La semaine dernière, un site ludique et déprimant, une existence arborescente, une nouvelle source d’émerveillement et la recherche du sommet de notre vie.
Mon cher Inrocks, l’année 2016 commence bien ! Ou alors j’ai rêvé. A la une des journaux, Bowie avait remplacé Daech, Valls, Hollande, la déchéance de nationalité, la menace salafiste et Marine Le Pen. Sur les réseaux sociaux, plus de posts rigolos sur Jawad, plus d’extraits de paroles d’experts, plus de clashs débiles entre les pim, pam et poum du jour.
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De la poésie partout. Des extraits de concerts, d’interviews, de films. Des chansons de légende. On partageait des moments de grâce, on saluait à travers Bowie les identités multiples, la possibilité de se réinventer, les mélanges des genres. Le monde n’avait presque pas changé, mais tout était dans ce presque.
Facebook était toujours une vitrine narcissique un rien gênante, mais les gens s’appropriaient Bowie, non le bistrot dans lequel ils avaient bu une bière trois jours avant les attentats, ou les amis d’amis qui avaient failli y passer – du coup, cet événement était le leur.
Inventer nos vies avant qu’il ne soit trop tard
On se souvenait que la mort viendrait plus probablement nous chercher dans notre lit que dans une salle de concerts, que notre urgence n’était pas une affaire d’Etat mais qu’il était urgent d’imaginer, d’inventer et de conduire nos vies avant qu’il ne soit trop tard.
On découvrait ce “site, ludique et déprimant à la fois, intitulé ‘What did David Bowie do at your age ?”, sur lequel “on peut ainsi étalonner nos petites vies linéaires sur celle d’un homme qui en vécut mille, toutes flamboyantes ou presque, et qui, parvenu à l’automne de cette existence arborescente, arrive encore à nous surprendre”. Et on se disait que ce qui nous manquait le plus n’était pas la sécurité mais l’imagination et la liberté.
27 ans ? 69 ans ?
La mort de David Bowie n’était pas triste. C’était même la mort le plus réjouissante qu’on puisse imaginer. Elle renversait le mythe débile du rockeur qui doit mourir à 27 ans pour demeurer éternellement jeune. Le temps qui passe pouvait devenir un allié. On pouvait mourir à 69 ans au terme d’une multitude de vies.
Le coup de grâce n’était plus un coup fatal, mais une dernière chanson de légende, la grâce d’une sortie réussie. La mort de Bowie venait illustrer et accomplir cette phrase livrée aux Inrocks il y a quelques années : “Je ne supporte pas de traîner avec des gens qui considèrent que le sommet de leur vie est derrière eux, vingt ans plus tôt. Je ne veux pas entendre ‘Tu te souviens comment c’était à l’époque’, ça sous-entend qu’on s’est arrêté de vivre à cette date précise.”
Bowie était mort sans avoir jamais arrêté de vivre. On comprenait que la seule chose triste dans la mort était de ne pas avoir assez vécu, et qu’il fallait s’y atteler d’urgence.
Je n’ai pas totalement rêvé. David Bowie est mort. Je suis un peu triste, mais surtout émerveillé. Au terme de l’hommage que tu lui consacres, je garde pour moi cette formule qu’il t’avait confiée : “Chaque jour, je trouve une nouvelle source d’émerveillement. C’est fou ce que j’aime la vie !”
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