Prodigieux décryptage de tous les mouvements musicaux indés de ces vingt-cinq dernières années, le livre « Bring the Noise », du critique musical anglais Simon Reynolds, se boit comme du petit milk. Entretien.
Pourquoi ce besoin de revenir sur vingt-cinq ans d’écriture ?
Simon Reynolds – C’était un peu après Rip It up and Start again (son livre-référence sur l’histoire du post-punk – ndlr). Je me suis dit que ce serait intéressant de raconter une sorte d’histoire avec ces vieux articles. Mais j’ai parfois évolué dans mes idées, donc j’ai décidé de commenter chacun d’entre eux.
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Avec le recul, qu’observes-tu de commun entre les différents mouvements de l’après-punk ?
Ce que je peux dire, c’est que les choses qui m’ont plu, que ce soit en hip-hop, en dance ou en rock, avaient toutes la même énergie exubérante. Puis, dans les années 90, je me suis passionné pour la techno. Pour moi, la techno était le rock du futur. Beaucoup de personnes aiment dire que la culture dance est à l’opposé du rock. Mais, moi, je vois plein de connexions. Cette énergie agressive, c’est très rock.
Le mot “rock” a-t-il encore un sens actuellement ?
Aujourd’hui, quand on parle de rock, on se réfère à de la musique basée sur des guitares électriques. La pop pourrait être tout le reste. Il n’y a pas une définition arrêtée de la pop. Mais ça dépend des pays : aux Etats-Unis, par exemple, le mot “pop” a toujours été une sorte de gros mot.
Longtemps, certaines musiques se sont définies en fonction des sous-cultures. Peut-on toujours le constater ?
Ce qui change aujourd’hui, c’est qu’on peut reconnaître un hipster par son apparence, mais on ne peut pas deviner ce qu’il écoute ! Au début des années 70, lorsqu’on voyait un skinhead, on savait qu’il écoutait probablement du ska, du reggae. Il y avait des définitions strictes dans les rapports entre style et musique. Actuellement, beaucoup de personnes n’ont pas d’identité musicale fixe.
Qu’est-ce qui est subversif aujourd’hui ?
Je ne sais pas si la musique peut encore être subversive. Le dubstep a un côté vraiment très agressif et bruyant, presque vomitif. Cela me semble être une musique assez extrême, mais le genre a déjà été récupéré par la pop et la publicité. Aujourd’hui, je vois davantage la subversion au niveau individuel, dans la volonté de dépasser ses propres goûts, d’aller vers de nouvelles choses. Les textes politiques n’ont plus l’impact qu’ils ont pu avoir dans le passé.
En 1986, tu as écrit ce texte sur l’indie-pop, “Plus jeunes qu’hier”. Le progrès en musique, c’est un truc de jeunes ?
J’ai toujours pensé que les jeunes étaient à la recherche de choses neuves. Mais beaucoup de jeunes groupes ont tendance à regarder en arrière. Autour de moi, les enfants de mes amis écoutent la même chose que leurs parents. Etant jeune, ça ne me serait jamais arrivé ! Mais comment rejeter les goûts de ses parents s’ils sont cool ?
Après la radio et la télé, comment internet est-il en train de changer la musique ?
Ça change surtout le sens de l’espace-temps. Quand on écoute de la musique sur YouTube ou qu’on en télécharge sur des blogs, on a une impression d’immédiateté. On perd alors la notion du temps. Passé, présent et futur, c’est la même chose. Internet permet ce mélange. L’autre question est donc l’espace : on peut découvrir des choses de n’importe où.
Qu’attends-tu des vingt-cinq prochaines années ?
Je n’ai pas d’attentes particulières. J’adorerais qu’un nouveau mouvement important émerge. J’espère être surpris.
Livre Bring the Noise – 25 ans de rock et de hip-hop (Au Diable Vauvert), traduit de l’anglais par Charles Recoursé, 650 pages, 25 €
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