A l’occasion de leur tournée française, rencontre avec Alan Sparhawk, leader des américains de Low qui revient sur la déjà longue carrière du groupe. En prime, découvrez leur nouveau clip, l’étrange Death of a salesman.
Avec son nom conquérant, ses guitares franches et sa production ample, The Great Destroyer, septième album des américains de Low paru en début d’année, tranchait radicalement avec leurs uvres passées.
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Quelques mois auparavant, pour leurs dix ans d’existence, le groupe mené par le coupe Alan Sparhawk et Mimi Parker, avait publié un coffret retraçant la carrière à part de ce groupe, comme pour montrer qu’il y soldait ses comptes.
Jusqu’à présent, on connaissait Low comme un groupe volontairement fâché avec ses amplis. Minimaliste et lent, inventeur inconscient du mouvement slow-core, Low mettait pourtant dans ses chansons tellement d’émotions et de grâce qu’on y succombait d’emblée.
The Great Destroyer fut donc une sacrée claque pour les habitués du groupe. Pourtant, à bien réécouter l’album, et même si le groupe s’y montre plus démonstratif qu’à l’accoutumée, il s’inscrit parfaitement dans la droite lignée des précédents.
Alan Sparhawk, chanteur guitariste du groupe, revient pour nous sur sa conception dans une interview fleuve où il est souvent question de spiritualité. Pour agrémenter la lecture, nous vous proposons de visionner le très étrange clip de Death of a salesman, extrait de l’album (à découvrir en passant le curseur de la souris sur le bouton AUDIO/VIDEO en haut de page).
Vous avez récemment fêté vos dix ans en tant que groupe Comment était-ce ?
Ce fut assez étrange Après quelques temps passés en groupe, c’est toujours une surprise quand on se rend compte qu’on a encore survécu quelques années de plus. Nous n’avons jamais pensé à l’avenir ; quand nous avons commencé, nous n’avions pas l’intention de faire plus que quelques concerts’
Comment as-tu évolué, en tant qu’individu, pendant tout ce temps ? Quels effets cela a-t-il eu sur le groupe ?
Il y a des choses évidentes : nous avons des enfants, tous, des familles. Devenir parent change ta perception assez drastiquement, on commence à voir les choses plus clairement, sous un autre angle, ce qu’on tente de dire est un peu plus évident, simple. Quand j’étais plus jeune, il y avait de nombreuses choses que je voulais exprimer, mais je les dissimulais. Et quand on devient parent, on se rend compte que la vie est très courte, qu’on a rarement la chance de pouvoir exprimer son être intime : si tu as quelque chose à dire, il faut le dire.
Et quel est cet être intime ?
J’apprends, en ce moment. Je suis très en colère, je m’en rends compte. C’est étrange, je ne sais pas d’où vient cette colère, mais je réalise simplement maintenant qu’elle est là. Et que je l’ai peut-être toujours eu en moi. Je me bats contre quelque chose qui n’est pas là. En vieillissant, on commence à voir les monstres plus clairement. On réalise ce qui s’est réellement passé dans notre tête toutes ces années ; et ça n’a rien de joli.
C’est étrange, logiquement les gens deviennent plus sages avec l’âge
J’aimerais. J’aimerais être calme et sage. Peut-être un jour.
Quelle est votre philosophie, comment a-t-elle évolué depuis les débuts de Low ?
Elle n’a pas réellement changé. J’ai toujours eu des standards assez clairs quant à la spiritualité, la morale, tout ce qui s’y rapporte. J’ai toujours eu des objectifs, une recherche constante de quelque chose. Tout le monde est comme ça. Tout le monde a une image de qui ils sont, de ce qu’ils sont, de ce qu’ils veulent être ; tout le monde essaie d’être aussi proche que possible de cette personne. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est bon d’avoir cette vision, cette motivation. Personne n’y arrive jamais totalement, mais nous avons tous des raisons d’essayer d’être toujours meilleur.
D’où vient cette spiritualité ?
J’ai été éduqué dans la religion mormone, je m implique énormément aujourd’hui là-dedans. Je crois, je suis, j’essaie d’utiliser cette religion pour devenir une meilleure personne. Ça me donne une direction. Mais la vraie mesure d’une personne est sa place sur ce chemin, et le fait qu’elle aille de l’avant.
En tant que Mormon, vous sentez-vous obligé de combattre quoi que ce soit ?
Uniquement moi-même. Non, je ne me suis jamais senti menacé par quoi que ce soit, qui que ce soit. Par la musique, ou par le monde. Mais tous ceux qui ont les yeux ouverts savent qu’ils sont leur propre ennemi.
Vous sentez-vous lié à ce qui se passe dans le monde, en particulier actuellement ?
Oui, je le suis. Ce sont des temps difficiles aux Etats-Unis, en ce moment et depuis quelques temps. Je pense que les gens qui se sentent concernés ont lutté pour le bien, et qu’ils finiront bien par trouver une voie qui leur permettra de survivre. Les prochaines années vont être très difficiles, j’espère qu’on s’en sortira…
Cette tension a-t-elle inspiré votre album, plus violent que les précédents ?
Je ne sais pas. Il y a peut-être une forme d’agressivité en cet album, mais il reste avant tout un album personnel. Ce n’est pas politique, pas une déclaration ; simplement un moment dans la vie de quelqu’un qui essaie de lutter contre ses propres démons, sa propre confusion.
Aviez-vous quelque chose en particulier en tête lorsque vous avez commencé à penser à cet album ?
Non, habituellement, je me contente d’écrire des morceaux. Puis quand j’en ai 6 ou 7, je peux m arrêter et regarder ce que j’ai, me demander ce que ça dit, est-ce que ça essaie d’aller quelque part, est-ce qu’il faut ajouter quelque chose à cette image générale. Cette fois, j’étais très content de ces premiers morceaux, et je savais que ça serait un album très différent.
C’était excitant de travailler sur cet album, voir cette nouvelle voix apparaître, travailler avec Dave Friedman. Il a apporté des choses qu’on ne sentait pas clairement. Mais ce fut étrange : nous avons travaillé un mois, puis nous avons pris un peu de temps, nous avons eu un bébé, puis nous sommes retournés en studio finir le travail. Ça a été nouveau pour nous : avoir un peu de temps pour nous asseoir et penser à ce que nous faisons, pendant que nous le faisons.
Etes-vous d’accord pour dire que cet album est plus rock ?
Je ne sais pas, tous nos albums sont rock. Tout ce que je sais est que j’étais ravi d’entendre le résultat, une fois les morceaux finis. Lorsqu’on termine un album, et qu’on l’écoute, on déteste parfois tout ce qu’on a fait. Pas cette fois. Quand on déteste les morceaux, il faut simplement faire confiance au moment où on les trouvait bons, quand on les écrivait. C’est une des choses qu’on apprend quand on est dans un groupe. Mais il faut savoir également changer d’avis.
Vous dites avoir réalisé que vous travailliez sur quelque chose de différent : étiez-vous lassé de ce que Low faisait ?
Je n’étais pas lassé, non. Mais ça a toujours été un objectif pour nous de ne pas refaire ce que nous avons déjà fait. On n’étudie pas forcément non plus son propre passé, on ne se dit pas « ok, voilà ce que tu as fait, voilà ce que tu vas faire. » On commence à travailler, et on voit ce que ça donne. On le jette, ou on le garde, on cherche une voie, on tente des choses nouvelles. Ecrire des chansons est quelque chose d’assez humiliant la plupart du temps, mais ça peut aussi devenir gratifiant.
Pourquoi humiliant ?
On s’assoit parfois, on essaie de presser son inspiration pour écrire quelque chose, on écrit quelque chose, et on se rend compte que c’est de la merde. Ce qu’on avait en soi était de la merde.
Pourquoi ce titre, The Great Destroyer ?
C’est une expression qui n’arrêtait pas de revenir quand j’écrivais mes morceaux, un motif récurrent. C’est un titre assez puissant. Qui est ce Great Destroyer ? Peut-être moi, peut-être pas’ Ça traînait, quelque part dans ma tête. Je crois qu’il y a de la violence dans la vie, du sombre et de la lumière, du bien et du mal. Mais le savoir nous permet de chercher à être une force positive, une force du bien. Mais parfois les choses ont besoin d’être détruites pour être à nouveau bonnes.
Qu’admirez-vous dans le travail de Dave Friedmann ?
J’adore les disques qu’il a produits, ceux des Flaming Lips notamment, ou Mercury Rev. Je ne comprenais pas réellement ce qu’il faisait à la musique avant de travailler avec lui, quelles étaient ses méthodes, ce qu’il apportait. Comment il mixe, comment il souligne ce qu’il y a de beau et d’important dans un morceau. C’est quelqu’un de très impressionnant, sa patience, son talent, ses trouvailles ; et c’est un homme bon, une personne douce. J’aimerais retravailler avec lui. Je suis très fier de ce que nous avons fait ensemble.
Décririez-vous The Great Destroyer comme un album plus optimiste, ou plus pessimiste que les précédents ?
C’est un album de défi. C’est, d’une certaine manière, quelque chose de positif. Comme serrer et secouer ses poings, sortir ce qu’on a de mauvais en soi, le briser sur le sol. Ça donne de l’espoir.
Qu’espérez-vous ?
Survivre, aller de l’avant, trouver un endroit où il y a la paix, le bonheur, la famille. Je ne sais pas. Le but est d’être ce que nous sommes supposés être. Car nous sommes tous censés devenir quelque chose de beau, d’éternel. C’est ce pour quoi je travaille. Je ne sais pas où j’en suis, mais j’imagine que pour l’instant, je m’en sors pas mal.
La musique peut-elle vous aider ?
Oui, clairement : la musique est l’outil clé, celui de ma survie.
Avec l’aimable autorisation de PIAS.
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