loach de vingt balais qui aurait grandi en écoutant le Wu-Tang Clan et de la house. Mais, derrière la justesse des vignettes sociales et des tranches de vie comiques, on sentait bouillonner un apprenti songwriter dont les ambitions connaissaient une constante expansion.
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Comme soucieux de ne pas s’enfermer dans sa propre caricature, Skinner a petit à petit élargi son horizon à l’Angleterre toute entière, se tournant vers ses racines pour mieux se construire. En chemin, il ne s’est pas non plus épargné, témoin il y a deux ans l’introspectif The Hardest Way To Make An Easy Living où il exposait sans prendre de gants ses blessures, ses idées noires. Sans doute qu’il avait besoin de cet album exutoire, peu aimable et mal aimé, pour lâcher du lest et partir le cœur léger.
Everything Is Borrowed marque ainsi l’heure de la grande évasion : voyant que le soleil brillait plus fort à l’extérieur de son univers autocentré, il a quitté sa routine et emmené The Streets sur des chemins plus lumineux. D’abord, en ayant recours à une instrumentation totalement live, Skinner a donné plus de rondeur et de douceur à son songwriting. Celui-ci, amadoué par des cuivres jazzy ou les cordes de l’orchestre philharmonique de Prague (guest de poids), s’en retrouve tout chamboulé et désarmé.
Il faut ainsi entendre Skinner chanter, libéré et la gorge dénouée, The Strongest Person I Know, bienveillante ballade qui le voit accompagné par harpe, mandoline ou clarinette. Quand ses vieux démons viennent le taquiner, c’est le sourire aux lèvres qu’il les repousse, témoin l’entraînant et apaisé Heaven For The Weather, qui quasiment d’entrée, expose le changement d’humeur. Il y a quelques années, I Love You More (Than You Like Me) aurait cédé au cafard et aux angoisses ; ici, éclairée par les entrechats d’un piano Rhodes, la chanson se révèle aussi violente qu’une caresse.
Si le chanteur originaire de Birmingham ne tourne pourtant pas le dos au danger, il n’a plus la mentalité de casse-cou. Ainsi, lorsqu’il monte en haut d’une falaise (On The Edge Of A Cliff), au lieu de plonger dans de sombres interrogations, il trouve un bras auquel s’accrocher, une mélodie pour retrouver le sourire. Avec leur riffs de guitare funk poids plume, Never Give In et The Sherry End (malgré son refrain mélodramatique) sont eux animés par un groove jovial et débonnaire qui de déparerait pas sur les vieux classiques que sa génération a samplés.
Sujet d’un très beau et symbolique clip où on le voit traverser à pied la France et escalader la dune du Pyla, l’émouvant et autobiographique The Escapist achève une mutation bluffante dont on mesurera sans doute bien des années la véritable portée. Produit d’une courageuse remise en question, à la fois musicale et spirituelle, Everything Is Borrowed constitue un émouvant virage et la première réussite d’un auteur miraculé.
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