Avec un premier album libre et ouvert, le trio emmené par Diane Sagnier mobilise guitares Cure et batterie Phil Collins pour construire l’avenir de la pop en France.
On aurait pu s’attendre à l’écoute du luxuriant premier album de Camp Claude à voir surgir une armée radieuse pour défendre les couleurs du groupe. C’est pourtant Diane Sagnier, 26 ans, Franco-Américaine, qui déboule seule dans un Paris tout juste converti au printemps.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Cheveux châtains, mèche blonde, large pull, deux “C” tatoués sur l’annulaire et le petit doigt de la main droite (celle qui remet la mèche), la jeune femme s’assoit en face de nous pour raconter ce qui sera certainement l’un des projets les plus rafraîchissants de ce début 2016.
Finalistes de l’inRocKs lab
Certes, on ne découvre pas Camp Claude : depuis deux ans, dès le saisissant de Trap, le journal que vous tenez entre les mains était déjà sur le coup. En 2014, le groupe finissait deuxième d’une finale inRocKs lab de très haute volée, coiffé (la mèche blonde était déjà là) au poteau par les excellents Feu ! Chatterton.
On savait alors peu de choses sur cette team que Diane Sagnier dépeint pour nous avec une grande précision : “Nous sommes trois mais les deux autres garçons m’envoient toute seule faire les interviews. Le groupe, c’est Mike, qui est anglais, Leo, qui est suédois, et moi. On s’est rencontrés en 2012, un peu par hasard.”
Là où le hasard fait bien les choses, c’est que les “garçons” sont des types bien connus de nos services, ce qui va nous permettre de reprendre la main. Mike Giffts, l’Anglais donc, est tout simplement le cerveau d’un groupe qui nous fascina au milieu des années 90 : Earthling.
Dans la foulée de Massive Attack, Tricky et Portishead, ce gang trip-hop lui aussi venu de Bristol nous laissait pantois avec un premier album époustouflant, Radar. Certains se souviennent peut-être encore de 1st Transmission, titre fou et planant citant autant William S. Burroughs que Juliette Binoche ou Leonard Cohen.
Passons au Suédois désormais. Il s’appelle Leo Hellden, et à peu près au moment où l’on découvrait son compère briton, lui débarquait dans les bagages d’un de ses compatriotes, Jay-Jay Johanson, grande asperge surdouée qui clouait les filles, avec un disque intitulé Whiskey.
La formation en trio
Depuis, la vie a installé les deux hommes à Paris, où ils ont monté Tristesse Contemporaine. Dont une jeune femme, passionnée par l’image, va s’avérer être grande fan, proposant ses services pour un petit clip : cette jeune femme, c’est Diane Sagnier. “J’aimais tellement ce qu’ils faisaient avec Tristesse Contemporaine que je leur ai dit que je leur ferai une vidéo comme ça, gratos.”
Début de l’aventure : “On a commencé à se voir, à imaginer des choses. C’était créatif, joyeux, on s’amusait beaucoup. Et un jour, ils ont vu traîner une guitare chez moi.” Une guitare qui la suit depuis des lustres : “J’avais un oncle qui en faisait quand j’étais petite. Il me fascinait. Il en jouait dans le garage de mon grand-père, je m’en souviens très bien, ça m’a marquée. J’ai demandé à en faire dès l’âge de 5 ans.”
On remercie cet oncle au passage qui, par son geste, pousse la jeune Sagnier à gratouiller au lycée avec des jeunes punks des années 2000 (“On jouait du Sum 41, du Blink-182, des trucs pleins d’énergie”), puis à s’investir dans un projet plus folk et personnel au nom plus qu’à rallonge : D-Bird And The Monkey Toads.
Naissance de Camp Claude
Un soir où les vacances de Noël lui sont un peu pénibles, Diane Sagnier, 20 ans, s’enferme dans la salle de bains familiale pour pondre des titres folk qui feront un tour remarqué sur le net. “J’ai fait quelques concerts, et puis je me suis lassée très vite. Je croyais que je ne referais plus de musique, ça n’était pas du tout un objectif”, note-t-elle. Tout juste diplômée de l’école de l’image Gobelins, elle entame une brillante carrière dans l’image, photo comme vidéo (d’où cet artwork absolument sans faute du projet Camp Claude).
Il aura donc fallu que les dénommés Mike et Leo voient traîner cette guitare pour que s’ouvre enfin le Camp Claude. “On s’est donné des rendez-vous en studio, on jouait comme ça, pour le fun, et puis les rendez-vous sont devenus plus fréquents.” Début 2013, le trio, qui décide de se donner un nom (Claude est le deuxième prénom de Diane Sagnier, Camp est là pour symboliser le collectif), envoie trois titres sur le web. C’est Hurricanes, Lost and Found et le fameux Trap (celui qui mena le groupe aux inRocKs Lab).
Depuis lors, fascinés par la voix et la personnalité de leur chanteuse, Giffts et Hellden ont confectionné un véritable écrin, Swimming Lessons, qui constitue le premier véritable essai de Camp Claude. C’est un disque d’une grande ouverture, chanté en anglais, qui mobilise des guitares de tous bords (très The Cure sur New York City, beaucoup plus nineties et grungy sur Golden Prize), des envolées synthétiques très 80 (le très beau All This Space, ses montées New Order et sa batterie à la Phil Collins), et aussi capable d’envoyer du proto-hit quand la situation l’exige (Don’t Hold back, Swimming Lessons).
La promesse d’un avenir radieux
En onze titres, Camp Claude réussit à imposer une pop libre, décomplexée et généreusement référencée. Une musique que le trio a décidé, un peu pour la blague, d’appeler “sky wave”, mouais. Reste que Camp Claude impressionne : par la maîtrise de son art, l’ambition de cette proposition qui semble avoir choisi de ne pas s’interdire le succès.
Magnifiée par la production de ses deux acolytes, la voix de Diane Sagnier se pose au centre du projet, tient l’ensemble, laissant entrevoir d’incroyables lignes de fuite pouvant mener beaucoup plus loin que l’indé (dans les pas d’un Woodkid ou d’une Christine And The Queens).
Pour Diane Sagnier, pas d’urgence : “On ne va pas brûler les étapes. On bosse sur le live, on a une tournée française, on verra ensuite”, sourit-elle en tripotant ses deux “C”. Mais nul doute que le Camp Claude sera bientôt un endroit de plus en plus fréquenté. Nous sommes prêts à en faire le pari.
Album Swimming Lessons (Believe/Pias), sortie le 8 avril facebook.com/campclaude
Concerts le 6 avril à Montpellier, le 7 à Lille, le 11 mai à Paris (Maroquinerie), le 20 à Strasbourg, le 21 à Auray (Nuits soniques), le 17 juin à Marseille
{"type":"Banniere-Basse"}