Kev Adams, Robin des bois moderne, dans un conte tragi-comique atroce.
Voici donc venir un film qui nous pendait au nez depuis quelques années : le Tchao Pantin de Kev Adams, du nom du contre-emploi tragique de Coluche dans un film de Claude Berri à la suite duquel d’innombrables rigolos du showbiz, désireux d’acquérir au rabais une reconnaissance symbolique, s’en sont allés pleurnicher dans de petits drames taillés sur mesure pour leurs changements de registre (genre Jean Dujardin dans Contre-Enquête). Amis publics ne triche pas sur la marchandise et enfonce fort le clou du pathos : Adams y joue le grand frère d’un garçon cancéreux dont il décide avant qu’il ne soit trop tard de réaliser le rêve, soit d’organiser, aidé de deux copains, un braquage de banque. D’abord un faux, qui se transforme en fait en vrai, puis en série de braquages dont le butin est redistribué aux enfants malades pendant que l’opinion publique se prend d’affection pour ces « Robins des banques » improvisés.
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On manque de mots pour qualifier ce torchon conçu comme un conte moderne à la gloire d’une icône caritative et bienfaisante – icône à cheval entre Adams lui-même et son personnage. Inutile de s’attarder sur l’argument « polar », si foireux qu’il ne tourne qu’en régime semi-parodique (accumulant des clins d’œil ambigus où l’on peine à distinguer le premier du second degré : Heat, Casino…). Inutile de façon plus générale de prendre au sérieux les chichis d’un film où tout le monde a dramatiquement l’air de faire semblant, de « jouer » au drame au sens le plus contrefait, le plus falsifié du terme. Ironiquement, cette facticité atteint justement son paroxysme dans les parenthèses comiques dont le film fait l’aumône, semblant implorer le public de s’ébaudir devant la faculté des personnages à lâcher, au nez et à la barbe de la maladie, des blagues convenues (insupportable complicité surjouée en mode « bande de copains inséparables ») ponctuées de petits sourires affectés et mélancoliques.
Non la seule chose intéressante ici, c’est ce qu’Amis publics littéralise de l’aura de Kev Adams. L’acteur aurait décidé de se lancer dans le projet pour rendre hommage aux enfants hospitalisés auxquels il rend régulièrement visite depuis les premiers soubresauts de sa célébrité (ce qui est tout à son honneur). Hommage à eux ou à lui-même ? Les temps de parole respectifs de son personnage et de celui du petit frère malade suggèrent une réponse, que vient surtout confirmer cette très dérangeante tendance (déjà observée dans Aladin) des Kev movies à mettre métaphoriquement en scène la popularité dictatoriale d’Adams, son statut unique et intime auprès des pré-ados et sa façon d’aimanter immanquablement les foules – au point qu’ici très vite les braqueurs justiciers deviennent avant tout des showmen du peuple, gagnant le cœur des masses en diffusant leurs vidéos sur YouTube, jusqu’à cette scène ahurissante où des centaines de kids sèchent soudain les cours pour aller former une chaîne humaine s’interposant en plein braquage entre leur idole et la brigade d’intervention.
Dans un hit comique de Kev Adams, la scène paraitrait quasi visionnaire, très troublante dans sa façon de dépeindre la relation de codépendance, de dévotion, de surprotection qui lie l’humoriste de 24 ans à son jeune public. Or le démarrage plus timide d’Amis publics laisse planer le risque d’un désaveu, de la part d’une fanbase moins acquise aux élans tragiques de l’acteur qu’à ses clowneries habituelles. De quoi peut-être le décourager de poursuivre dans cette voie. Mais bon, celle-là ou une autre, franchement…
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