On présente souvent Apple comme le fruit du travail de deux personnes, Steve Jobs et Steve Wozniack. Il s’avère qu’un troisième personnage était présent lors des premiers braillements du bébé : Ronald G. Wayne. Un documentaire en deux parties sur le site d’Arte revient sur le parcours de ce créateur oublié.
Lorsque l’on parle de nouvelles technologies, il y a une société qui vient très rapidement en tête. Certainement plus que Google ou Facebook, Apple est le symbole du nec plus ultra de la technologie rendu accessible pour les particuliers (qui sont prêts à y mettre le prix). Et Steve Jobs, son co-créateur décédé il y a quelques années, est souvent vu comme un génie, parfois une espèce de demi-dieu.
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L’aura de ce créateur devenu symbole de la marque a obscurci de ce fait les hommes et femmes qui ont participé à la conception des produits phares et mythiques tels que le Macintosh ou l’Apple II. Si Steve Wozniack, le co-fondateur de l’entreprise, qui a développé le premier ploroduit Apple, a réussi à sortir de l’ombre et se faire un nom, celui-ci n’atteint pas la notoriété du premier.
Le troisième homme
Mais ils n’étaient pas seuls, un troisième homme, Ronald Wayne était aussi de la partie et avait signé le contrat de création de la société en même temps que les deux Steve. Ronald Wayne n’est cependant pas resté longtemps au sein de l’entreprise. Arte Creative a publié un documentaire en deux parties portant sur cette figure oubliée de l’histoire de l’informatique.
L’ingénieur en électronique, aujourd’hui âgé de 81 ans, n’est resté que quelques jours chez Apple après la création de la société. Il a rapidement choisi de vendre ses actions dans la société (10% du total des titres) pour la somme de 800 dollars, prétextant notamment que l’ambiance de travail avec ceux qu’il décrit comme de “futurs géants” aurait été trop électrique. Celui qui avait pour mission de faire tampon entre les deux très fortes personnalités n’aura pas réellement eu l’occasion de le faire.
Un hasard total
“Notre rencontre est le fruit d’un hasard total” explique Jérôme Schmidt, l’une des deux personnes à l’origine du documentaire. “J’étais à Las Vegas, je m’ennuyais et j’ai décidé de me balader dans les alentours.” Au cours de ses pérégrinations, il tombe à Pahrump. « Une petite ville un peu triste, décrit-il. J’ai regardé sur Wikipédia quelles étaient les personnes connues qui venaient de Pahrump et là j’ai vu le nom de Ronald Wayne« . Jérôme Schmidt le contacte et le rencontre. C’était en 2013. Un an plus tard, accompagné de Jules Pochy, un entretien est filmé en une journée au domicile de Ronald Wayne.
“Je trouve que c’est toujours intéressant de parler des oubliés de l’histoire, raconte Jules Pochy. “On a toujours été intéressés par ce que l’on appelle les losers magnifiques, les oubliés du numérique. L’histoire des technologies est pleine de ces destins. » Mais comment expliquer que l’homme, sans qui Apple n’aurait peut-être jamais vu le jour, ait été mis de côté dans cette histoire ? « Les erreurs viennent principalement de lui, de ses choix personnels. Il a été extrêmement important, il a été le diplomate qui a permis la société de naître. Mais la vie tient à peu de chose” détaille Jules Pochy.
Pas de regrets
“Il n’est pas amer, il ne regrette pas d’être parti”, explique Jérôme Schmidt. « Aujourd’hui on parle du fait qu’il a vendu ses actions pour 800 dollars mais il ne pouvait pas savoir que ça allait se développer au point où ça en est aujourd’hui« . A l’époque Ronald Wayne était le seul à détenir un patrimoine et si jamais la société avait rencontré des difficultés financières, celui-ci aurait pu être vendu pour renflouer Apple.
Ronald Wayne venait alors de vivre la banqueroute de sa première société, spécialisée dans la construction de machine à sous, secteur d’activité que l’on pourrait croire porteur dans les alentours de Las Vegas. « C’était avant que je réalise que je n’avais rien à faire dans le business. Cela s’est très mal terminé« , expliquait-il en 2010.
Des questions d’ego
Jules Pochy évoque une autre raison pour expliquer cette décision de retrait.
« Il y a malgré tout eu un problème d’égo, si je puis dire, il s’agissait d’un ingénieur reconnu, quelqu’un de talent, et qui ne pouvait pas se résoudre à être un second couteau bloqué entre les deux géants en devenir qu’étaient Jobs et Wozniack. »
La durée des deux documentaires, de six minutes chacun, rend la parole de Ronald Wayne, seul à l’écran, encore plus précieuse. Les deux petits films se focalisent sur deux événements précis de sa vie : son départ d’Apple et la vente du contrat original pour 500 dollars. Le dit contrat sera cédé quelques années plus tard pour plus d’un million de dollars lors d’une vente aux enchères. Une fois le tout visionné, il se dégage une certaine tristesse de ce tête-à-tête avec l’homme. Le dénuement du vieil homme, passé deux fois à côté d’une fortune certaine, fait peine à voir.
Vers une version longue ?
Jérôme Schmidt et Jules Pochy aimeraient revenir plus en longueur sur la vie et la personnalité de Ronald Wayne. « On a sorti le sujet dans l’urgence parce que ça intéressait Arte Creative et qu’ils en voulaient bien dans un format court mais on a de la matière pour faire quelque chose de plus long, révèle Jules Pochy. C’est le revers de la médaille du rêve américain, le portrait en creux d’Apple. »
Aujourd’hui, Ronald G. Wayne est totalement détaché de l’actualité technologique. « Il ne suit pas ce qui se passe, explique Jérôme Schmidt, même son matériel n’est plus très à jour, il n’a d’ailleurs pas réussi à visionner le documentaire, je lui ai envoyé un DVD pour qu’il puisse le regarder. »
Les deux parties du documentaire sont visibles sur le site d’Arte Creative jusqu’au 21 mars 2019.
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