Le trio, composé d’Apparat et Modeselektor, a mis un point final à sa trilogie déjà culte. On les a rencontrés à l’occasion de la sortie du massif « III ».
La créature hybride, composée des deux Modeselektor et d’Apparat, a récemment sorti III, le dernier volet d’une trilogie déjà culte. Enfoncés dans des fauteuils en cuir élimé, nous les avons rencontrés dans le hall de leur hôtel, pour une conversation autour de cafés chauds. Au programme : les conditions d’enregistrement de cet album, la pochette de celui-ci, ou encore les jeux vidéos. Tout de noir vêtu, c’est Sascha Ring, d’Apparat, qui s’exprimera principalement ; il sera soutenu par Gernot Bronsert, de Modeselktor. Sebastian Szary, l’autre moitié du duo allemand préférera, lui, garder les yeux vissés sur son iPhone, éclatant parfois de rire aux quelques blagues de ses potes…
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Cet album est la fin d’une trilogie. Est-ce que ce sera le dernier sous le nom de Moderat ?
Apparat : Probablement pas. A la base, on ne s’était pas dit tout de suite qu’on ferait une trilogie. Comme toujours, le concept est venu alors qu’on en était au stade de la réalisation. Exactement comme en studio, d’ailleurs : on arrive sans idées et ces dernières se développent au fur et à mesure.
Donc ce n’est pas une série d’albums conceptuelle, avec ces numéros en guise de titres ?
Apparat : Non, pas du tout. En fait, c’est très fatiguant de faire un album, on finit souvent plus ou moins sur les rotules. Choisir les chansons qu’on garde est déjà quelque chose d’assez compliqué, alors trouver un titre qui convienne à chacun… À un moment, on a simplement cherché à éviter un trop plein de questions, et on s’est dit que mettre des numéros, c’était plus simple.
Vous n’avez pas sorti d’albums d’Apparat et Modeselektor entre II et III. Pourquoi ?
Apparat : C’est difficile de switcher entre nos différents projets, et vraiment crevant. Ça demande beaucoup d’énergie, et là on a simplement décidé de nous concentrer sur III et de mettre toute notre énergie dans cet album. Après le second, on voulait continuer, se laisser porter par le mouvement et ne pas rompre quelque chose en revenant à Apparat et Modeselektor.
Il y a une certaine évolution entre ces deux opus, puisque celui-ci semble plus sombre que le précédent. Vous êtes d’accord avec ça ?
Apparat : Peut-être, oui, mais ce n’est pas quelque chose qu’on a fait consciemment. Par exemple, nous avons composé et enregistré le second en hiver, juste à coté de l’Alexander Platz, à Berlin. Difficile d’imaginer endroit plus déprimant (rires). Et pourtant, il sonne effectivement beaucoup plus lumineux que les autres. À l’inverse, pour le nouveau disque, il faisait beau, c’était l’été, on était en t-shirt… Ça n’aurait pas dû être un album sombre et mélancolique, en fait.
Modeselektor : C’est peut-être les temps dans lesquels nous vivons.
Apparat : Oui, c’est sans doute ça. Quand tu entends trop de choses déprimantes à la télé, à la radio, il faut que ça sorte d’une manière ou d’une autre.
Modeselektor : Je crois qu’il y avait juste trop de merdes dans le monde à ce moment là. Donc on ne voulait pas faire un album plus profond, c’est venu comme ça.
Il n’y a jamais eu autant de chant sur un album de Moderat. Apparat, tu te vois comme un lead singer aujourd’hui ?
Apparat : Non, je ne me suis jamais vraiment considéré comme un chanteur en fait. Enfin si, mais je fais partie intégrante de la production, comme chaque membre de Moderat.
Oui mais, tu chantes…
Apparat : C’est vrai (rires). Mais tu sais, ce n’est pas facile pour moi de chanter, que ce soit en studio ou sur scène. Il me faut un petit temps de préparation, il faut que je sois zen…. C’est tout un processus.
Modeselektor : Pour cet album, c’était intéressant, parce que c’est vrai qu’on a jamais autant mis de chant sur un disque. Le fait de se concentrer là-dessus était assez rafraichissant. Nous n’avions pas de vision pour les chansons instrumentales, mais c’est venu comme ça, on a juste ajouté des voix un peu partout. Cet enregistrement était totalement organique.
Apparat : Oui, si quelque chose vient à nous, on le prend comme tel. C’est que quelque chose se passe, et il ne faut pas laisser filer cet instant, ce truc.
Comment écrivez-vous les paroles ?
Apparat : En fait, les paroles existaient, pour la plupart, avant la musique. La procédure normale, c’est qu’il y a déjà la musique, et que je chante par-dessus en une prise. C’est à ce moment là qu’avec les moments d’hésitation, le chanteur qui n’est pas trop sûr de lui, il y a cette chose que tu ne peux pas refaire et qui est si belle.
Modeselektor : Bon, il y a une grosse part de travail, aussi.
Vos visuels sont toujours très soignés. Que signifie la pochette de III ?
Modeselektor : Tu as parlé du titre de l’album, tout à l’heure. C’est toujours très difficile d’en trouver un, mais je pense qu’il y a toujours une chanson, et une seule, qui est le coeur et l’âme du disque. Sur III, c’était Ghost Mother. Tu sais ce qu’est une ghost mother ?
Non.
Modeselektor : Dans les premiers jours de la photographie, prendre un cliché prenait à peu près 50 secondes. Du coup il ne faillait pas bouger, ce qui est impossible pour un bébé. Donc la mère devait rester derrière lui et le tenir, mais tout en restant cachée (Il sort son portable et montre une photo – ndlr). Tu vois, et ça donnait ce truc, un peu glauque mais très intéressant.
Apparat : Ouais, c’est un peu effrayant (rires).
Modeselektor : La pochette, en tous les cas, est inspirée par ces photos.
Apparat : Ouais, c’est à la fois mystérieux et un peu angoissant. Sur le dessin, tu ne sais pas s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. C’est pour ça qu’on a choisi ce thème, c’est ambivalent.
Modeselektor : Et puis sur le premier disque, il y avait une femme, sur le second, un homme, sur le troisième, un enfant…C’était dans la logique des choses.
Toujours à propos des visuels, votre clip Reminder semble très inspiré des jeux vidéo. Vous jouez ?
Apparat : Seulement quand je suis malade (rires). Je ne m’autorise pas à jouer aux jeux vidéo, ça me donne l’impression de perdre mon temps. Mais quand je suis malade, j’adore y jouer.
Modeselektor : Je n’ai pas le temps d’y jouer, moi non plus.
Apparat : Et il n’est jamais malade.
Modeselektor : Bah… si. En vrai, j’aimerais pouvoir y jouer, mais on est tous très occupés donc c’est impossible. Toujours est-il que tu as raison, le clip a été réalisé avec les outils qui servent à créer des jeux vidéo.
Apparat : Oui, et il y aura bientôt une version du clip en réalité virtuelle. Ce sera vraiment cool, par exemple, quand le personnage saute dans le vide, tu auras l’impression de sauter avec lui ! Il faut que je m’achète des lunettes de réalité virtuelle.
Modeselektor : Ah ouais ?
Apparat : Ouais, ça va être vraiment cool.
Modeselektor : Ça me fait flipper, moi.
Pourquoi ?
Modeselktor : Les gens vont devenir asociaux, avec des yeux toujours rouges, comme des lapins albinos. Ils vont préférer la vie virtuelle à la vie réelle.
Des lapins albinos, d’accord. Et en règle générale, les avancées technologiques, ça vous effraie ?
Apparat : Au début, non. J’ai commencé en programmant, de mon côté. J’étais un vrai nerd. Maintenant, tout ça a évolué, ce n’est plus la même chose. Je ne dirais pas que j’en ai peur, mais je trouve que tout ça va un peu loin. On verra bien !
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