Aussi bien diplômé de l’école Boulle que de l’ENSCI-Les Ateliers, Alexandre Echasseriau a remporté en 2014 les Audi talents awards catégorie design avec « Tryptic ». Une série de trois objets qui mélangent matériaux nobles, savoir-faire et nouvelles technologies. Un an plus tard, retour sur ce beau projet avec son concepteur, qui porte la casquette d’artisan et de designer.
Vous n’avez pas commencé par vous intéresser au design mais à l’artisanat…
Après mon baccalauréat, j’ai intégré l’école Boulle où j’ai passé un diplôme des métiers d’art en tournage ornementale. J’ai adoré ce cursus mais les débouchés étaient rares. J’ai toujours aimé inventer, après mon diplôme en 2008, on m’a donc orienté vers l’ENSCI-Les Ateliers.
Votre travail porte sur la valorisation des savoir-faire.
En sortant de Boulle, j’étais triste de voir tous ces métiers se perdre. Sachant que j’avais une double curiosité, à la fois pour les métiers d’art et pour le design, pourquoi ne pas travailler autour de ces savoir-faire et les exploiter dans mon métier ?
Vous avez présenté aux Audi talents awards « Tryptic », composé de trois objets : pouvez-vous nous le présenter ?
Ce sont trois objets qui mélangent à la fois les métiers d’art, la technologie (soit de pointe, soit désuète) et un matériau ou bien très ancien, ou bien très nouveau. En tant que designer, je suis le liant principal. J’ai donc réalisé un casque de vélo qui tisse une rencontre entre la laine de mouton, les chapeliers de la ville de Caussade et un chimiste toulousain, qui a utilisé différemment la laine pour créer la coque. Ensuite, j’ai créé « Marble Sound System » une enceinte acoustique avec un marbrier et des ingénieurs du son. Le dernier objet est une housse d’Ipad en cuir avec un circuit numérique tatoué.
Pourquoi vous êtes-vous inscrits aux Audi talents awards ?
J’étais à la recherche de financements car je voulais m’installer à mon compte : je n’ai jamais voulu intégrer de grosses structures. Les Audi talents awards me laissaient une liberté de mouvement géniale. Ils m’ont aidé à développer les projets, et ont financé les machines nécessaires.
Quel est votre objectif en tant que designer ? Toucher le plus de personnes possibles ou continuer d’expérimenter avec de toutes petites séries ?
J’ai conscience qu’il est impossible d’être dans un entre-deux : une enceinte en marbre abordable ne peut pas exister. Ma stratégie actuelle est de faire des choses extrêmement luxueuses, réservées à un petit marché. Néanmoins, avec la même réflexion, je développe d’autres procédés qui conservent la forme et le principe de l’objet mais qui seront beaucoup plus accessibles.
Après votre victoire, comment avez-vous travaillé à vos projets ?
Je suis retourné voir les personnes que j’avais auparavant supplié de travailler avec moi et qu’à l’époque je ne pouvais pas payer, puisque j’étais étudiant. J’ai pu aussi aller plus loin dans les recherches, les financer, et avoir accès à beaucoup plus de liberté dans les échantillonnages et prototypes. Cela m’a permis de prendre du temps.
Avez-vous rencontré des difficultés pendant cette année ?
Beaucoup, car j’ai abordé plusieurs problématiques que je ne connaissais pas. Les Audi talents awards demandent une vision à long terme, mais aussi une pluridisciplinarité, comme faire une scénographie pour une exposition aux D’Days. C’était à ma portée, mais j’avais sous-estimé l’investissement en énergie et en réflexion. Sur les objets, j’ai en plus fait le choix risqué d’en développer trois en même temps : j’ai donc multiplié les contraintes, au risque de rater l’ensemble.
Quel est le bilan, après un an ?
En juin 2015, j’ai présenté mon exposition aux D’Days qui expliquait ma démarche, ainsi que les échanges avec les artisans et les centres de recherche. Cela a permis d’exposer mon projet, mais aussi de faire venir mes anciens professeurs et la cinquantaine de personnes qui ont collaboré à « Tryptic ». Je me suis aussi aperçu que les gens avaient plus de facilité à s’adresser à moi parce que j’étais lauréat, et que cela rassurait. Avoir des moyens m’a permis de garder les mains dans la matière, ce que j’ai toujours assumé et mis en avant.
Que comptez-vous faire de votre projet « Tryptic » ?
Il y a plein de stratégies. Le casque de vélo est un projet de chimie qui aborde des choses très complexes, il y a des gros groupes qui se sont montrés intéressés. Pour le moment, je le garde car j’aimerais bien le retravailler. Pour l’enceinte, j’ai encore sollicité de l’aide et me suis associé à des gens qui ont des compétences et des visions que je n’ai malheureusement pas.
Vous parliez de nouveaux projets : qui est venu vous chercher ?
Je travaille beaucoup avec des centres de recherche sur des choses qui me passionnent, des petits dispositifs qui m’occupent beaucoup. En ce moment, je fais aussi partie des 12 finalistes du concours Emile Hermès, pour lequel je développe un objet dans le but de l’éditer.
Que prévoyiez-vous pour 2016 ?
Il y a donc Hermès en mars, je prépare une exposition avec le CNRS qui va beaucoup m’occuper : il va falloir faire tenir une expérience de physique quantique dans une valise. J’aimerais bien terminer la housse d’Ipad car j’ai eu beaucoup de retours positifs à ce sujet : même un géant californien (dont je dois taire le nom) m’a fait intervenir dans leurs bureaux.
Un conseil pour se présenter au concours quand on est jeune designer ?
Il faut des ambitions, ne pas avoir de pudeur sur ses besoins. Il ne faut pas non plus oublier de parler design, et oser aller sur quelque chose d’ambitieux !
Le site d’Alexandre Echasseriau
Emergence, le site des Audi talents awards