« Matangi » le nouvel album de M.I.A. sort mardi prochain. Bonne surprise : l’Anglaise ressuscite son niveau de 2007 avec quinze chansons en perpétuel mouvement. La critique avant l’écoute.
Plus d’un an et demi après la découverte du clip barjo de Bad Girls, le quatrième album de M.I.A. s’apprête enfin à se faire cliquer (rendez-vous le 5 novembre). Initialement prévue pour décembre 2012, la sortie du disque a été perturbée par les nombreux désaccords entre l’Anglaise et sa maison de disque, jusqu’à ce que M.I.A. menace de leaker les quinze chansons de son propre album.
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[Mise à jour, album en écoute à cette adresse]
If interscope takes longer i can always leak this next week and make a new one by the time they are ready.
— M.I.A (@MIAuniverse) August 9, 2013
Jugé « trop positif » par Interscope, Matangi s’impose pourtant comme la meilleure collection de la chanteuse depuis 2007 et l’album Kala. Rayon invités, on y croise The Weeknd, Hit-Boy, Surkin, Bobmo, Switch, Danja… Fine équipe. Avant de lire la longue interview qu’elle nous a accordé à Londres, critique titre par titre d’un disque en perpétuel mouvement.
Karmageddon
Morceau d’ouverture idéal, Karmageddon lance l’album avec une ritournelle intrigante. Une minute trente où la voix de M.I.A. colle aux basses d’une instru hypnotique et alanguie signée Switch. La chanteuse en profite pour introduire les caractère spirituel et personnel de l’album : « Mes mots sont mon armure, vous êtes sur le point de rencontrer votre karma. »
Matangi
La chanson titre. On retrouve encore Switch à la production et quelques uns des codes qui ont fait la grandeur de la chanteuse au milieu des années 2000 : scansion obstinée, collages de sons, percussions redoublées. On constate aussi que M.I.A. a bien révisé sa géographie à l’écoute d’un name-dropping sans frontière : « Somalia, Bosnia, Colombia, Ecuador, Mexico, Buthan, Morocco, Botswana, Ghana, India, Serbia… » Un clin d’oeil aux envolées altermondialiste de Zaz ? La chanson est peut-être la moins réussie de l’album mais elle renferme un passage savoureux avec une petite attaque contre le rappeur canadien Drake : « J’ai commencé tout en bas et maintenant c’est Drake qui reçoit les honneurs. » L’Anglaise en remettra une couche dans la suite du tracklist.
Only 1 U
Presque dix ans après, la suite sonique de Galang. Les beats et les basses de la prod sont saturées à souhait et la dernière minute de la chanson offre un combat de samples addictif entre voix de tête et batteries étouffées.
Warriors
Première apparition de Hit-Boy sur l’album – on lui doit notamment Niggas in Paris et Goldie d’A$AP Rocky. Warriors ressemble au titre presque éponyme sorti par Ebony Bones en 2009. M.I.A. parle donc de guerriers. De danse et de transe aussi. Le refrain est emprunté à une artiste malienne retrouvée sur une vieille chanson qui « traînait sur le Itunes » de la chanteuse. On commence à trouver le karma promis en piste une.
Come Walk With Me
Il y a au moins quatre chansons différentes dans ce morceau. Tout commence par une comptine un peu désuète. Tout s’accélère très vite avec un zapping de sons qui impose différentes incarnations (dance, house, ragga). En fin de morceau, M.I.A. se rappelle au bon souvenir des années 2000 avec la reprise des paroles égotiques qui ont fait la grandeur de Bamboo Banga.
Attention
Beaucoup de rimes d’assonances pour un morceau dont la vraie trouvaille réside dans la distorsion des dernières syllabes chantées. On soupçonne M.I.A de nous refourguer une vielle production laissée de côté par Switch mais la beauté du morceau qui suit pourrait nous réconcilier avec la pire des roublardises.
Exodus
Sur Exodus, M.I.A. ne se contente pas de profiter de la classe de The Weeknd. Le morceau reprend la base sonore de Lonely Star, publiée par le chanteur et producteur canadien en 2011. La reprise réussit l’exploit d’éclater l’original en transportant la chanson dans des contrées parfois très éloignées (Björk, l’Asie, le ragga). Gros tube qui prouve que la rappeuse sait aussi chanter.
Bad Girls
« Live fast die young Bad Girls do it well… » Vous savez déjà tout.
Boom (Skit)
Une petite minute quinze au cours de laquelle M.I.A revient sur le scandale du Super Bowl 2012. Elle nous confiera d’ailleurs pendant l’interview que le doigt d’honneur était bien intentionnel et qu’elle ne regrette rien malgré la poursuite judiciaire dont elle fait toujours l’objet. Impossible, en revanche, de nous faire oublier l’horreur de son plan à trois dégueulasse en featuring avec Madonna et Nicki Minaj.
Double Bubble Trouble
The Partysquad, équipe de producteurs hollandaise spécialisée dans la trap music, livre ici un morceau multiforme où le reggae se font dans l’electro et dans le hip-hop. On croirait même qu’Omar Souleyman prend le contrôle du morceau le temps d’un final excité et jubilatoire.
Y.A.L.A
Y.A.L.A (pour You Always Live Again) est une réponse idéologique au YOLO (You Only Live Once) labellisé par Drake. M.I.A ne croit pas à la réincarnation mais insiste sur la nécessité de se réinventer par l’art et la culture. On retrouve encore The Partysquad à la production d’un morceau jubilatoire qui devrait rencontrer un franc succès en matière de twerks et autres harlem shakes.
Bring The Noize
M.I.A. aime la France. Après avoir travaillé avec Romain Gavras sur les clips de Born Free et Bad Girls, l’Anglaise s’entoure d’une partie de l’écurie Marble pour cacher la fureur de Bring The Noize. On doit la structure du morceau et son ambiance de film d’horreur aux talents conjugués de Surkin et BobMo.
Lights
Retour au calme sur le seul titre produit par la chanteuse. Encore une fois, le morceau présente plusieurs incarnations en suivant des modulations de tons et de voix. A la fois mignon et inquiétant, simple et torturé, Lights confirme brillamment la schizophrénie du disque.
Know It Ain’t Right
Avec Know It Ain’t Right, M.I.A propose le troisième gros tube de l’album – après Bad Girls et Exodus donc. La chanson pourrait devenir le meilleur morceau de la carrière de Santogold mais c’est bien M.I.A qui chante, souveraine et apaisée.
Sexodus
En bonus, une relecture d’Exodus et une nouvelle reprise de The Weeknd (avec de nouvelles paroles et un beat un peu plus léger) qui devrait vous permettre de conclure vos soirées aussi bien que cet album se termine.
album Matangi disponible le 5 novembre (Interscope/N.E.E.T)
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