Cesaria Evora au début des années 60 : pas encore diva, mais déjà immense chanteuse.
Ce disque est porteur d’un scoop : Cesaria Evora a eu une jeunesse. On a de la peine à le croire, tant la figure de proue de la chanson capverdienne renvoie depuis deux décennies l’image d’une femme sans âge, comme soustraite à la course des ans. Contant avec une parfaite impassibilité les turpitudes de l’âme et du cœur, Cesaria est le genre de créature qu’on aurait tendance à rattacher au règne végétal, voire minéral : elle semble inscrite depuis toujours dans une temporalité infiniment étirée, quasi suspendue, qui échappe à l’entendement du commun des mortels. Grâce à Radio Mindelo, on découvre pourtant qu’elle fut au début des années 60 une virevoltante jouvencelle, célébrant l’éphémère printemps d’une existence que les nuages de l’indigence, de la dépression et de l’exil allaient bientôt assombrir. Se soumettant sans réserve aux forces du plaisir, sa voix enchaîne coladeras gorgées de swing et mornas languides avec la vibrante volupté d’une Billie Holiday. Rejetée aux marges de la société musicale capverdienne, Cesaria apprendra plus tard à cultiver ce détachement mélancolique qui, à l’heure tardive de son retour en grâce, donnera à son chant une patine à nulle autre pareille. Il est d’autant plus émouvant d’apprendre qu’elle fut jadis cette éclatante fleur créole, exhalant le parfum grisant d’une vie irriguée par la sève de l’insouciance.
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