Copine d’école d’Amy Winehouse, la furie londonienne Ebony Bones réserve ses frasques à son mélange explosif de punk, ragga, soul et funk. Après avoir réussi à coucher la folie de sa musique sur son premier album Bone of my Bones, l’ex-comédienne sera encore la terreur des festivals d’été.
C’est une nouvelle histoire d’amour qui a démarré avec des concerts, par un choc visuel autant que sonique. Ebony Bones dans son incroyable costume bariolé, on l’a reçue en pleine face dans le décor que cette belle indomptable a réussi à apprivoiser en premier : la scène. Jamais elle ne lui laissa le temps de refroidir, y compris en France avec ses multiples passages depuis un an, du festival Marsatac à Marseille aux Transmusicales de Rennes, jusqu’aux récentes éditions d’Europavox ou de Villette Sonique. Autant dire que cette chanteuse qui a très tôt brûlé les planches comme comédienne s’y sent encore plus à l’aise que dans le canapé de son salon.
A 28 ans, la Londonienne s’impose dans le paysage actuel comme une guerrière du live, physique et généreuse, dont l’instinct l’a immédiatement fait trouver la synthèse parfaite entre attitude punk, chaleur funk et instantanéité pop. Animée d’une foi surnaturelle, elle a su dresser son sauvage répertoire et le coucher sur Bone of my Bones, un premier album brut, fidèle à son personnage haut en couleurs et à la folie tribale de son rock multicolore. “Bones of my bones, flesh of my flesh… ce sont les premiers mots dits par Adam à Eve dans la Genèse. C’était parfait pour ce disque où il fallait que tout vienne de mon cœur, de moi”, lâche-t-elle de ses grands yeux gourmands.
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C’est à la Genèse de sa vie que cette personnalité forte et unique a bâti son socle solide. Marquée au fer rouge par les émeutes raciales qui ont fait exploser le quartier londonien de Brixton peu de temps avant sa naissance, la petite Ebony Thomas sait que sa vie n’épousera pas la trajectoire toute tracée des enfants du coin. Son ouverture aux arts et à toutes les musiques, elle la doit grandement à son père qui tient une boutique de disques à Brixton. “Il m’a beaucoup inspiré. Imagine un Caribéen qui vendait des disques punk ! A la maison, il passait le MC5, les New York Dolls, du garage punk, du reggae roots… Ma mère travaillait dans la mode et se déplaçait beaucoup, à Paris, en Italie. J’étais donc tout le temps avec mon père, entourée de musique, c‘était une forme d’échappatoire.”
Juchée sur ses épaules, les éclairs du carnaval de Notting Hill lui éblouissent les yeux pour la vie alors qu’elle n’a que 6 ans. Son éducation passe pour un pied de nez à tous les ministères de l’intégration. “J’ai grandi dans ce quartier où vivaient des Caribéens, des Irlandais…Ces différentes cultures m’ont nourrie. J’ai aussi beaucoup lu. Le parallèle que j’ai vu entre 1984 de George Orwell et l’évolution de la société anglaise m’a ouvert les yeux.”
Ebony suit un parcours scolaire qui donnerait à tous les enfants de la terre l’envie de se faire prêter de tels parents rien qu’une journée. A 12 ans, ils l’inscrivent dans une école pour futurs comédiens. ”Dans ma classe, il y avait des enfants des Spice Girls et aussi Amy Winehouse. Je me suis inscrite en danse et l’acteur Mark Rylance, alors patron du Shakespeare’s Globe Theatre, m’a proposé de jouer dans Macbeth. J’étais très jeune et n’avais bien sûr jamais joué Shakespeare. Ça été mon premier rôle.” La carrière d’Ebony démarre sur les chapeaux de roue et la musique n’occupe alors qu’une place secondaire dans sa vie. “J’avais touché à quelques instruments comme le violon ou la guitare, mais sans jamais prendre de cours. J’étais le genre de gosse à me lasser de chaque nouvelle occupation au bout d’une semaine, il me fallait passer à autre chose, puis y revenir, comme toucher à un trombone avant de le laisser prendre la poussière. Ensuite il y a eu la découverte des garçons et là, j’ai tout laissé en plan pendant un an.”
Elle décroche alors un rôle dans la sitcom Family Affairs dont elle restera l’un des comédiens les plus jeunes et les plus fidèles de 1998 à 2005, ce qui lui vaudra plusieurs nominations aux British Soap Awards. “La télé a changé ma vie. Soudain, il fallait me lever à 5 h du matin et y rester jusqu’à 9 h du soir… Je jouais un personnage concocté par des scénaristes, c’était excitant, mais après coup je me suis rendu compte que c’était encore plus passionnant d’écrire mes propres scénarii. Je ne savais pas comment faire, j’ai donc commencé par amener mon ordinateur pour travailler, j’ai composé des musiques et c’est là que tout a démarré.”
Grisée par la vitesse, Ebony flirte peu à peu avec la bande d’arrêt d’urgence : la musique. Alors qu’elle ne voulait écrire que des mots, des notes prennent possession de sa soif créatrice. Elle qui n’a pas encore réveillé le sauvage qui sommeille au fond de son coffre vocal compose des instrumentaux pour d’autres voix imaginaires. Des amis de bon conseil lui ordonnent de les interpréter elle-même. “Ça a été compliqué avec ma voix. Quand tu es une gosse noire, tu grandis forcément en entendant Whitney Houston, Aretha Franklin… de vraies chanteuses. Clairement, je ne sonne pas comme elles et je savais aussi que ma voix ne correspondait pas non plus aux critères du moment. J’étais portée vers Björk, Nina Hagen ou Grace Jones, des filles qui sonnaient différemment.”
Elle soumet ses premières compositions aux oreilles d’une drôle de rencontre, au détour d’un pub londonien. Il se présente comme un musicien anglais ayant joué dans un groupe punk. Il s’agit de Rat Scabies, batteur des Damned dont le nom évoque des singles mythiques dans le magasin de papa. Après écoute de ses morceaux, Rat Scabies ressort ses fûts pour de nouveaux enregistrements qu’Ebony devenue Bones poste sur son Myspace. Le duo house Basement Jaxx, lui aussi basé à Brixton, tombe sur ces titres et l’invite à des premières parties. “Ça a été mon premier concert, la première fois que je chantais mes morceaux. J’étais super nerveuse, je n’avais pas de groupe, nous avons joué en formation archi basique : Rat Scabies à la batterie et moi à la basse.”
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