Renaud Garcia-Fons ne voyage pas léger (avec une contrebasse), mais il va loin quand même, cap au sud.
Il ne se contente pas d’être le contrebassiste virtuose de sa génération, ou d’avoir poussé l’inventivité jusqu’à rajouter une cinquième corde à son instrument (et augmenter de ce fait la gamme des plaisirs) : après un apprentissage auprès du trompettiste (et chanteur au sein des Double-Six) Roger Guérin, après avoir marqué de sa musicalité l’Orchestre National de Jazz, et s’être passionné pour le flamenco, Renaud García-Fons invente un folklore sudiste, où se mêlent l’Andalousie déchirée, les claquements de doigts du swing américain, et les ondoiements orientaux. Ce Sud imaginaire, il souhaite en réunir les multiples racines musicales. Son quartet (le fabuleux Kiko Ruiz à la guitare, mais aussi l’accordéoniste David Venitucci et Pascal Rollando aux percussions) tissent des liens harmoniques entre rêves et rythmes ; et la tradition s’écrit, enjouée et profonde tout à la fois, en direct. C’est le livre du souffle, de la liberté, et de l’insurrection créatrice que l’on feuillette alors. Sur trois thèmes, García-Fons a eu la judicieuse initiative de convier la chanteuse Esparanza Fernández, merveille incontestée du canto flamenco sévillan. En ultime pied de nez, les vers y sont pour le coup inspirés de ceux de Jalal Ud Din Rumi, mystique et poète persan, théoricien du soufisme. La dimension dramatique et sensuelle de la musique permet alors d’espérer un rendez-vous de plus longue durée entre l’homme à l’archet avec la farouche vocaliste.