Une étude du Cevipof révèle que les couples homosexuels mariés ont largement boudés les partis de gauche lors des dernières élections régionales, leur préférant des formations politiques ouvertement hostiles au mariage pour tous. Schizophrénie ou ingratitude ?
Les homosexuels seraient-ils ingrats ? C’est ce qu’on pourrait croire à la lecture de l’étude dévoilée par le Cevipof ce mercredi 3 février. Cette enquête montre que lors des dernières élection régionales, les couples homosexuels mariés ont largement boudé les partis de gauche, qui ont pourtant permis la loi sur le Mariage pour tous.
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Les couples homosexuels mariés ont voté à 32,45% en faveur du Front national. Ces mêmes couples ont voté à 62,8 % en faveur d’un parti hostile au mariage pour tous. Toute mouillée, la gauche n’a recueilli qu’un tiers des suffrages parmi les couples mariés homosexuels, à peine un demi-point de plus que chez les couples mariés hétérosexuels.
Et même si, par rapport aux couples hétérosexuels, le score du PS est meilleur chez les couples homosexuels (+ 2,4) et moins bon à droite (-3,6), pour le Parti socialiste, c’est la douche froide. D’un point de vue électoral, le parti ne tire pas véritablement profit du vote de la loi sur le mariage pour tous auprès de ceux qui en sont pourtant les premiers bénéficiaires.
Le vote FN fait le plein chez les gays mariés
On note également une forte différence entre le vote FN des couples d’hommes mariés et ceux des couples de lesbiennes: avec un score de 38,6% le FN fait le plein chez les gays mariés, alors qu’il atteint seulement 26% parmi les couples de femmes. Ces dernières font d’ailleurs plus confiance au Parti socialiste (27,9%) que les couples d’hommes (24%), quand bien même le gouvernement de François Hollande semble avoir définitivement renoncé à des mesures comme la PMA.
Cette étude fait voler en éclat l’idée d’un vote gay homogène, comme le souligne Sylvain Brouard, chargé de recherche du FNSP :
« Il n’y a pas de vote monolithique. On ne peut pas parler de vote communautariste. Au contraire, il apparait ici incroyablement dispersé. »
Et même s’ils existent quelques différences avec les couples hétérosexuels, on peut lire ces résultats comme un signe de normalisation du comportement électoral des homosexuels:
« Les répondants des couples homosexuels basent leurs comportements électoraux sur une foules d’autres indicateurs – comportement de l’exécutif, type de politiques, leurs succès… – qui les amènent à se comporter de manière peu différente du reste de la population, en particuliers lors d’élections intermédiaires où les logiques de vote sanction sont très prononcées. »
Des résultats « désespérants »
Au PS, la pilule a du mal à passer. Pour le socialiste Bruno Julliard, premier adjoint à la maire de Paris, ces résultats sont « désespérants » :
« C’est insupportable de voir une minorité se jeter dans les bras d’un parti politique qui a largement nourri les rangs des manifestations contre le mariage pour tous. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau. Pendant la campagne de 2012, je me souviens de conversations politiques en boîte avec des gays. J’avais déjà été frappé par le succès politique de Marine Le Pen. On a en France un parti politique qui fait le lien entre islamisme, musulman et immigration, et apparement cela fonctionne sur les cerveaux les plus faibles. »
Chargé de la culture à la Mairie de Paris, ouvertement gay, Julliard reconnaît que la gauche a pu décevoir sur son approche des questions LGBT :
« Je n’ai pas digéré le discours du président devant les maires de France lors qu’il a évoque une « clause de conscience » qui pourraient jouer pour certains maires qui refuseraient de marier des couples homosexuels, pas plus que l’abandon en rase campagne de la PMA ou la mise en avant d’une gauche morale et réactionnaire contre la GPA. Mais il n’en demeure pas moins que c’est le PS qui a permis le mariage pour tous. On peut être critique sur la timidité de la gauche au pouvoir sur les questions de société mais ça ne justifie en rien que certains se jettent dans les bras du FN. Le remède est cent fois pire que le mal. »
Une petite partie du « vote gay »
Le journaliste Didier Lestrade voit dans cette étude comme une validation des théories de son livre paru en 2012 Pourquoi les gays sont passés à droite :
https://twitter.com/didierlestrade/status/694905024737120257
Mais peut-on généraliser cette étude qui porte sur les couples gays et lesbiens mariés à l’ensemble des homosexuels ? « Il s’agit d’une petite partie du « vote gay », nuance Sylvain Brouard. Les résultats pourraient être différents auprès des gays célibataires. Quand on compare les couples homosexuels mariés et les couples homosexuels non mariés, on voit clairement qu’il y a une différence de profils. Mon interprétation est que la partie des couples homosexuels qui a choisi de se marier est celle qui est la plus conservatrice politiquement. »
Et le chercheur de conclure: « Les élections régionales ne portent pas d’enjeux spécifiques sur la question homosexuelle. Par conséquent il n’y a pas de raison pour l’électorat gay de se prononcer au regard de problématiques qui ne sont pas pertinentes lors de cette élection. Lors des présidentielles, les choses pourraient être très différentes. »
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