Figure majeure de la création canadienne, Daniel Léveillé donne une suite à ses “Solitudes”, fidèle à Bach et à l’ascèse. Portrait d’un obsessionnel de la transparence.
Interrogé sur son parcours, Daniel Léveillé se souvient : “J’ai eu cette chance assez unique de naître à la danse au milieu des années 70 à Montréal. Il n’y avait alors que deux groupes de danse contemporaine assez traditionnels. Mais chacun a attiré à lui pléthore de jeunes danseurs et chorégraphes : Edouard Lock, Marie Chouinard, Ginette Laurin, Paul-André Fortier, Jean-Pierre Perreault, Louise Lecavalier ou moi-même.” Et d’évoquer une « ‘éclosion magistrale » qui a créé une vague de fond « sur laquelle nous surfons encore aujourd’hui« .
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Une communauté de pensée, demande-t-on à Daniel Léveillé ? “Je crois que, même si de l’intérieur, la proposition chorégraphique de tous ces artistes peut sembler assez différente, il y a lieu assurément de parler d’une école montréalaise de la danse contemporaine, comme il y a une école française, belge ou allemande.”
Chorégraphe et enseignant
Léveillé, alors étudiant en architecture, s’inventera un avenir de chorégraphe plus que de danseur. En 1981, il fonde Daniel Léveillé Chorégraphe, croise Ginette Laurin. Dix ans plus tard, ce sera Daniel Leveillé Danse (DLD). Il n’a jamais cessé de combiner création et pédagogie. “Dans mon cas, je crois que c’est mon obsession maniaque à comprendre et à analyser sous tous les angles possibles l’écriture chorégraphique qui m’a mené à développer cette double carrière de chorégraphe et d’enseignant. Cette activité, exigeante, a certainement eu une influence sur ma propre démarche d’écriture et de création.”
En France, on (re)découvre sa gestuelle avec deux pièces acclamées : Amour Acide et Noix (2001), puis La Pudeur des icebergs (2004). « Je suis reconnu pour aller au bout d’une idée, d’une proposition, le plus loin possible et avec le moins d’artifices (pollution). Je voulais travailler le corps et, en répétition, je demandais aux danseurs d’être le moins vêtus possible. Alors, un jour j’ai été curieux d’aller voir ce qu’il en serait, totalement nu. Et, à mon grand étonnement, car ce fut une véritable révélation, plutôt que d’être provocante, cette proposition changeait drastiquement le sens de l’œuvre, en la faisant passer à quelque chose de fragile et touchant. »
Daniel Léveillé donne une suite à Solitudes Solo. « Solitudes duo en est une sorte de prolongement. J’ai voulu voir et savoir ce qu’il adviendrait de ces ‘Solitudes’ dans une situation de couple. De plus, cela correspond à une obsession de comprendre l’écriture chorégraphique, en ne négociant qu’avec des paramètres fondamentaux : 1 – 2, les nombres, en chorégraphie, comme en musique, sont fondamentaux.”
La solitude du danseur de fond
Le Canadien s’y confronte à Bach : pas une mince affaire. « Bach, c’est d’abord et avant tout une maîtrise de la composition musicale qui relève du génie, assez unique et surtout, faisant état d’une rigueur, pour ne pas dire d’un ascétisme, qui colle assez bien à mon écriture chorégraphique. »
Léveillé va jusqu’à dire que danser sur Bach, c’est se rapprocher de Dieu.
Dans le regard qu’il porte sur son milieu, Daniel Léveillé n’a pas oublié d’où il venait. “Quelque chose d’assez fondamental, riche et stimulant s’est produit dans le parcours et les valeurs des plus jeunes chorégraphes d’aujourd’hui qui les distingue nettement de ma génération et je trouve cela rassurant pour la suite du monde. Plutôt que de les faire attendre une éternité avant qu’ils puissent avoir accès à un minimum de financement de fonctionnement, nous sommes convenus, Marie-Andrée Gougeon (directrice générale de la compagnie, ndlr) et moi-même, de faire bénéficier cette nouvelle génération de l’expertise développée au niveau de gestion de projet et de leurs diffusion chez DLD. »
Pied de nez à la…. solitude du danseur sans doute. Au moment de conclure, on questionne Daniel Léveillé sur ce qui l’intéresse chez un interprète. Réponse en trois temps : « Du caractère d’abord et avant tout. Il faut que, dès son entrée sur scène, on ait accès, comme spectateur, à un être entier, assez transparent et qui se laisse lire sans fausse pudeur. »
De la technique ensuite parce que son style est exigeant à plus d’un titre. « Enfin, une générosité à mon égard, une sorte d’abandon de soi et de confiance totale dans cette relation ‘très personnelle’ qui se développe entre les danseurs et leurs chorégraphes. On en vient, au fil des années, à se connaître autant que les membres d’une même famille. »
Solitudes Duo, chorégraphie Daniel Léveillé, les 25 et 26 janvier au Théâtre de la Cité Internationale dans le cadre du festival Faits d’Hiver.
{"type":"Banniere-Basse"}