Onomatopées sanglantes, patois inédit et références bigarrées : bienvenue chez Seth Gueko, rappeur des caravanes et barres de fer.
La vie de Nicolas Salvadori, délinquant verbal originaire de Saint-Ouen-L’Aumône, ressemble à un polar de seconde zone peuplé de capuches, de barres de fer et de mafieux italiens. Cuir serré, haleine gousse d’ail et gourmette en or, voici Cosa Nostra nouvelle génération, les Siciliens tendance béton qui manient l’arabe, le manouche ou le français et réinventent la poésie avec des dents cassées.
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Nico-la-castagne met en bouche sur ce premier disque officiel les gouaches de cette vie de cabochard, parle de bastons, de sa bite, de sa mère et scénarise quelques récits épiques, comme cette fièvre masturbatoire qu’il détaille sur Bistouflex. Planqué sous mille identités qui trahissent un verbe référencé bien au-delà du rap (Al Poelvordino, Pierre Richard Geere…), le jargon singulier de ce Guy Georges Clooney qui rentre dans le lard du rap français évoque Renaud ou Bukowski, les coups de barre de fer en plus. Ici c’est Paris rive glauque, DJ l’embrouille aux platines, comme un remake banlieusard des Tontons flingueurs, les dialogues d’un Audiard cocaïné sur un Tarantino sans budget.
Au-delà des hyperboles, ce parler azimuté révèle surtout un théâtre citadin aux mœurs âpres et aux manières fortes. Un ennui banlieusard auquel cette gouaille de forain donne un relief, que le rappeur évoque les sales coups, les halls qui sentent la pisse ou les après-midi à la piscine municipale avec “les poils qui sortent du slip” (Wé wé wé). L’humour en lingots de plomb de ce “Louis d’Fufu avec un big zi-fu (fusil)” ne masque pas un parcours de traviole planqué sous le patois fleuri. Derrière son masque de proxénète yougoslave, le héros des champs de caravanes est un clown triste dont les plaies remontent à la surface sur Couple impair, oraison aussi touchante que violente à l’attention d’un daron déserteur. En dépit de productions électro un peu convenues, d’un verbe rocailleux parfois dur à suivre, La Chevalière donne un souffle rassurant à un rap français que l’humour, l’humilité et la distance ont déserté depuis longtemps au profit de récits super-héroïques à sens unique. Mains en l’air, lève les bras qu’on te fasse les poches !
Thomas Blondeau
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