A Rennes, moins de 10% des lieux publics portent des noms de femmes. Depuis un mois, une campagne d’affichage sauvage dénonce ce constat. A la tête de l’initiative, un collectif : la Brique.
“Trop peu de rues portent des noms de femmes.” Derrière ce slogan se cache le travail de fin de cursus de deux étudiantes en dernière année des Beaux Arts de Rennes. Mathilde, 23 ans, marinière, grandes lunettes et cheveux coupés au carré et Juliette, 24 ans, gilet mauve, foulard rouge et forêt de cheveux rassemblés dans un chignon. Le voilà, le duo créateur de la Brique. “Militantes comme le pavé”, avec l’envie de “construire” quelque chose de nouveau “comme avec des briques”, elles se sont lancées dans l’aventure en avril 2013. “On a eu l’idée pendant l’été. De retour à Rennes, le projet était lancé.” Le manque de chiffre les a incitées à réaliser un décompte à l’ancienne. “On a pris une carte de la ville et on a pointé tous les lieux avec des noms de femmes.” Conclusion plus d’hommes que de femmes.
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“Une fois la preuve sous les yeux, on a réalisé que Rennes se prêtait parfaitement à l’affichage sauvage.” Toutes deux étudiantes en graphisme, elles conçoivent des affiches noires et oranges. Elles tapissent les rues la nuit. “Notre premier essai fut un échec. Le papier n’était pas de bonne qualité. Mais une fois changé, on n’a plus eu de problèmes”, rigolent-elles. En une nuit, Juliette et Mathilde – armées de patience et de force – ont collé plus de 150 affiches dans les rues du centre historique.
“On a voulu se concentrer sur le centre historique pour mieux sensibiliser les gens. Certaines affiches sont un peu dégradées, mais elles sont encore toutes là”, soulignent-elles fièrement.
Accrochées au même niveau que les yeux des passants, les pancartes sont toutes accompagnées d’une petite biographie de “la personnalité féminine choisie”. Elles se sont basées sur l’histoire de personnalités féminines locale, comme Odette du Puigaudeau, journaliste et ethnologue, Louise Bodin, femme politique. Cependant le nombre de femmes représentées dans les rues a presque doublé, passant de 47 à 98. “La parité progresse”, affirment-elles, un soupçon d’ironie dans la voix.
Un phénomène répandu en France
“Rennes n’ est pas la seule ville française à avoir un problème de parité dans les rues”, explique Mathilde. Elle poursuit : “Dans une dizaine de villes de France, l’administration a l’obligation de mener une politique de féminisation de la rue.”
Les premières plaques furent accrochées en 1728. Réservées d’abord aux bourgeois, écrivains et hommes de théâtre, elles donneront à partir de 1782 leurs noms aux rues autour de la Comédie Française. Sous l’Empire, les deux premières femmes, Blanche de Castille et Marie Stuart, trouvent enfin leur place dans le paysage masculin parisien.
Aujourd’hui, sur les 6000 voies et places parisiennes, près de 200 portent des noms de femmes. La municipalité veut faire changer les choses. Le 8 mars à l’occasion de la journée internationale de la femme, douze femmes ont été célébrées. Leurs noms ont été donnés à des endroits de la ville. Le 12 mars dernier la Commission d’attribution des noms de lieux parisiens s’est prononcée pour une liste strictement paritaire. Cent personnalités sont concernées, dont Romy Schneider ou encore Anna Marly.
La Brique risque de ranger ses posters. Le projet de Juliette et Mathilde se termine d’ici fin mai. “On n’est pas sure de continuer l’affichage”. Mystérieuses, elles ajoutent : “En tout cas, c’est le début de quelque chose. La parité homme femme commence dans la rue.”
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