La crème de l’indie-rock se retrouve dans Dark Was The Night, double CD caritatif qui fait rimer « générosité » avec « musicalité ».
On le sait, musique et charité de masse ne font pas bon ménage. De Do They Know It’s Christmas ? (Band Aid) à la sinistre chorale des Enfoirés en passant par We Are The World (USA For Africa), les hymnes compassionnels entonnés par les professionnels de la chanson frappent par la médiocrité de leur contenu, leur propension à sacrifier toute rigueur esthétique sur l’autel des causes humanitaires.
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Depuis vingt ans, les compilations de la Red Hot Organization, dédiées à la lutte contre le sida, font heureusement exception à cette règle. Supervisée par Aaron et Bryce Dessner (du groupe The National), Dark Was The Night sert ainsi la crème de l’indie-rock sur un copieux plateau de deux CD et une trentaine de titres inédits. Surclassant les copies de certains cadors (Arcade Fire, Beirut, Cat Power…), les contributions en or massif de Sufjan Stevens (auteur d’une suite de dix minutes totalement démente et d’un face-à-face inattendu avec Buck 65), d’Andrew Bird, de Grizzly Bear et de Bon Iver (tous au sommet de leur art), du TV On The Radio David Sitek (dans une relecture très eighties des Troggs), de My Brightest Diamond (chipant sans complexe le Feeling Good de Nina Simone) ou encore de Riceboy Sleeps (deux Sigur Rós en cavale instrumentale) disent le niveau d’exigence artistique d’une entreprise qui redonne aussi ses titres de noblesse à l’exercice archiconvenu du duo.
Feist et Ben Gibbard (en vadrouille dans le répertoire pastoral de Vashti Bunyan), Connor Oberst et Gillian Welch, Antony et Bryce Dessner (dans une gracieuse révérence à Dylan), David Byrne et les Dirty Projectors, Blonde Redhead et Devastations, ou encore José González et The Books (pour une reprise casse-gueule mais réussie de Nick Drake) font ainsi don de leur musicalité avec une belle ferveur. Preuve que, chez ces gens-là, la générosité n’est pas une simple breloque exhibée à la face du monde : elle se joue d’abord dans les notes et les souffles qu’ils offrent en partage.
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