Les nouveautés The Catch et The Path illustrent le retournement des valeurs entre productions majoritaires et séries d’auteur, au détriment des premières.
Il y a quinze ou vingt ans, une révolution était en cours à la télévision mais tout restait lisible. Les productions dites “d’auteur”, venues des chaînes du câble américain, formaient une minorité agissante souvent magnifique. Elles évoluaient la plupart du temps à l’ombre des séries populaires issues des networks, ces grandes chaînes soumises à la pub comme ABC ou CBS, qui régnaient depuis l’invention du petit écran.
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On les aimait avec la conviction de faire partie d’une communauté sensible, à l’écart de la marche normale du monde, sauf les fans des Soprano, régulièrement plus de dix millions à regarder cette incroyable saga chaque dimanche soir sur HBO. Les deux pôles évoluaient à une distance polie l’un de l’autre, mais les séries majoritaires possédaient encore le pouvoir financier et symbolique.
Aventures singulières issues de canaux divers
Aujourd’hui, la dynamique s’est vertigineusement inversée et ce n’est pas seulement un effet du buzz. Les séries de networks continuent d’exister, mais soit elles s’avèrent moins intéressantes (où sont les Urgences ou A la Maison Blanche actuelles ?), soit elles vivent dans un relatif anonymat critique, à quelques exceptions près type The Good Wife. Surtout, de moins en moins de gens les regardent.
De l’autre côté, les aventures singulières issues de canaux divers (câble mais aussi streaming) se multiplient, en même temps que se brouillent les pistes entre séries grand public et d’auteur. Qui peut dire, par exemple, qu’American Crime (ABC, network) serait moins personnelle que The Walking Dead (AMC, câble) ?
Histoire de couple et de double vie
Dans ce contexte, mettre face à face deux nouveautés peut provoquer des surprises. A ma gauche, The Path, mise en ligne par le service VOD Hulu, brandit les atours d’une pure série d’auteur : une créatrice, Jessica Goldberg, issue de l’écriture théâtrale, épaulée par l’ancien de Friday Night Lights Jason Katims ; un acteur culte (Aaron Paul, ex-Jesse dans Breaking Bad) et une thématique liée à la foi dans une atmosphère métaphorique de fin du monde.
A ma droite, The Catch (ABC), produite par la reine des séries majoritaires intelligentes, Shonda Rhimes, détricote une sautillante histoire de couple et de double vie avec les excellents Mireille Enos et Peter Krause.
Une secte en quête d’âmes perdues
Au vu de son premier épisode, The Path a pour elle une intensité qui éclaire un monde parallèle barré. Au centre du jeu, une secte en quête d’âmes perdues dont fait partie l’étrange d’Eddie Lane, un converti en quête de réponses qui le mènent à une introspection douloureuse.
Attirante, la série a pourtant quelque chose de prévisible dans sa manière de remplir les cases d’une fiction pour adultes. L’esprit de sérieux tuera-t-il The Path ? Dans une lignée qui comprend pêle-mêle La Caravane de l’étrange, Big Love et une touche de The Leftovers, elle devra faire ses preuves sur la durée pour entrer pleinement en nous.
Les séries pop ne sont pas mortes
L’élégance racée de The Catch évite ce problème. Elle rappelle parfois le beau film de John McTiernan, Thomas Crown (1999), remake d’un autre long métrage avec Steve McQueen et Faye Dunaway sorti en 1968. Cette série ultra formatée n’a besoin que de quelques secondes pour accrocher l’œil grâce à sa virtuosité, sa manière d’envisager le soleil et les collines de Los Angeles comme des personnages, sur fond de tromperies amoureuses et de héros menant une vie toute en surfaces, reflets et manigances.
Ce plaisir vif devrait a priori être associé au mot”coupable”. Sauf que non. Pour l’instant, The Catch fait plus envie que The Path. Son imaginaire fertile et sa matière désirable prouvent que les séries pop ne sont pas mortes. Rien ne dit qu’on la regardera plus longtemps que sa concurrente, mais cela est une toute autre histoire.
The Catch tous les dimanches, 20 h 50, Canal+ Séries
The Path sur Hulu
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