S’appuyant sur une enquête du sociologue Nicolas Jounin, Claire Braud aborde avec humanité et générosité le sujet aride des conditions de travail sur les chantiers de construction.
Avec Mambo (2011) et Alma (2014), Claire Braud avait réalisé des albums pétulants et fantaisistes, faisant la part belle à l’aventure et à l’imagination. Changement radical de direction avec ce Chantier interdit au public, album de la nouvelle collection Sociorama lancée par Casterman, qui apparie un sociologue et un auteur de bandes dessinées.
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Dans ce petit album dense en noir et blanc, Claire Braud s’empare d’un sujet aride, les conditions de travail sur les chantiers de construction. A partir d’une enquête du sociologue Nicolas Jounin publiée en 2009, elle a imaginé une fiction racontant les premiers jours de travail sur un chantier d’Hassan, un jeune ferrailleur arabe. Hassan y rencontre un de ses amis, Soleymane, coffreur, qui lui fait découvrir le fonctionnement et les codes des entreprises du bâtiment.
Regard faussement candide d’Hassan
D’emblée, Hassan fait l’expérience du rythme de travail frénétique, des conditions pénibles et dangereuses. Il assiste au racisme quotidien entre ouvriers et/ou chefs, à un accident suivi par une visite de l’inspection du travail.
Via le regard faussement candide d’Hassan, jamais dupe de ce qui se passe autour de lui, Claire Braud dresse un tableau précis – et terrible – de la vie sur un chantier. Avec une belle habileté narrative, elle aborde le processus d’embauche morcelé, le rôle des agences d’intérim, les discriminations à l’embauche et la hiérarchisation sur le terrain, où les emplois sont attribués par origine (Arabes ferrailleurs, Noirs manœuvres, Portugais chefs, Français aux commandes ou ouvriers qualifiés…), la course à la vitesse au détriment de la sécurité, le quotidien des intérimaires (maladies que l’on cache pour ne pas perdre sa place, épuisement…).
Monde où règnent stress et pression
L’hypocrisie qui règne dans le milieu est largement soulignée, que ce soit celle des employeurs, qui se défaussent quand on les accuse d’employer des sans-papiers, ou celle de l’inspection du travail, guère pointilleuse sur les conditions de sécurité.
Chantier interdit au public n’est ni un pamphlet ni une peinture naturaliste misérabiliste. L’esprit pétillant de Claire Braud, son humour, dans le dessin ou dans les dialogues toujours justes, rendent ce récit extrêmement vivant. On retrouve ici le rythme trépidant qu’elle avait su si bien insuffler dans ses deux albums précédents, cette fois-ci mis au service de cette description lucide d’un monde où règnent stress et pression. Son humanité et sa générosité, qui transparaissaient dans ses premiers récits, sont ici grandement confirmées.
Chantier interdit au public
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