A l’occasion de la sortie de A song about girls, les belges de Zita Swoon sont à l’honneur via la parole généreuse de leur leader, Stef Kamill Carlens, qui a répondu à nos nombreuses questions. En prime, un clip, un titre en écoute de l’album et un titre live en vidéo.
Musicien libre, Stef Kamill Carlens a multiplié les projets depuis une dizaine d’années. Son passage dans dEUS, à l’époque de l’album A Worst Case Scenario, laissera des traces ? certains pousseront le vice jusqu’à dire que dEUS a perdu son âme lorsque Stef les a plus ou moins quitté. Ses multiples autres groupes – A Beatband, Moondog Jr , Kiss my jazz ou Zita Swoon ? et ses projets en tout genres ? musiques pour des films, des ballets ? rajoutent à la mythologie de ce personnage complexe que beaucoup compare sans ciller à Frank Zappa.
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Son nouvel album, A song about girls, est assurément son projet le plus personnel et le plus abouti, un album qu’il a enregistré dans son home-studio à Anvers. L’occasion était donc trop belle de rencontrer Stef lors d’un récent passage parisien. Pour agrémenter la lecture de cette interview, lesinrocks.com vous propose de voir le clip du premier extrait de l’album, Josie Something, d’écouter le titre Hey you whatsadoing et de déguster en live et en vidéo le morceau Thinking about you all the time, enregistré à Anvers le 5 novembre 2004 (à découvrir en passant le curseur de la souris sur le bouton AUDIO/VIDEO en haut de page).
Dans quel état d’esprit étais-tu au début de l’enregistrement de ce nouvel album ? Avais-tu des inspirations particulières ?
Stef Kamil Carlens : Musicalement, j’étais simplement dans d’esprit de faire un album qui resterait très proche de moi. Je l’avais dit au groupe car avant, on travaillait toujours ensemble. Je ne voulais pas faire un truc solo, je voulais travailler, mais d’une autre façon. Je voulais plus décider des choses et vraiment produire l’album.
Deuxièmement, je réfléchissais beaucoup sur la place de l’individu dans un groupe. Un groupe qui est la société ou la famille ou qui peut être le plus petit groupe possible, le couple. Ce n’est bien sûr pas une uvre scientifique mais c’est une collection de petites impressions. J’en avait plus, mais j’ai choisi celles qui sont sur l’album.
D’où t es venue cette idée de vouloir faire une réflexion sur l’individu ? Est-ce aussi une réflexion sur ta position de leader du groupe ?
Pour moi, c’est quelque chose d’évident depuis longtemps et je ne me sens pas vraiment leader. Même s’il y a quelqu’un qui doit quand même un peu organiser les choses. J’ai fait plein d’expériences, j’ai travaillé sur deux pièces de théâtre, j’ai fait des musiques de film. Entre l’album précédent et celui-ci, j’ai voyagé un petit peu, j’ai rencontré des gens. Et toutes ces expériences m inspiraient à réfléchir sur l’individu.
La chanson Thinking About you all the Time, est-elle donc une réflexion sur ce que l’individu est dans le couple, dans ce qu’il y a de plus restreint, le binôme ?
C’est compliqué. Je dois dire que c’est assez personnel et que j’ai encore du mal aujourd’hui à en parler. Le texte est assez clair, je ne peux pas en dire plus. C’était parfois dur d’écrire cet album, pas pour toutes les chansons, mais il y en a qui sont vraiment très personnelles. Quand ça sortait, je me sentais un peu bizarre. J’ai eu des expériences si fortes que je ne pouvais pas les garder pour moi. Je suis un écrivain de chansons, je sais écrire des choses très fonctionnelles, par exemple pour une pièce de théâtre, mais parfois quand des choses fortes se passent dans ma vie, ça doit sortir. Bien sûr, je parle de moi-même, mais après, il faut mettre tout ça dans une forme accessible à tous. C’est une règle que je m impose depuis toujours : être personnel, mais compris.
Est-ce qu’on pourrait dire que c’est album est un album solo au niveau de l’écriture ?
Oui, au niveau de l’écriture. J’ai écrit tous les textes et toutes les chansons, il y a très peu d’interventions externes. Mais on l’a arrangé tous ensemble.
C’est important pour toi ?
C’est très important, car premièrement, je ne me sens pas capable de faire tout, tout seul. De plus, il y a un musicien qui a rejoint le groupe pour cet album, qui est percussionniste et qui a appris son instrument en étudiant au conservatoire de la Havane, à Cuba. Il a apporté beaucoup de rythme, de groove latin. Ça donne de l’exotisme. C’était une grande influence pour l’arrangement. Encore aujourd’hui, le mec me surprend tout le temps musicalement. C’est un anversois dont je connaissais le nom, et par accident on s’est rencontré. J’ai tout de suite adoré son univers. Et lui se sentait bien dans mes chansons.
Et grâce à lui, et aussi peut-être à d’autres, tes idées de départ, ont pu changer ?
Absolument. Mais pour moi qui est songwriter, le plus important c’est la base. J’écris la chanson, je pense la structure, et après on peut y aller. Si c’est bien solide, si le texte est prêt, après je fonce avec les autres pour habiller la chanson. Avant, je présentais beaucoup plus vite la chanson au groupe, elle n’était pas encore tout à fait prête, et dès lors, la chanson prenait plein de directions. Maintenant, je l’amène vraiment prête.
C’est le même groupe qu’avant ?
Sur le disque oui, mais maintenant plus en live. Parce que certains musiciens jouaient dans d’autres groupes qui marchent aussi assez bien et qui sont donc partis pour s’en occuper. C’était dur au début, mais j’ai trouvé des nouveaux et magnifiques musiciens.
Et comment ont réagi les autres membres du groupe en sachant qu’ils allaient être plus orchestré qu’auparavant ?
Je n’ai pas vraiment orchestré. Je les laissais beaucoup faire, je les ai peut-être influencé un peu plus qu’à l’habitude, c’est vrai. Mais j’ai presque toujours fait la base tout seul. Maintenant, plus qu’avant, je suis et j’ai toujours été le chef du groupe et ils le savent tous, ce n’est pas méchant, c’est juste comme ça. C’est mon groupe, quoi. Et ça, c’est aussi possible, car ils ont tous des projets à côté, et ça permet que ça ne soit pas un problème.
Il y a sur cet album, un truc qui est très Zita Swoon, mais également quelque chose de nouveau, de différent. Peut-on dire que c’est l’album le plus accessible de Zita Swoon ?
Peut-être oui, mais c’était pas du tout l’intention. Sur l’album précédent, je voulais faire quelque chose de très accessible et finalement c’est quand tu essaies ça que ça ne marche pas. Pour cet album, je me suis dit que je voulais faire un album que me plairait. « Je m’en fous » était en quelque sorte mon mot d’ordre. Et c’est sorti comme quelque chose de plus populaire. Mais j’en suis très content.
Tu chantes pour la première fois en français sur cet album, c’était important pour toi ?
Ma femme est wallonne, donc je parle régulièrement français depuis dix ans. Je me suis dit pourquoi pas, ça fait vraiment partie de ma vie.
Ce n’est pas inconscient si on retrouve Axelle Red sur ton album, je pense ? Beaucoup de Flamands chantent en français (Arno, Axelle Red, ?), est-ce plus pour la beauté de la langue ?
Il faut savoir qu’en Belgique pour les Flamands, le français est une évidence. On t’apprend ça à l’école, on l’entend tout le temps. Il y a aussi une tradition en Flandre qui veut qu’à la télé, rien n’est traduit, tout est en version originale. La langue flamande est si petite qu’on apprend très vite d’autres langues. C’est peut-être pour ça que ça nous intéresse de nous exprimer dans d’autres langues.
Et la collaboration avec Axelle Red, c’est arrivé comment ?
J’ai rencontré Axelle plusieurs fois en promo et on avait déjà chanté ensemble plusieurs fois. J’avais également chanté avec son groupe à Paris au Bataclan. Elle est venue chanter avec Zita Swoon, on a fait une télé ensemble. J’avais vraiment envie d’enregistrer un truc avec elle. Et voilà, j’avais écrit une chanson et ça s’est fait.
C’est bizarre, parce qu’en France, Axelle Red est vue comme faisant partie d’une variété, au sens plutôt péjoratif du terme Et sur ton album, on a l’impression qu’elle se délaisse un peu de ce côté variété très populaire pour quelque chose de plus vrai
Je sais, mais ce n’est pas non plus style Johnny Hallyday. J’étais très conscient de ça, les gens m avaient beaucoup parlé de son image en dehors de la Belgique. Moi, je m’en foutais parce que premièrement, je m’en fous de ce genre de choses et deuxièmement, j’adore ce qu’elle fait. Je suis vraiment fan et je m’en fous si c’est commercial ou pas. J’aime bien son univers, après j’étais conscient qu’en France, c’était mal vu’
Mais je me suis dit que la chanson était bien et puis, tant pis’Je n’ai rien contre la variété de toute façon, je peux prendre mon pied avec une chanson de Johnny Hallyday. J’essaie de ne pas juger les artistes, surtout pas sur le côté commercial.
Tu aurais aimé collaborer avec d’autres personnes sur ce disque ?
J’aurais bien aimé faire un truc avec Gavin Friday. On a commencé, mais on n’a pas fini. On va sûrement le terminer, mais je n’ai pas encore vraiment planifier cela. On verra bien, si ça marche tant mieux.
Tu te verrais chanter en Flamand ?
J’ai déjà chanté en Flamand mais bon’
Avais-tu peut-être l’impression de moins te faire comprendre car tu t’adressais à une plus petite communauté ?
Non, pas vraiment. Au contraire, je suis très sûr de ce que je chante. Dans une autre langue, en français ou en anglais, j’ai toujours un petit doute. Est-ce que c’est le vrai truc que j’utilise ? Mais, ça a aussi un côté charmant parce que tu utilises la langue d’une autre façon et tu dis sans doute des trucs qui ne sont peut-être pas corrects mais qui se comprennent quand même. Comme la phrase « De quoi à besoin l’amour ?« , je suis tout à fait conscient que ce n’est pas du bon Français, enfin je veux dire que j’aurais pu trouver autre chose, mais bon’ Ce n’est pas grave j’ai décidé de la laisser car c’est la façon dont je l’entend dans ma tête et en plus, ça se comprend.
Qu’est-ce qui a vraiment évolué dans Zita Swoon selon toi, après tant d’albums, d’expériences ? Es-tu parvenu à accoucher de ce qu’il y avait dans ta tête ?
J’ai l’impression que pendant toutes ces années, j’ai joué beaucoup, je me laissais un peu flotter sur ce qu’il se passait. Le théâtre, ou Zita, ou dEUS, ou Kiss My Jazz Maintenant, je sens que je suis prêt, j’ai envie de me focaliser sur ce que je veux faire. J’ai le sentiment que je connais mon métier. J’ai 34 ans et il y a dix ans que mon premier album est sorti. J’ai maintenant l’impression que je m y connais un petit peu.
Tu as encore des contacts avec Tom Barman, et plus généralement avec dEUS ?
Bien sûr, je travaille encore avec eux. Je chante sur deux morceaux de leur nouveau disque qui devrait sortir en mai. Ils sont presque prêts, ils ont fini de mixer…
Sur scène, ça serait comment la tournée de Zita Swoon ?
On est devenu un groupe de neuf personnes pour le live : un nouveau pianiste, un nouveau bassiste. Je n’ai pas remplacé le guitariste qui est parti, il n’y a donc plus que deux guitares. Il y a trois chœurs, trois s’urs africaines. En live, on joue les chansons calmes de l’album mais on évolue vers un truc qui swingue quand même plus. Les filles apportent beaucoup de soul et le percussionniste cubain qui amène un gros coup de groove. Je sens que comme on est pour le moment, c’est le meilleur groupe que Zita Swoon n’a jamais eu.
Disco est toujours dans beaucoup de têtes. Tu aimerais refaire des choses plus dansantes ? Ou te faire remixer ?
Oui. Après le remix de Disco par Soulwax qui était leur premier remix, les frères Dewaele m ont dit que c’était aussi un de leurs préférés. C’est flatteur. Mais oui, pourquoi pas si ça se présente
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