This Is My Demo

Sway sort aujourd’hui sans eux son premier album, avec les moyens du bord, et il humilie d’un coup tout le hip-hop anglais survendu et surévalué par l’industrie lourde depuis vingt ans. Pour en arriver là, Sway a utilisé les maigres outils laissés à sa disposition : d’abord les joutes verbales en micro ouvert, puis le site myspace.com (un de ses titres se nomme My Space), des mix-tapes réputées et, surtout, un bagout et un culot insensés.

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Toujours aussi gonflé et narquois, il pleurniche aujourd’hui, sur Download : Comment je vais gagner mes sous/Si vous chargez mon disque avant même sa sortie ?? Mais tout cela ne ferait qu’un bel article pour la rubrique société? ou music business’ s’il n’y avait pas, à l’arrivée, ce terrassant This Is My Demo, premier album fondamentalement ancré dans l’Angleterre ( J’ai grandi coincé entre un curé et un imam ), sans le moindre complexe ou mimétisme vis-à-vis de l’Amérique, cette asphyxiante maison mère pour le rap anglais Quand tu fais du rap anglais, tu es au mieux numéro 2?, ironise-t-il. Enfin le point de rupture, dont ni Roots Manuva, ni Mark B. n’ont été jusqu’ici capables, qu’attendait la scène anglaise, si riche en DJ mais si pauvre en MC. Issu mais vite évadé de la mouvance grime ? cette version ténébreuse, minimale et cagneuse du rap inventée dans les quartiers sud de Londres ?, Sway en a gardé un goût pour les beats affolés, les samples stridents (Fleetwood Mac, il fallait oser), les grooves efflanqués.

Mais son flow suave, son humour rosse, ses textes journalistiques et ses singles obsédants (le dernier Little Derek), en direct du dés’uvrement et du chaos en gestation, font de lui cet indiscutable étendard pour lequel The Streets, Kano, Lady Sovereign ou Dizzee Rascal préparent le terrain depuis des années. On ne parle pas ici de disque important du rap anglais. On parle de disque de rap important.