La semaine dernière, des objectifs nobles et un cas d’ivresse narcissique, des bras en mousse et la crainte d’aller droit dans le mur.
Mon cher Inrocks, “Lindon citoyen”, annonces-tu à la une du journal qui cette semaine l’est aussi. Après les best-of de fin d’année et les hommages de janvier, retour en force des questions politiques. Un acteur engagé en couve, on enquête sur le parcours d’un jeune homme passé de l’acné à l’extrême droite et de l’extrême droite à Daech. On réfléchit avec Cohn-Bendit à la possibilité de primaire à gauche pour la présidentielle.
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On tente de “penser la terreur en France et la genèse du jihad” avec les essais de Jean Birnbaum, Benjamin Stora et Gilles Kepel. Et Raphaël Glucksmann et Omar Sy se désolent de la déroute idéologique par laquelle un militant des droits de l’homme est vu aujourd’hui comme un “droit de l’hommiste”, et un partisan du métissage un bio-bobo-bisounours-mondialisé-des-beaux-quartiers.
Du sauvetage d’orphelin au rapt d’enfant
L’angoisse. Le réel m’angoisse. C’est devenu phobique. Pourtant, j’essaie de comprendre les choses. Mais plus je veux comprendre, plus je m’informe, plus je m’informe, plus les choses deviennent complexes, et plus les choses deviennent complexes, moins je comprends. Le pire, c’est qu’il m’arrive de me dire : comprendre, c’est bien, agir c’est mieux. Oui, mais pour quoi faire ? S’engager, super, mais dans quoi ? Est-on certain que l’action n’ajoutera pas du malheur au monde ?
Dans Les Chevaliers blancs, Vincent Lindon incarne Jacques Arnault, un personnage inspiré d’Eric Breteau, le fondateur de l’Arche de Zoé. Ce personnage rempli d’“objectifs nobles” met toute son énergie au service d’un engagement humanitaire. Mais “cet homme qui veut sauver des orphelins africains en les arrachant à leur milieu sans aucune consultation est un cas d’ivresse narcissique”, explique Vincent Lindon. Et le sauvetage d’orphelins devient du rapt d’enfant. Ça valait le coup de s’engager.
Un monde zinzin
Et quand bien même l’action serait juste, pas seulement sincère, mais juste, est-elle vraiment utile ? “Si on continue, on va droit dans le mur”, explique Cohn-Bendit à propos de la gauche. On peut élargir le constat à la France, à l’Europe, à la planète. Mais comment éviter le mur quand tu n’es pas au volant ? Et n’est-ce pas folie, “ivresse narcissique”, que de prétendre agir sur la marche du monde, en changer le cours ? Lindon résume : “Le monde est zinzin mais je n’ai pas la prétention de savoir comment le réparer.” Impuissant à comprendre le monde, impuissant à en changer le cours, nous assistons à la catastrophe qui vient.
A quoi bon vivre le cauchemar récurrent de Vincent Lindon, “où (ses) coups ne portent pas car (ses) bras sont en mousse”, un rêve qui est en fait notre condition d’homme ? On peut voir les choses autrement : si celui qui a les bras en mousse a peu de chance de voir ses coups porter, il risque peu de se briser les os. Alors, battons-nous. Si nous aurons vécu pour rien, au moins aurons nous eu l’impression de faire quelque chose.
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