Samedi 9 avril, l’hebdomadaire antisémite Rivarol organise un banquet pour célébrer ses 65 ans d’existence avec comme invité d’honneur Jean-Marie Le Pen, récemment condamné pour ses propos sur les chambres à gaz. Pierre Sidos, Henry de Lesquen, Yvan Benedetti… Toutes les grandes figures de la droite radicale étaient elles aussi présentes.
Métro parisien, ligne 3 en direction de « Gallieni ». Des hommes aux cheveux coupés courts, certains vêtus de blousons de cuir noir, d’autres d’anoraks kakis, se regardent du coin de l’œil. « On va tous au même endroit, non ? », interpelle l’un d’entre eux.
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Royalistes, cathos intégristes, négationnistes… au total c’est plus de 600 personnes réunies autour d’un banquet pour célébrer les 65 ans Rivarol, l’hebdomadaire d’extrême droite fondé en janvier 1951 par René Malliavin et qui fût condamné à plusieurs reprises pour des articles antisémites ou négationnistes. Chapeaux, costumes-cravates ou robes de cocktail, tous sont sur leur trente-et-un ce samedi après-midi dans la salle de réception de l’hôtel Novotel de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Quelques-uns arborent fièrement des pin’s de l’Action française ou encore des Croix celtiques. Parmi eux, on aperçoit les grandes figures de l’extrême-droite radicale comme le patron de Radio courtoisie Henry de Lesquen, les nationalistes Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac, le président du Renouveau français Thibaut de Chassey, ou bien encore le fondateur de l’œuvre française Pierre Sidos, dissoute en 2013.
Réunion de l’extrême-droite radicale
Assis à une table ronde près de l’entrée, Denis et Laure, fervents lecteurs de Rivarol, viennent de se rencontrer. « Je suis venue de Toulouse spécialement pour l’occasion », raconte la jeune étudiante de 22 ans à l’accent chantonnant. Denis, lui, se dit « ravie » de pouvoir « rencontrer des gens de tout horizon ». A peine sa phrase terminée, le quarantenaire se lève. Tout comme le reste de la salle. L’invité d’honneur, Jean-Marie Le Pen, fait son entrée sous les acclamations de la foule. Rapidement, un abbé monte sur l’estrade au centre de la pièce afin de prononcer les bénédicités. Un « amen » retentit, le repas peut démarrer.
Entre les hors-d’œuvre et le plat, un groupe de jeunes plaisantent. Ils ne se connaissaient pas auparavant. Pierre-Nicolas, militant nationaliste, confie être venu « principalement car Jean-Marie Le Pen s’est inscrit, et parce que ce repas réunit l’ensemble de [sa] famille politique. » Et « pour Rivarol, bien sûr ». Même s’il ajoute délaisser parfois l’hebdomadaire pour la revue royaliste L’Action française et le journal d’extrême-droite Minute. A sa table, on trouve Jean, venu avec les membres de son groupe de métal. Avec ses boucles d’oreilles et ses cheveux longs, il avoue s’être rendu au banquet un peu par hasard, « par curiosité » : « Je ne lis même pas Rivarol. Mais ce choc des cultures m’amuse. Je pense qu’on est les personnes les plus rock n’roll de la salle. » Il reconnaît toutefois partager certaines idées de cette droite radicale. « Mais je peux très bien aller au banquet de Jean-Luc Mélenchon comme à celui de Rivarol, je porte même une cravate rouge aujourd’hui », ajoute-t-il en levant le bout de tissu.
« La religion de la Shoah »
Sur sa table, Jean-Marie Le Pen a pris soin de placer en évidence les Poèmes de Fresnes de l’écrivain collaborationniste Robert Brasillach. L’ancien leader frontiste écoute, impassible, Pierre Sidos, figure historique de l’extrême-droite pétainiste, vanter les mérites du camp de concentration nazi de Struthof, en Alsace, pour la « modernité de ses commodités » et plaider pour « une 9e croisade à l’intérieur » de la France, sous les applaudissements de la salle. Ou encore Jérôme Bourbon, directeur de Rivarol, dénoncer la « religion de la Shoah » et plaindre la « Pauvre Allemagne, qui depuis 70 ans subit un bourrage de crâne » où on a dit aux enfants que « leurs ancêtres étaient des monstres et des assassins ». Et terminer par sa nostalgie de l’Algérie française, « Nous serions une monarchie pétrolière aujourd’hui. » Rien que ça… Le député européen de 87 ans a pourtant préféré s’éclipser de la salle quelques minutes avant l’arrivée de l’historien négationniste, Robert Faurisson.
Auparavant, dans son discours, il a rendu hommage à Antoine de Rivarol, pamphlétaire royaliste du 18e siècle, d’où le journal tire son nom. « J’ai souvent fait chambre commune avec Rivarol, mais à la 17ème« , s’est-il amusé en référence à la chambre du tribunal de grande instance de Paris, celle relative aux affaires de presse. Selon lui, l’hebdomadaire serait le dernier « journal d’opinion et d’opposition nationale de notre pays ». Puis, il a dénoncé, une énième fois, « la déferlante migratoire » avant de plaindre les éleveurs de cochons « qui doivent affronter une crise de la demande étant donné que la moitié de la population ne mange pas de porc ».
Train de retard ?
Tout ça au même moment où Jean-Marie Le Pen vient d’être condamné à 30 000 euros d’amende pour avoir de nouveau qualifié, sur RMC en avril 2015, les chambres à gaz de « détail » de l’histoire de la seconde guerre mondiale. Le tribunal correctionnel de Paris l’a déclaré coupable de « contestation de crime contre l’humanité ».
Pendant ces déclarations, les serveurs continuent de s’affairer. Certains ont été prévenus la veille de la teneur de ce rassemblement, d’autres le matin même. « Plusieurs personnes ont refusé de venir travailler », raconte Etienne, un plateau remplis de flutes de champagne dans la main. Afro-descendant, il reconnaît que le service « s’est bien passé ». Mais dénonce le « train de retard de Jean-Marie Le Pen qui pense que les migrations sont une nouveauté, alors que les gens se déplacent depuis la nuit des temps. Il ajoute : « On a encore besoin de main d’œuvre dans certains secteurs ». Finalement, « son discours, il l’a rôdé, mais sans réellement avoir une vue d’ensemble, donc à partir de là ça ne me fait pas du tout peur. La seule chose c’est qu’il titille les extrémistes de l’autre côté qui sont un peu plus virulents », conclut-il.
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