Pour leur troisième édition, les Nuits Sonores ont proposé cette année encore un plateau très alléchant. Pointures internationales et collectifs locaux cohabitaient cordialement dans près de cinquante lieux de Lyon. Compte-rendu.
MERCREDI 4 MAI
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Arrivés en fin d’après midi, on file direct à la piscine du Rhône pour l’inauguration. Entre quelques bières pour se mettre en jambes, on croise nettement plus de connaissances parisiennes, signe révélateur d’une curiosité croissante.
En apéritif sonore, l’electro hybride de A Jackin’ Phreak accompagnée d’un maigre rayon de soleil, constituent une bonne introduction pour la suite. Direction les Subsistances pour la première nuit du festival. Fait assez rare, Ivan Smagghe est programmé en ouverture et débute son set dès 23h30. Plus à l’aise des les clubs survoltés, le protégé du Pulp s’applique à un mix classieux mais ne parvient pas vraiment à lancer le dancefloor. Steve Bug prend ensuite les platines de la cour carrée. Le chef de file du label Poker Flat déverse en douceur son electro tech minimale mais son set devient très vite plat et ennuyeux. Le public quasi immobile semble attendre quelque chose de plus dynamique.
Le salut viendra du Canada, par les mains de la nouvelle coqueluche de l’electro bien pensante : Mathew Jonson. Auteur d’une poignée de maxis des plus recommandables, oscillant entre deep groovy et techno minimale, le jeune canadien à l’honneur d’être le seul live de la soirée sur cette scène. Inventif et efficace, son live est d’une fluidité rare. Enchaînant ses propres compositions avec quelques boucles inédites, Jonson bâtit un magnifique voyage électronique à l’horizon large et confirme haut la main tout le bien qu’on pensait de lui.
La suite de l’animation musicale a été confiée à son compatriote et parrain, le grand Richie Hawtin. Paré de 2 portables, platines et effets en tous genres, Hawtin remet les choses à leur place dès le début de son set. Plus puissant et rapide que tout ce qui a été entendu ce soir, son mix réveille définitivement la cour carrée bondée à craquer. L’autoroute techno est en marche pour près de deux heures. Certes pas d’une originalité débordante, la techno d’Hawtin possède pourtant une puissance jouissive. La technique irréprochable du boss de Minus et sa maîtrise des fréquences y sont pour beaucoup, bien qu’elle fût ce soir quelque peu entamée par des problèmes techniques.
James Holden, patron du très en vue label Border Community et auteur du remix du déjà cultissime Sky was pink a la charge de terminer la soirée. Mêlant electro et scratch avec maestria, le jeune anglais, figure de proue du renouveau trance anglais séduit d’entrée. Mais le rythme s’essouffle un peu sur la durée, notre fière équipe prend la sage décision de se retirer.
JEUDI 5 MAI
Traditionnellement dédié aux acteurs du milieu électronique lyonnais, le jeudi de l’ascension 2005 ne dérogera pas à ce que l’on peut désormais appeler la tradition. Eclaté dans 9 lieux dans toute la ville, le Circuit Electronique des Nuits Sonores offre cette année encore un beau parcours gratuit dans les différents clubs de la capitale rhône-alpine. De la Marquise au DV1, en passant par la Maison de la Danse pour les Pi Nights, chaque établissement propose un plateau d’artistes locaux soutenus par une tête d’affiche internationale. Déjà largement plébiscité l’année dernière, le Circuit Electronique connaît cette année une réelle explosion en termes de fréquentation.
Pour celui qui s’était lancé assez tard dans le parcours, l’entrée dans les différents endroits se faisait de plus en plus longue voire impossible à la Marquise à partir de minuit. A l’intérieur, c’est souvent l’émeute tropicale, comme au Rectangle avec la scène jungle menée par Flore ou bien encore au DV1 (club montant qui accueille à présent les soirées Divines), dans lequel John Acquaviva fait hurler les foules grâce à un très beau set techno, dansant à souhait. Loin de toute la branchitude électro, le père du Final Scratch, mixe avec classe des pépites de l’histoire la techno d’hier et d’aujourd’hui. On aurait du aller voir les lives de The Hacker et de Richard Bartz au Loft, mais la fatigue accumulée prendra finalement le dessus sur notre volonté. Rideau pour ce soir.
VENDREDI 6 MAI
Après un passage par le Musée d’Art Contemporain pour les derniers jours de l’exposition Warhol, on tombe un peu par hasard sur la percutante performance cagoulée de Subjective boy dans le cadre des Pi days 2 organisés chaque jour au MAC.
Mais l’appel de Manchester commence à se faire entendre à la Piscine du Rhône. Manchester is back. Après l’expérimental Chris Clark, Riton réveille les clubbers en palme à coup de bombes éléctro et indies. Première apparition de Laurent Garnier qui découvre le lieu pendant que Mike Pickering et ses vieux anthems de la club culture anglaise refont vivre l’Hacienda des années 80 en bordure de rhône.
Au même moment, Damo Suzuki, ex-Can, inaugure la première des deux nuits aux Salins du Midi, friche industrielle comparable et voisine de la Sucrière ou s’étaient déroulées l’année dernière les deux soirées équivalentes. Dès notre arrivée sur place, on croise les TTC, stressés par le son et visiblement interloqués par le set de Missill, la jeune étoile montante du breakbeat parisien.
Sur la scène principale, les 3 gais lurons de Der Plan, font les zouaves en musique, quelque part entre les Leningrad Cowboys et Kraftwerk. Cachés derrières des panneaux en contreplaqué représentants des personnages enfantins, les membres de Der Plan déroulent leur spectacle comme une minutieuse pièce de théâtre absurde, mise en musique. Leur electro pop foutraque très large d’esprit est accompagnée de textes en allemand chantés par un barbu à la voix de fausset. Le résultat est au final assez bluffant et agréable. La première réelle découverte du festival. Comment ne pas avoir un faible pour un groupe déguisé qui pose des questions aussi fondamentales que « pourquoi nous arrêtons nous au rouge et marchons au vert ? Que se passerait-il si nous faisions le contraire ? »
Mark E. Smith, charismatique leader hystero de The Fall est le grand attendu de la soirée. Plus connu pour son caractère exécrable et ses très fréquentes annulations de concerts que pour la qualité de ses prestations scéniques, Smith et sa (jeune) bande sont pourtant bien là aujourd’hui. Ils mettent 3-4 titres à se roder. Bien qu’on ne soit plus dans le même registre qu’aux débuts du groupe à la fin des 7O s, la machine de la chute a encore du coffre. Pendant plus d’une heure, The Fall reprend son envol, appuyé par un section rythmique en béton armé, sorte d’écrin d’épines pour les gouailleries de son icône déglinguée. E. Smith gratifiera même son public d’un court rappel avant de disparaître.
Au même moment les TTC mettent le feu à la petite salle. Visiblement très attendue par le public lyonnais, la bande à Teki Latex conquiert d’emblée son audience. Les mouvements de la foule mettent en panique le service de sécurité. Devant la scène, seul endroit où le son est de qualité, le mélange hip hop des 3 MC, renforcé par les boucles electro old skool de DJ Orgasmic est bigrement efficace. Si la plupart des curieux postés sur les côtés sont quelque peu frustrés par la bouillie sonore que crachent le sound system, les fidèles sortent retournés du concert des 4 parisiens. Mais si les TTC avaient allumé le feu, Vadim et son collectif One Self se sont chargés de l’éteindre.
Dans la grande salle, Les Lost Souls cassent un peu les oreilles. Si sur disques leurs compositions sont teintées d’ingrédients electro, sur scène on nage dans le plus pur punk noisy. Pas forcément ce que nous avions envie d’entendre. Il faut avouer que ce soir, l’amateur de musique électronique « dancefloor » n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. En extérieur, le petit camion suréquipé chargé d’assurer l’ambiance fait le plein. Les deux enceintes en tubes déversent une « drum n’ bass éléctronisante » puissante et il faut l’avouer trés bien foutue. Le spot s’attire les faveurs nombreuses de ceux qui ne trouvent par leur compte sur les deux scènes principales. Nos carcasses qui commencent un peu a accuser le coup finissent par battre en retraite.
SAMEDI 7 MAI
Pour le dernier jour, les Nuits Sonores investissent encore une fois la rue, et ce dès 14h00, rue de l’Arbre Sec en plein centre de Lyon. Les bien nommées guinguettes électroniques animées par les DJ du collectif Exciters sont une parfaite mise en jambes pour la dernière ligne droite. Debout en plein milieu de la petite place ou assis à l’une des terrasses qui l’entoure, les aficionados de l’electro se dandinent gentiment au milieu des passants curieux.
Avant la grande soirée de clôture aux Salins, une halte aux Subsistances s’impose pour voir deux groupes phares de la fusion punk/funk née à New York au début des années 80 : A Certain Ratio et James Chance and The Contortions. Dégoûté, on rate le concert des premiers. On se rassure un peu en entendant les calamiteux commentaires d’après concert. On arrive donc pile-poil pour le retour de James Chance. Boursouflé comme un saucisse Knacki passée au micro ondes. Chance tient malgré tout encore la forme. Appuyé par une solide formation, l’ex compagnon de Lydia Lunch – dès 76 au sein de Teenage and Jerks – arrive à rallumer la flamme du passé. Il est peut être un peu aidé par quelques litres de bourbon. Son free rock bluesy et bruitiste est assez déconcertant mais le personnage et la précision rythmique des Contortions fascinent.
Minuit, les Subsistances retrouvent peu à peu le calme, l’heure de rejoindre une dernière fois les Salins pour le rendez-vous des pontes de l’electro internationale. La programmation de cette dernière nuit sonores 2005 a, il est vrai, de quoi faire pâlir n’importe quel organisateur de soirée techno. Les parrains Laurent Garnier et François K, accompagnés de la relève en la personne de Mattew Herbert, Agoria Vs Tiefschwarz et le dévastateur Vitalic, seul live de la soirée.
Herbert commence avec près d’une demi-heure de retard, mais dès le premier disque la salle bondée revit soudainement. Le signal est donné. Pourtant l’ami Mattew n’est pas facile à suivre. Il déconstruit systématiquement chaque montée par des contre-pieds plus lents, déconcertant une bonne partie des 2500 personnes présentes.
François K arrive sous un déluge de fumée rougie et le ciel redevient encore une fois rose. The sky was pink (le nouveau hit electro venu de Grande Bretagne par l’intermédiaire de Nathan Fake) résonne pour la septième fois de la journée à nos oreilles et à chaque fois la magie des nappes claque le dancefloor. – L’édition 2005 des Nuits Sonores confirme le passage de titre entre le Rocker d’Alter ego et The sky was pink de Nathan Fake pour la catégorie Hit Electro du moment – Le new yorkais d’adoption mixe une deep techno chaleureuse comme peu de DJs savent ou veulent encore le faire, parsemée de vocaux soulfull ou bien de quelques rythmes africains. L’Introduction rêvée pour notre star nationale.
Laurent Garnier clôture la nuit avec un set de trois heures. Il n’avait pas joué à Lyon depuis un bon moment et tous ceux qui sont venus le voir s’en rappelleront sûrement très longtemps. La remarquable qualité du son et la sélection irréprochable soutenue par une technique savoureuse offre un de ses plus beaux moments au jeune festival. Le public exulte et nous avec. Puissant et jouissif. Ça mérite de s’arrêter là pour cette année.
Comme beaucoup de festivals, les Nuits Sonores prennent le parti d’investir une ville pendant plusieurs jours, elles se démarquent pourtant avec classe, en se produisant majoritairement dans des lieux historiques de la ville, tels que la piscine du Rhône ou bien Les Subsistances. Au niveau musical, comme l’an passé, le mariage des genres dans le cadre d’un festival supposé électronique fonctionne plutôt très bien. Avec une fréquentation de 36000 personnes sur 4 jours, soit le quasi plein, le jeune festival lyonnais fait déjà figure de futur grand. Comme le Sonar, son aîné et model, le festival Les Nuits Sonores est voué, de par son succès, à une expansion inéluctable. Espérons qu’il ne tombera pas dans le gigantisme démesuré aujourd’hui atteint par le géant Catalan.
Merci à Vincent Carry et toute l’équipe des nuits sonores/association Arty Farty
Plus d’infos sur le festival : www.nuits-sonores.com
Prochaine soirée éléctronique à ne pas rater sur Lyon : soirée Divine, le 21 mai @ Ninkasi Kao avec Whitey, Modeselektor, James Taylor et Thomas Villard.
{"type":"Banniere-Basse"}