Aventure humaine et artistique avec des acteurs burkinabés, congolais et français, « Une saison au Congo » célèbre la puissance poétique d’Aimé Césaire.
Le contraire de la langue bois, c’est la parole du poète. De cette articulation entre la parole d’un homme et le destin collectif est né en Grèce le théâtre politique, en même temps que la démocratie. Cette puissance du poétique, réfractaire à la veulerie et l’arbitraire du pouvoir politique, Christian Schiaretti la met en scène magistralement dans Une saison au Congo d’Aimé Césaire. “Une aventure fondée sur l’échange, l’ouverture et un travail collectif”, précise-t-il d’emblée à propos de cette troupe d’une trentaine de comédiens et de musiciens, issus du TNP, du collectif burkinabé Béneeré, d’acteurs congolais et de figurants lyonnais. Une aventure humaine et artistique qui est le fruit d’une rencontre essentielle pour Christian Schiaretti avec l’Afrique, grâce à la complicité de Moïse Touré qui lui a fait découvrir les acteurs du Burkina Faso.
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Ecrite en 1966, Une saison au Congo débute juste avant l’indépendance et se termine, après l’assassinat de Patrice Lumumba, par des coups de feu tirés sur la foule sur l’ordre de Mobutu. Césaire disait :
“Mon théâtre n’est pas un théâtre individuel ou individualiste, c’est un théâtre épique, car c’est toujours le sort d’une collectivité qui s’y joue. Il est vrai que ces vies se terminent mal sur le plan individuel. Disons que ce sont des tragédies optimistes.”
Une piste circulaire jonchée de caisses de bière, entourée des instruments de l’orchestre de Fabrice Devienne : le décor, minimal, laisse toute latitude à la mise en scène où musique, chants et jeu choral soutiennent avec ampleur, humour et conviction le héros sacrifié de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba, interprété par Marc Zinga avec une ferveur et une énergie confondantes. Choral, le texte l’est aussi par la pluralité des langues : lingala et swahili de la république du Congo, mooré du Burkina Faso, lari du Congo-Brazzaville, l’anglo-américain, sans oublier le français avec l’accent belge ou l’anglais avec l’accent africain. Brechtiens à l’occasion, les acteurs n’hésitent pas à s’adresser au public si nécessaire, comme avec cette incise de Lumumba face à l’ONU : “Qui a monté les uns contre les autres ? 1959, vous vous rappelez ? Le discours de 2007 en Afrique, vous vous rappelez ?”
Impossible au final de ne pas penser à la Syrie abandonnée par la communauté internationale. Un écho douloureux et nécessaire. Car Césaire, insiste Schiaretti, “ne cherche pas à nous culpabiliser, mais à nous responsabiliser”.
Fabienne Arvers
Une saison au Congo d’Aimé Césaire, mise en scène Christian Schiaretti, jusqu’au 7 juin puis du 15 au 25 octobre au TNP de Villeurbanne, www.tnp-villeurbanne.com, et du 8 au 24 novembre aux Gémeaux de Sceaux, www.lesgemeaux.com
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