A 22 ans, Marion Maréchal-Le Pen est devenue la plus jeune députée de France. Un parcours balisé de longue date par son père, Samuel Maréchal, et son grand-père, Jean-Marie Le Pen.
Mercredi dernier, Marion Maréchal-Le Pen a fait son entrée à l’Assemblée nationale avec les honneurs de la garde républicaine. Tailleur noir, escarpins et cheveux blonds noués derrière la tête, la petite-fille de Jean-Marie et nièce de Marine est entrée dans l’Hémicycle en compagnie des six plus jeunes députés élus, pour ouvrir la première séance de la quatorzième législature. L’instant est solennel. Comme son grand-père en 1956, élu sous la bannière de Pierre Poujade à l’âge de 27 ans, Marion Maréchal-Le Pen, 22 ans, devient la plus jeune députée de la Ve République.
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Cette éclosion politique précoce ne doit rien au hasard. Jean-Marie Le Pen veille à la perpétuation de sa dynastie. Le « menhir » a tout fait pour convaincre sa petite-fille de se présenter dans la 3e circonscription du Vaucluse où le FN avait obtenu son meilleur score au premier tour de la présidentielle.
« C’était une opportunité symbolique et une circonscription gagnable, j’ai donc pensé que Marion devait se porter candidate, justifie aujourd’hui le président d’honneur du FN. A un moment, j’ai même songé à y aller moi-même. Il était impératif de marquer le coup pour effacer l’affaire de Carpentras. »
En mai 1990, 34 sépultures juives avaient été profanées dans le cimetière de Carpentras et le Front national avait été indirectement accusé.
« Elle avait d’abord refusé. J’ai insisté »
Refroidie par sa participation aux municipales de 2008 à Saint-Cloud et aux régionales de 2010 dans les Yvelines où elle s’était déjà portée candidate, Marion Maréchal-Le Pen, qui poursuit un master de droit public à l’université de Panthéon-Assas (Paris-II), n’était pas très emballée à l’idée de renouveler l’expérience. Il y a tout juste deux ans, elle avait craqué lors d’une interview télévisée et était partie pleurer hors caméras sous l’oeil désabusé de Marie-Christine Arnautu, vice-présidente du parti et amie de la famille. Pour la convaincre de se présenter aux législatives, Jean-Marie Le Pen a donc dû insister. « Elle avait d’abord refusé en m’indiquant qu’elle avait des examens. J’ai insisté car c’est difficile de demander aux jeunes de s’engager en politique si notre famille elle-même ne s’engage pas. C’est une question d’intuition, je pensais qu’elle avait le gabarit. »
Il faut croire qu’au Front national, la politique tient du sacerdoce obligatoire. Rarement l’histoire d’un parti politique aura été aussi intimement liée à un nom. Bruno Mégret en sait quelque chose, au FN, la famille prend toujours le pas sur les ambitions des apparatchiks, même valeureux. « Le FN appartient à papa, et après papa c’est les filles. Même un délégué général ou un député européen ne pèsent rien. Vous devez tout à Le Pen, Le Pen ne vous doit rien. Si vous faites valoir vos compétences pour remettre en cause cette prééminence familiale, ils prennent ça comme un crime de lèse-majesté. Dans leur esprit, c’est comme si vous essayiez de les spolier de leur propriété de Montretout », explique Carl Lang, parti en 2009 après avoir refusé de céder sa place à Marine Le Pen aux élections européennes.
Quand il évoque sa petite-fille, Jean-Marie Le Pen affiche un visage satisfait. Soucieux de laisser son nom dans l’histoire, le patriarche frontiste a désormais la garantie que son patronyme se perpétue sur deux générations dans les travées du Palais-Bourbon. Lors du vote pour élire le président de l’Assemblée nationale, Marion Maréchal-Le Pen a eu le privilège de surveiller les opérations au perchoir, à côté de l’urne. A la faveur de son jeune âge, l’élue frontiste accompagnait le doyen de l’Assemblée nationale, François Scellier. Alors que la nièce de la patronne du FN a été snobée par de nombreux parlementaires, de gauche comme de droite, Henri Guaino, Nicolas Dupont-Aignan ou encore Claude Goasguen lui ont serré la main.
Un père, initiateur de la dédiabolisation du FN
Dans les tribunes, son père, Samuel Maréchal, observe la scène avec le sourire. L’élection de sa fille et la percée électorale du FN couronnent une stratégie qu’il a contribué à mettre en place au début des années 90. Engagé au FN depuis le lycée et pourvu d’un BEP de prothésiste dentaire et d’un Deug de droit, le père de Marion a gravi un à un tous les échelons du parti. En 1992, il prend la tête du Front national de la jeunesse (FNJ), qu’il contribue à rénover et à professionnaliser. Un an plus tard, il intègre la famille Le Pen en épousant Yann, la fille cadette du leader frontiste. Surnommé « Monsieur Gendre » en interne par ses détracteurs, il entreprend une refonte idéologique du mouvement qui profitera plus tard à Marine Le Pen.
« Il est l’un des premiers à avoir amorcé une politique de dédiabolisation », estime ainsi l’historien Nicolas Lebourg. Afin de se démarquer de la vieille garde frontiste, Samuel Maréchal crée en 1998 l’association Génération Le Pen pour répondre à la demande « d’électeurs qui aimeraient bien que notre image se normalise pour qu’on leur donne les moyens de voter pour nous ». Samuel Maréchal s’est notamment battu pour réduire l’influence des catholiques traditionalistes sur le FN. Fils d’un pasteur pentecôtiste, il a milité pour la reconnaissance du caractère multiconfessionnel de la France et pour une meilleure prise en compte de l’islam au sein du mouvement.
Alors que durant les années 90, Bruno Mégret milite pour une alliance avec la droite, Samuel Maréchal plaide pour le « Ni droite ni gauche, Français », slogan qui fut également celui du Parti populaire français de Jacques Doriot, ancien communiste passé au fascisme à la fin des années 30.
« La force de Samuel Maréchal est d’avoir réussi à théoriser positivement l’isolement du FN en se présentant comme la seule alternative au système », ajoute Nicolas Lebourg.
Samuel Maréchal espérait sans doute suivre le sillon de Jean-Marie Le Pen mais son divorce avec Yann Le Pen, en 2007, l’a poussé à s’éloigner de la famille et donc de la politique. Le succès de sa fille lui permet de revenir dans le giron familial. Dans le manoir de Montretout, sur la colline de Saint-Cloud, le nom de Maréchal est désormais associé à celui des Le Pen, sur la sonnette d’entrée.
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