Par son audace et sa compléxité, Revolver est un fascinant recueil pop et une vraie leçon d’écriture.
Avaient-ils conscience, en l’intitulant ainsi, qu’ils étaient sur le point de composer un album en forme d’arme de séduction massive, voire de bombe atomique ? Revolver, qui demeure dans le coeur de nombreux fans comme le plus grand disque des Beatles, propose, plus de quarante années après sa sortie, un des plus merveilleux chapitres de toute l’histoire de la pop, que les classements des meilleurs disques du monde placent d’ailleurs régulièrement sur le podium.
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Continuant d’explorer des territoires sonores inconnus, les Beatles livrent un recueil de quatorze chansons à la fois bigarrées et incroyablement homogènes, creusant les styles, envoyant définitivement valser le protocole et leur songwriting des débuts pour mieux multiplier les parenthèses hallucinées : Ringo Starr semble avoir mangé des champignons magiques – ou fumé la moquette – sur Yellow Submarine, John Lennon se fend d’un hommage à son dealer sur un Doctor Robert fringant, quand il ne décide pas d’inverser les guitares sur un I’m Only Sleeping torturé. Autre fantaisie notable, il n’hésite pas à psalmodier des passages du Livre tibétain de la vie et de la mort sur un Tomorrow Never Knows construit sur des boucles sonores signées par un McCartney alors épris de musique concrète.
Car Macca est lui aussi dans une forme olympique et multiplie les pop-songs miraculeuses : qu’il s’agisse des amoureuses Here, There and Everywhere et For no One ou de l’orchestrée Eleanor Rigby, il se débarrasse définitivement de son costume de gentil chanteur souriant et livre une immense leçon d’écriture à tous les songwriters pop du demi-siècle suivant. Ce qui n’empêche pas la paire Lennon/McCartney de laisser la main à l’ami George Harrison sur deux titres impeccables, dont un étonnant Love You to qui voit le guitariste flirter pour la première fois avec les sonorités indiennes.
L’ensemble bénéficie par ailleurs du soutien de George Martin, qui dirigera Macca pour les impressionnants arrangements de cordes et de bois (cor anglais, hautbois et flûtes) sur Eleanor Rigby, et contribuera, avec l’ingénieur du son Ken Townsend, au doublement automatique des voix, technique dès lors symptomatique du répertoire des Beatles, ensuite reprise par Simon & Garfunkel ou les Pink Floyd. Les morceaux, trop complexes, ne seront jamais joués sur scène, les Beatles lui préférant la clarté des enregistrements studio.
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