Western

Il faudrait faire preuve d’une sacrée mauvaise foi pour nier les très notables progrès accomplis depuis dix ans par la chanson française. Affranchie du pouvoir hégémonique accordé au texte, de l’autorité écrasante exercée par quelques grands disparus et de l’étroitesse d’oreille qui l’a trop longtemps caractérisée, elle laisse enfin entendre des voix authentiquement musicales.

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Même s’il est titulaire d’un passeport belge, Baptiste Lalieu, alias Saule, s’inscrit dans ce mouvement de libération et d’ouverture. Produit par l’impeccable Seb Martel, son album souffre d’un seul handicap : ce titre ô combien trompeur et réducteur, Western, qui semble annoncer une énième auberge américano-mexicaine à la Calexico.

Même s’il peut aimer se projeter dans les décors sonores de l’Ouest (Personne, belle cavalcade lyrique en compagnie de Dominique A), Saule n’est pas le dernier cow-boy d’opérette à la mode. Mais il est assurément un brave qui, à l’heure triomphante du sarcasme et de la confession trash, ose s’illustrer dans un registre difficile : celui de la tendresse, qu’il décline dans des compositions élégantes et légères, parées le plus souvent d’arrangements acoustiques et de rythmes latins ou africains.

Il y a à la fois du Mathieu Boogaerts et du Bourvil (celui du Bal perdu comme celui de Salade de fruits) dans ce gaillard d’1 mètre 97 à la voix sensible, scrutant le monde à hauteur d’homme, le regard teinté d’une indélébile bienveillance et d’une indéfectible modestie. Les amateurs de rimes riches et de métaphores chiadées trouveront sans doute à redire sur la qualité de son verbe, foncièrement premier degré. Soit, Saule ne postule pas au titre de plus grand poète du XXI^e siècle. Mais c’est aussi cette parole sans esbroufe, associée à un vrai discours musical, qui contribue encore un peu plus à dégonfler les chevilles, à ouvrir les tympans et à ventiler le cerveau de la chanson d’ici.