Depuis leur reformation en 2010, ces Anglais n’en finissent pas de surprendre par leur capacité à se renouveler. Loin de la britpop de leurs débuts, ils reviennent avec Night Thoughts, un septième album intimiste et majestueux où ils explorent les angoisses de la paternité. Rencontre avec deux dandys éloquents, Brett Anderson (chant, paroles) et Mat Osman (basse).
Les chansons de Night Thoughts sont reliées entre elles et donnent une impression de cheminement. Avez-vous eu cette idée dès le départ ?
Brett Anderson – Oui. On voulait faire un album qui s’éloignerait de Bloodsports (leur album précédent – ndlr) et qui serait plus ambitieux, mais on ne savait pas très bien sous quelle forme. On avait le vague projet de faire un album à plus grande échelle, plus étrange, et cette idée a évolué. A un moment, on s’est rendu compte que les chansons déteignaient les unes sur les autres avec fluidité. Ensuite, on s’est dit qu’au lieu de faire des clips qui compartimentent chaque chanson, on pourrait faire un film qui s’étendrait sur tout l’album et le cimenterait en une œuvre continue. On voulait vraiment faire quelque chose de différent, qui surprendrait un peu les gens.
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Vous avez démarré une tournée où vous jouez ces nouvelles chansons derrière un écran fin pendant que le film est projeté.
Brett – J’apprécie beaucoup. D’un point de vue personnel, j’aime bien pouvoir me concentrer sur le chant. D’habitude, en concert, je me sens plus performer que chanteur. Ça modifie aussi le rapport au public : on ne peut pas s’engager dans la même relation et ça me plaît aussi. C’est une expérience intéressante. J’en suis content.
Comment réagit le public ?
Brett – Je crois qu’il apprécie vraiment de vivre une nouvelle expérience et d’être un peu impliqué dans ce projet. Ce n’est pas un film que l’on regarde en faisant autre chose : on entend la musique en même temps. C’est une sorte d’immersion. J’ai l’impression que les gens ont bien aimé. C’est ce que j’ai ressenti. Quand on décrit le principe, je peux imaginer que l’on se demande en quoi ça consiste, que l’on trouve ça un peu bizarre. Mais malgré tout, ça fonctionne bien. Le groupe est illuminé derrière l’écran et n’est pas visible pendant la première chanson, mais ensuite on apparaît peu à peu avec la lumière, comme si on était nous-mêmes dans l’histoire. On est presque des personnages secondaires.
Mat Osman – Comme un chœur grec.
Brett – Oui, comme des figurants du film.
La structure du film, avec cet homme qui se souvient de moments de sa vie pendant qu’il se noie, rappelle The Ninth Wave de Kate Bush, qu’elle a joué sur scène à Londres fin 2014. Avez-vous assisté à ces concerts ?
Brett – Mat l’a vue. J’étais à l’étranger.
Mat – Oui, c’était vraiment incroyable. Je m’attendais à un spectacle très théâtral et, dans un sens, c’était le cas même quand elle jouait The Ninth Wave avec des gens qui agitaient du tissu. Mais en même temps, il y a un truc dans sa musique et chez elle qui fait qu’on y croit complètement. J’ai trouvé ça très intéressant. Elle a une voix qu’on ne peut qu’écouter. C’est très rare d’entendre toute la personnalité de quelqu’un condensée dans sa voix. C’était génial. Ça m’a beaucoup surpris. Tout le monde disait à quel point c’était super et, en général, quand ça se produit je ne suis pas spécialement impressionné au final. Mais, cette fois, c’était réellement bien. Pour y parvenir, il faut quand même avoir de sacrées chansons.
Brett – Ce parallèle n’était pas un choix conscient de notre part. Sur notre album, il n’y a pas vraiment ce thème de la noyade à part sur la pochette, qui était une idée à nous. L’impression de se noyer, c’était une métaphore pour évoquer l’idée de se sentir débordé, comme si la vie t’étouffait. Quand on a découvert la photo qui est devenue la pochette, je l’ai montrée aux autres et on s’est tous dit : « Voilà la pochette ». On a eu une réaction immédiate. Le thème de la noyade a été repris par Roger Sargent, le réalisateur. C’était sa vision de l’album. Ce n’est pas comme si on lui avait dit de faire un film sur une noyade. Le parallèle est, je crois, accidentel.
Mat – Inconscient.
Les paroles de Night Thoughts renvoient à la famille. Ce qui peut sembler un thème joyeux est en fait lié à des sujets plus sombres : la peur de tout ce qui pourrait arriver de mal à nos familles. Les « pensées nocturnes » du titre de l’album, ce sont ces angoisses ?
Brett – Oui. J’ai commencé à explorer ces sujets parce que c’est ce que j’ai à l’esprit en ce moment. Une grande partie de l’album évoque la paternité : c’est le premier album que j’écris depuis que je suis devenu père. Donc ça a amené beaucoup de sujets nouveaux pour moi. Il y a beaucoup de pensées nouvelles pour moi, sur la complexité des relations humaines. Avant, je n’envisageais les relations que d’un point de vue amoureux. Evidemment, tout le monde vient d’une famille et j’avais une mère et un père auxquels j’ai déjà fait référence par le passé. Mais avoir un enfant m’a fait découvrir un sentiment incroyablement dévorant et puissant. C’est au-delà de l’affection. C’est une passion extrême, qui s’accompagne d’une peur extrême. Une grande partie de l’album parle de ça.
Avoir un enfant, ça t’a fait réfléchir à ta relation avec ton propre père ?
Brett – Oui, c’est exactement ce qui s’est passé. Ça a débloqué plein de souvenirs de mon enfance. Beaucoup de chansons parlent de moi en tant que parent, mais aussi de moi en tant que fils. Certaines sont écrites du point de vue de mon père vis-à-vis de moi. I Don’t Know How To Reach You parle de cette peur qu’ont les parents de perdre contact avec leur enfant. Donc il y a beaucoup de choses liées à la famille sur cet album.
Cet album a été en grande partie enregistré à Bruxelles en une seule session. Dans quel état d’esprit étiez-vous au début de cette session ?
Brett – On venait de finir une tournée, donc on était fatigués.
Mat – Fatigués et ambitieux. C’était une session à l’ancienne. Maintenant que tout le monde peut avoir accès à un ordinateur et à un home-studio, c’est possible d’obtenir des démos avec un son vraiment professionnel, mais ce n’est pas comme ça que ça s’est passé. On n’a pas rassemblé ces démos. L’idée, c’était d’aller enregistrer un ensemble, pour que toutes les chansons s’imbriquent. Je crois qu’on n’avait pas eu cette approche depuis longtemps. C’est agréable pour un musicien d’essayer de se dépasser. Brett, Neil (Codling, le claviériste – ndlr) et Richard (Oakes, le guitariste – ndlr) alternaient entre plein d’instruments. C’était très productif. On a travaillé dur.
Votre processus d’écriture a-t-il évolué pour cet album ?
Brett – Je crois que oui. Bien sûr, il y a certaines chansons qui fonctionnent indépendamment du reste de l’album. Ça sera toujours le cas parce qu’en gros je trouve que ce groupe écrit toujours des chansons fortes. Mais on a envisagé le rôle des chansons d’une façon différente. Par exemple, Pale Snow et Learning to Be agissent comme des ponts entre deux chansons. Donc oui, c’était une façon différente d’envisager le songwriting, le rôle que les chansons peuvent avoir, la façon de penser aux chansons comme les composantes d’un voyage et non pas comme l’assemblage de dix chansons. Quand tu écris un album, tu peux paniquer un peu : « Est-ce qu’on a des singles ? Est-ce qu’on a bien tout ce qu’il faut ? » Tu dois cocher toutes les cases. Parfois, cette formule peut donner un album conventionnel. Faire les choses différemment, c’est toujours une très bonne idée. Pale Snow en est un parfait exemple. C’est une chanson qui a été créée à partir de deux autres chansons qu’on a fusionnées. On n’a pas écrit d’un bloc le résultat final. Il a été obtenu en tentant de suivre une autre direction, en mettant deux bouts différents côte à côte.
Comment voyez-vous votre carrière avec un peu de recul ?
Mat – C’est une expérience bizarre, d’être interviewé pour un nouvel album, parce qu’on doit soudain intellectualiser ce qui n’est d’habitude qu’une émotion. Je n’aime pas trop le mot « carrière » parce qu’on ne pense pas aussi loin. Il y a toujours cette impression que chaque nouvel album est fait en réaction contre le précédent, en apprenant de nos erreurs et en allant dans une direction différente. Mais cette fois, on essayait vraiment de ne pas regarder trop loin dans le futur. Ce n’est pas un job avec un plan de carrière. Tout peut s’arrêter n’importe quand. On essaie de faire quelque chose qui soit beau, intéressant, magique, que ce soit un concert ou un album. Saisir le moment et ne pas s’inquiéter pour les 6 mois à venir.
Ça a toujours été comme ça ?
Brett – Non.
Mat – Non, surtout à la fin des années 90 où c’est devenu un gros business. Tu ne t’en rends pas compte jusqu’à ce que tu t’aperçoives soudain qu’il y a plein de gens qui travaillent pour toi, que tu es sur une major pour laquelle travaillent des milliers de personnes. Il y a un planning, une date de sortie, un caractère inéluctable. Ça te rend vraiment paresseux. Je crois que Suede n’a jamais été bon dans le confort. On a besoin d’être un peu déstabilisés pour fonctionner.
Brett – Je pense qu’on a besoin de se battre contre quelque chose. On a toujours besoin d’un défi. A chaque fois qu’on connaît un succès, on est un peu déconnectés. Les fois où j’ai eu le plus d’argent dans ma vie, j’ai déraillé. C’est pareil avec le groupe. On a besoin d’être un peu en lutte, je crois.
Mat – L’un des grands plaisirs que j’ai eus depuis notre retour, c’est qu’on puisse tout faire nous-mêmes. Night Thoughts, l’album, le spectacle et le film, ce ne sont pas des choses dont on pourrait discuter avec une maison de disques ou un manager. Il n’y a rien de logique ou de raisonnable dans ces projets, que ce soit financièrement ou du point de vue d’une carrière. Si on envisageait l’avenir, on se dirait : « C’est une façon très onéreuse de faire quelque chose que peu de gens vont voir, dont l’ambiance sombre peut dérouter le public, avec un album qui ne contient pas de singles évidents. » Mais on ne s’est jamais plongé dans ce genre de discussion parce que ça n’engage que nous. On a enregistré et financé l’album nous-mêmes, en prenant aussi en charge le film. Il y a un réel plaisir dans cette indépendance. L’une des meilleures choses de ce monde post-internet, c’est cette liberté de savoir que l’on peut faire une chose bizarre et inhabituelle, et que les gens pourront l’entendre.
Brett, pendant les années 90, tu sacrifiais tout pour la musique : ta santé, ton bonheur, ta vie privée…
Brett – Eh bien, je me voyais un peu comme une expérience. Je considérais ma vie comme une expérience, comme un moyen de créer des chansons. C’était presque comme si mon propre bien-être était complètement secondaire. On ne peut pas continuer comme ça longtemps parce que ça finit par te tuer. Donc je dois chercher l’inspiration dans des endroits plus reculés. Il y a une idée fausse très répandue selon laquelle en devenant plus à l’aise on perd une certaine vitalité artistique. Je réfute totalement cette idée. C’est n’importe quoi. Il faut juste savoir où chercher, où trouver. Dans mes chansons, je décris la friction, la passion, le drame et tout ceci fait partie de la vie de tout le monde.
Mat – Il faut aussi parler de choses de son âge. Si à 45 ans tu te comportes comme quand tu en avais 25 et que tu as les mêmes conversations qu’à cet âge-là, il y a un problème et ce n’est pas très intéressant.
Brett – En tant qu’être humain, il faut savoir évoluer.
Mat – Il faut que tu aies appris quelque chose. Ça m’a toujours agacé quand on nous disait qu’on était un groupe très britannique. J’ai toujours voulu répondre : « Non, c’est juste qu’on parle de la vie quotidienne et qu’on habite en Grande-Bretagne. » Si on avait grandi à Kyoto, on aurait été un groupe très japonais ! (rires) Je n’ai pas changé d’avis aujourd’hui. Les gens nous disent que nos chansons ne parlent plus de sexe et de drogue. Non, nos nouvelles chansons ne parlent pas de la vie qu’on avait à 25 ans parce que ce serait faux. On s’est toujours battu contre ça dès nos débuts et je ne vois pas pourquoi on arrêterait maintenant. J’adore entendre une chanson qui parle d’une situation peu traditionnelle dans le rock. Il y a toujours une sorte de frisson d’excitation quand on se retrouve dans ce monde de fiction. Je trouve qu’il y a de grands moments sur notre nouvel album avec ce genre de frisson où on se reconnaît.
Ça vous arrive de réécouter vos anciens albums ?
Brett – Oui. Je ressens parfois de la frustration. Je trouve souvent que les chansons sont meilleures que la façon dont elles ont été enregistrées, notamment à nos débuts. Je regrette certaines décisions sur la production de certains morceaux, que j’ai du mal à écouter sans me sentir un peu frustré. La plupart de ces chansons, on les connaît maintenant pour les versions live. En concert, on les joue comme elles devraient l’être. Quand je réécoute comment on les a enregistrées, je me dis : « Non mais sérieusement ? »
Mat – C’est un peu comme voir une vieille photo de soi et se dire : « Je regrette cette chemise ». Il ne faut pas se concentrer là-dessus ou ça te rend dingue. J’adore entendre nos chansons à la radio ou dans une voiture qui passe à côté de moi. C’est vraiment agréable de se faire prendre par surprise comme ça.
Avez-vous parfois des moments de doute ?
Mat – Oui, on est obligé. De préférence pas après avoir enregistré un album, mais pendant le processus, oui. Constamment. Je ne crois pas qu’on ait déjà fait un album sans s’être dit à un moment donné : « Ça ne va pas. Peut-être qu’on aurait dû démarrer par autre chose. Peut-être que ça ne va rien donner comme ça. »
Brett – Le doute fait partie du processus.
Mat – J’aurais préféré qu’on doute davantage quand je repense à des trucs comme A New Morning (leur cinquième album, sorti en 2002 – ndlr) Ce qu’il aurait fallu, c’est qu’on ait un gros moment de doute pour se dire : « Vous savez quoi ? On laisse tomber cette idée et on fait autre chose ».
Brett – Faire un album, c’est un état d’esprit étrange, un mélange d’espoir et de doute. “Espoir et doute”, voilà comment on devrait appeler notre prochain album ! (rires) Non, on ne fera pas ça. Dans un sens, c’est un peu le titre de tous nos albums. Le doute provoque une remise en cause, un changement de cap. C’est intéressant.
Mat – Si on prend l’extrême inverse, si tu es constamment convaincu que tout ce que tu fais est génial et parfait, ce serait terrifiant.
Certains groupes sont pourtant comme ça…
Brett – Je ne crois pas qu’ils soient réellement comme ça au fond. Je crois qu’ils disent qu’ils sont comme ça. Ceci dit, je crois qu’on était un peu comme ça à nos débuts, non ? On avait beaucoup moins de doutes à cette époque.
Mat – Oui, mais je pense aussi que quand tu démarres et que tout est nouveau à tes yeux, il y a moins de doutes à avoir. La simple excitation de faire quelque chose est incroyable. Quand tu prépares ton premier album, la simple idée de faire un album est extraordinaire.
Brett – Je pense que le doute vient avec l’âge, mais c’est un élément obligatoire dans la musique. A ce moment-là, tu doutes mais tu possèdes les outils nécessaires pour dépasser ce doute, pour l’utiliser et te dire : « Si je remets ça en question, c’est pour une bonne raison. Peut-être qu’on devrait aller dans une autre direction. » Tu as assez de confiance en toi pour atteindre la ligne d’arrivée.
Mais vous doutez de quoi exactement ?
Brett – On se demande si c’est un bon album. C’est aussi simple que ça. D’une façon ou d’une autre, est-ce que l’album est bien ? Voilà en gros le seul doute à avoir. On a fini Night Thoughts parce qu’on a décidé qu’il était terminé. Même chose pour Bloodsports. Mais pour ces deux albums, à peu près à la moitié du processus, on s’est dit que ça n’allait jamais fonctionner. Alors on continue d’avancer et on finit par y arriver.
Quand vous avez parlé de la pochette, vous avez dit qu’il y avait une évidence unanime pour cette photo. Est-ce que ce genre de certitude arrive souvent chez vous ?
Mat – Oh oui. Il arrive parfois qu’une chanson nous vienne facilement, prête à être enregistrée et fignolée. Pour certaines parties du nouvel album, Brett et Neil nous ont dit : « Voici ce qu’on vient d’écrire ». Il n’y avait plus qu’à l’enregistrer et c’était fini. Et puis il y a d’autres chansons qui ont besoin d’être remaniées constamment. C’est ce qui s’est produit sur cet album.
L’identité de Suede ne peut pas être réduite à la musique. L’aspect visuel a toujours été important pour vous, des clips aux pochettes en passant par la typo…
Brett – Bien sûr. Les seules fois où on n’a pas été à la hauteur, c’est avec nos clips des années 90.
Mat – Je ne comprends pas quand j’entends des groupes dire que tout ça ne les intéresse pas. Je comprends bien le message qu’ils veulent faire passer : tout ce qui compte, c’est la musique. Mais si tu ne t’y mets pas, quelqu’un d’autre va devoir s’y coller.
Brett – New Order sont comme ça, non ? Peter Saville dit toujours que New Order ne s’intéresse pas du tout aux pochettes, qu’il a carte blanche.
Mat – Et leurs pochettes sont les meilleures.
Brett – Tout à fait. Enfin ils ont Peter, quelqu’un qui en prend vraiment soin.
Mat – C’est ça, le truc. Si tu dis que tu te fiches de tes pochettes et de tes clips, un stagiaire de ton label sera chargé de s’en occuper et, que tu le veuilles ou non, tu seras perçu à travers ce filtre. Je crois qu’on a toujours apprécié les groupes qui ont un univers où l’on pourrait presque vivre, avec une notion de lieu et de style. Ça a toujours été le genre de groupe qu’on est et qu’on aime. C’est juste une question de se pencher sur quelque chose où ton nom figure. Je n’imagine pas devoir supporter toutes les étapes dans la création d’un album pour qu’ensuite un imbécile mette une photo de toi que tu n’aimes pas sur la pochette.
Que faites-vous de votre temps libre ?
Mat – J’aime la lecture, les films, l’art. Des choses où l’on peut s’immerger complètement. Et le ping-pong, évidemment. Le ping-pong et l’art.
Mais le ping-pong, c’est de l’art.
Mat – Bien sûr que c’est de l’art. C’est la plus haute des formes artistiques.
Brett – Je passe beaucoup de temps au musée d’Histoire naturelle, à regarder les dinosaures.
Mat – Et à te moquer d’eux.
Brett – « Hé, tu es une espèce disparue ! » (rires)
Pouvez-vous essayer de décrire votre ressenti sur scène ? Je parle des concerts traditionnels, pas ceux où vous êtes derrière un écran.
Brett – Oui. En disant ça, je viens de postillonner sur ma veste. C’est beau, n’est-ce pas ? Tu vas avoir un souvenir inoubliable de moi en vieil homme qui bave. (rires) Pardonne-moi. Imagine que je n’ai pas fait ça, d’accord ?
Je n’ai rien vu.
Brett – Efface ça de ta mémoire.
Mat – Imagine plutôt que j’ai dit quelque chose d’intelligent.
Brett – Oui. C’est la raison pour laquelle les groupes n’abandonnent pas, reviennent sur scène et continuent à le faire pendant 50 ans. C’est quelque chose que l’on ne peut pas décrire, dit-il en essayant de le décrire. Voilà probablement la meilleure description. Je pense qu’à la base de tout ça il y a une part de fierté. C’est très important. Ça n’aurait aucun sens de faire un concert devant un public en délire si tu n’aimais pas ce que tu jouais et si tu n’y croyais pas. Evidemment, il y a aussi une grande part d’ego là-dedans. C’est quelque chose du genre : moi en train de jouer mes chansons que j’ai écrites, dont je suis incroyablement fier pendant que tout le monde me dit que c’est super. C’est un flot d’amour, n’est-ce pas ? Tu te dis : « Je fais quelque chose de ma vie qui en vaut la peine ». C’est la réaction ultime.
Mat – Mais un concert, c’est aussi voir les réactions du public, non ?
Brett – Oui.
Mat – Voir des gens s’éclater et faire des pogos sur une musique que tu as créée. C’est un compliment incroyable. Ça n’arrive jamais quand on fait une super réponse pendant une interview !
Je peux essayer…
Mat – Crier « wouh ! » à chaque bonne réponse.
Brett – Disons les choses telles qu’elles sont : Si on avait donné une très bonne réponse, tu l’aurais fait ! (rires)
Mat – En concert, on a des réactions et un amour que normalement on n’a pas dans la vie de tous les jours.
Brett – J’aime jouer en concert beaucoup plus qu’il y a 20 ou 25 ans. Je nous trouve bien meilleurs en live que pendant les années 90. Je trouve ça très excitant maintenant. C’est étrange : je pensais que ça serait l’inverse. J’ai toujours pensé qu’on finirait par arrêter le live et j’aimais bien cette idée de faire comme les Beatles. Mais bizarrement, en prenant de l’âge, j’apprécie beaucoup plus d’être sur scène, en grande partie à cause de l’expérience et du savoir-faire acquis.
Vous avez toujours un peu le trac ?
Brett – Oui, bien sûr qu’il y a du trac mais on apprend à s’en servir et à le maîtriser.
Mat – C’est un peu comme le doute : c’est vraiment nécessaire. Tu as le droit d’avoir le trac : les gens paient pour venir te voir, alors tu dois assurer.
Brett – Oui, mais en même temps c’est très excitant aussi. J’adore vraiment ça.
En grandissant, est-ce que différentes formes d’art ont modelé vos personnalités ?
Mat – Oui, tout à fait. Des livres, des disques, des films : c’est tout ça qui constitue ta personnalité quand tu es jeune. Je suis tombé sur une sitcom récemment et quelqu’un disait : « Tu n’as aucune personnalité, juste une liste de trucs que tu aimes. » C’est tellement vrai, quand tu es jeune. Tu découvres le monde adulte à travers l’art. Pour moi, c’était à travers la musique à 99 %.
Brett – Oui, je crois que c’est le cas pour nous deux. Ce n’est que lorsque tu atteins l’âge adulte que tu te rends compte qu’il y a d’autres formes d’art en dehors de la musique. La musique a toujours été la forme d’art la plus essentielle.
Mat – C’est tellement peu de travail, la bonne musique. Quand je regarde un film, je me dis toujours que ça a dû être un boulot énorme de faire tout cela. A la fin, au générique, il y a 500 personnes et une liste de 300 lieux de tournage. Et puis tu écoutes un album enregistré par cinq personnes, dans une seule pièce, pendant une session de quelques heures. C’est magique. En termes de retour sur la quantité de travail fourni, la musique n’a aucun équivalent.
Nouvel album Night Thoughts (Warner), sortie le 22 janvier
concert le 28 janvier à Paris (Cigale)
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