Littéralement, les Black Lips cassent la baraque du rock’n’roll pour remonter la plus accueillante des cabanes de guingois.
Les doux barjots d’Atlanta auraient-ils pu rendre plus bel hommage à Lux Interior (Cramps), voire à Jeffrey Lee Pierce (Gun Club), qu’en ouvrant leur nouvel album par ce fébrile et décapant Take My Heart ? Pas sûr. Et pourtant les Black Lips n’ont pas un goût particulièrement développé pour l’allégeance. Ils démontreraient plutôt à chaque étape discographique ou scénique de sérieux penchants pour la gaudriole et l’irrespect. Parmi leurs derniers faits d’armes, nous soulignerons d’ailleurs cette récente tournée indienne interrompue en catastrophe par le promoteur et les autorités locales, peu enclins à supporter chaque soir les débordements de ces godelureaux incontrôlables.
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Néanmoins, c’est avec beaucoup de ferveur filigranée qu’ils portent en eux l’héritage d’une des plus nobles factions du vrai rock’n’roll, celui qui justement n’admet ni le prévisible, ni la domestication. De ce 200 Million Thousand, il ne faut donc pas attendre plus d’aseptisation et de jolies chansons bien peignées que de son tout aussi brillant prédécesseur Good Bad Not Evil.
La règle de la destructuration massive reste de mise. Et c’est à un jeu de quilles goguenard auquel nous assistons une nouvelle fois, entre le blues tremblotant façon Gun Club de Trapped In a Basement ou Big Black Baby Jesus Of Today, les dérapages psychédéliques de Let It Grow, la country malingre et vaguement lyrique de Short Fuse ou Again & Again… Quelques icônes en prennent même pour leur grade, tels les Kinks pastichés de Body Combat ou le Velvet Underground entarté de Starting Over.
A des guitares aigrelettes et très new-yorkaises d’ailleurs répondent des vocaux tout aussi erratiques mais beaucoup plus irrationnels et chaotiques. Tel un 13th Floor Elevator libéré de tout, sauf sans doute de l’énergie opiacée et des effets de l’apesanteur, les Black Lips refondent l’errance et le je-m’en-foutisme en une réjouissante bacchanale improvisée et débridée. Hasard et fraîcheur, voire bousculade potache, retrouvent ainsi leur juste rang de combustibles essentiels à toute aventure sonique passionnante.
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