La marque de niche, anciennement focalisée sur le vêtement de pluie, fait sensation en proposant un vestiaire complet portée par des filles résolument urbaines et bien dans leurs basques. On parle attitude et anticonformisme avec Johanna Senyk, sa pétillante fondatrice.
Le premier rang ne porte pas des solaires de luxe, mais des chapeaux de chantier. Ici, pas de tapis rouge ou de moulures au plafond, mais des graviers, des débris, des échafaudages. Nous sommes dans le XVIIIe arrondissement parisien, dans une salle de concert abandonnée, où une foule de journalistes, stylistes, photographes et curieux piétine en attendant le premier défilé de la marque Wanda Nylon.
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En coulisses, l’atmosphère est électrique – au sens littéral : « Les plombs ont sauté deux fois avant le show » se rappelle Johanna Senyk, cofondatrice et directrice artistique de la marque, « on a dû éteindre la lumière en backstage pour ne pas que ça se passe durant le défilé ! » Pas d’inquiétude : la vraie pile électrique est la créatrice elle-même, survoltée, gonflée à bloc, dont la touchante « danse de la joie » en bout de podium une fois le show terminé confirme immédiatement que la femme Wanda Nylon n’est décidément pas comme les autres.
« La mode est hostile aux femmes »
L’histoire Wanda est avant tout une histoire de météo : la marque naît en 2012 sous la forme d’un vestiaire de pluie, proposant trenchs, vestes bikers et parkas à la fois waterproof et bourrés de style. Le succès est immédiat, et la marque accumule les points de vente dès les premières saisons.
Mais Johanna, ancienne costumière, casting director et consultante pour The Row ou J.W. Anderson, se sent vite enfermée dans le concept de la marque, et décide de sortir de la niche pour faire ce qu’il lui plaît : dessiner des vêtements pour elle et ses copines. “Je trouve que la mode est extrêmement hostile aux femmes”, annonce t-elle depuis ses bureaux du Xe arrondissement, blottie dans un sweat long à découpes de sa création, mi-street mi-grunge.
“J’ai l’impression que tu dois soit avoir 14 ans avec un petit minois qui ne fait pas peur aux garçons, soit être une espèce de muse pour gay au corps parfait et qui ne parle pas trop. La meuf un peu cool qui n’aime pas trop les apparts avec moulures et qui n’a pas besoin de traîner place Vendôme pour se sentir parisienne, elle est où en France ?”
Elle est apparemment dans le Xe, le IXe ou le XVIIIe – avant tout Rive Droite. Elle écoute Jackson and His Computer Band, grand ami de la marque, qui signe la bande-son électrisante du défilé. Elle a 20, 30 ou 40 ans, a peut-être vécu une grossesse ou deux. Elle est petite ou grande, porte les cheveux longs ou rasés. Elle délaisse ses talons pour des grosses baskets, dévale le podium la tête haute aux côtés de ses copines et surtout, surtout, s’en fiche d’être sexy.
« C’est une marque de filles pour les filles », selon Johanna. « Et c’est une fille avec laquelle on a envie soit de devenir copine, soit petite copine. On s’en fiche de plaire aux garçons. »
Des guerrières en vinyle
Pas sexy ? Cette première collection a des accents indéniablement bondage, avec des bandeaux sous un trench ouvert, des combis quasi transparentes, des bodys à découpe, des cyclistes effet mouillé, des pièces en vinyle seconde peau. « Mais rien n’est dehors ! » précise la créatrice. « Etre sexy, c’est avant tout une question de personnalité. C’est ce que tu dégages, le fait que tu aies la tête pleine, que tu sois à l’aise dans ta gestuelle, que tu ne te trahisses pas. Il n’y a rien de pire qu’une fille qui ne sait pas marcher en talons et qui essaie quand même parce qu’elle veut être a la mode, et qui est complètement godiche avec. » Radical. « Les filles Wanda n’ont pas envie de plaire. C’est à prendre ou à laisser. »
D’où l’importance, durant le show, que chaque fille ait une tenue qui lui corresponde, ce qui est peut-être la clé des good vibes ressenties depuis le podium : les mannequins, de la mignonne Charlotte Free à la beauté rasée Agathe Rousselle, semblent carrément porter leurs propres vêtements. « Aucune fille n’était déguisée. C’est une question d’honnêteté », raconte Johanna Senyk.
« Toutes les nanas portaient des fringues pour lesquelles je leur demandais, ‘Comment tu te sens ? Tu peux t’asseoir ? Tu sortirais comme ça ?’ et si je voyais qu’une fille était mal à l’aise, on changeait. C’était important qu’elles aient l’air de vraies guerrières. »
Un casting impliqué et ultra frais, plein de nouvelles têtes plutôt atypiques, qui attire l’œil des émissions La Mode La Mode La Mode et Habillées pour… Consécration pour un premier défilé, elles posent leurs caméras dans les coulisses de Wanda Nylon, captant l’énergie du backstage et ses filles férocement cool qui poussent Loïc Prigent à analyser : « La fille Wanda Nylon n’attend pas le bus, elle le rattrape ». Et passe un sacré savon au conducteur.
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