Un guitariste et un violoncelliste s’unissent à Nantes pour agencer un splendide recueil de folk-songs artisanales : le songwriting français se porte bien.
La plaisanterie est stupide mais la tentation trop grande : si les papilles des plus gourmands fréquentent régulièrement Ben & Jerry, leurs oreilles trouveront bientôt de beaux délices sonores dans les folk-songs des Français Ben Jarry et Marc Morvan. Originaire de Nantes, le duo (un violoncelliste et un guitariste), qui présente ce printemps un premier album à tomber par terre, n’est qu’à moitié inconnu : il y a quelques années déjà, Marc Morvan avait formé, avec deux amis, un jeune trio français répondant au nom de 3 Guys Never In, et livré un touchant premier album qui laissait deviner une fascination réelle pour le Promenade de The Divine Comedy.
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“3 Guys Never In, c’était plutôt un projet studio. On s’était vraiment intéressés au son et aux possibilités qu’offrait un ordinateur, le multipistes et tout ça. A partir du moment où le disque est sorti, on a eu des bons papiers mais on était incapable de reproduire le disque sur scène. Il n’y a pas eu l’effet boule de neige attendu.” Quelques années et une demoiselle auront suffi à ce que Marc rencontre un nouveau partenaire musical. “On avait une copine commune, je lui donnais des cours de guitare et Ben des cours de violoncelle. Elle me donnait des cours d’anglais. On s’est rencontrés ainsi.”
Conséquence heureuse de cette rencontre, Udolpho réveille aujourd’hui la grâce des meilleurs albums d’Andrew Bird, dévoilant un songwriting d’un raffinement et d’une galanterie rares. Car les ordinateurs, boîtes à rythme et autres bidouillages sonores ont ici laissé place à une ambiance épurée, et Marc Morvan & Ben Jarry semblent composer la bande-son des plages de la Côte sauvage, tâtant par là-même un sable déjà foulé par Nick Drake ou Sufjan Stevens – impossible par instants de croire que ces chansons appartiennent à la France.
“Je n’ai pas eu envie de chanter en français, explique Marc. C’était aussi l’idée d’être décomplexé : pourquoi faire du Noir Désir alors que je n’écoute pas ça ? L’autre raison, c’est que lorsque j’ai commencé à composer je vivais chez mes parents, qui ne parlent pas du tout anglais. Comme je suis timide et pudique, je ne voulais absolument pas qu’ils comprennent ce que je chantais.”
Enregistré pendant huit mois à la maison, Udolpho est d’ailleurs au final un pur produit de l’Ouest français : “C’est un album très nanto-nantais. On n’a pas fait appel à des gens extérieurs, on a tout fait nous-mêmes. A Nantes, il y a une vraie scène folk et pop, du coup tout le monde joue avec tout le monde.” De la sublime The Murder of Our Neighbour à Some Magnificient Days, le duo dévoile ainsi quelques-unes des plus grâcieuses folk songs entendues cette années.
Des comptines qu’on imagine souvent, comme chez le compère Piers Faccini, puiser autant dans les musiques du monde que dans l’héritage classique anglo-saxon. Surtout, l’ensemble constitue l’écrin parfait pour nicher la voix d’or, sombre et élégante, de Marc Morvan : nul ne sera surpris d’apprendre le béguin du jeune homme pour l’élégance de Stephen Merritt des Magnetic Fields. On leur voue dès aujourd’hui le même amour.
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