Chaleur, énergie, originalité… les jeunes talents du jazz hexagonal poussent leur avantage.
Camille Bertault, En vie
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Elle s’est taillée sur le net une réputation de phénomène grâce à ses scats vertigineux de slaloms réputés impossibles à reprendre, ainsi ceux de John Coltrane dans Giant Steps. La voici qui déboule maintenant à toute vitesse dès les deux premiers titres de En vie, escalade les périlleux intervalles du Infant Eyes de Wayne Shorter, prend des risques partout, même dans ses propres compositions imprégnées de poésie, et ne trébuche que pour rebondir encore. Speedée, tapageuse, bousculant tout sur son passage, Camille Bertault signe un premier album en forme de déclaration d’amour à la vie, et ce geste a belle allure. Sortie le 29 avril.
Gauthier Toux Trio, Unexpected Things
A 23 ans à peine, Gauthier Toux a bien des choses à dire et déjà la sagesse de ne se montrer ni bavard ni poseur. En formation réduite ou avec le renfort d’une guitare et d’une trompette, c’est un pianiste qui va à l’essentiel et sait s’y tenir. Qu’il s’attarde longuement sur un thème plein de profondeur (Always There Anyway), plane au-dessus d’atmosphères où le drame se dilue dans l’éther (MK) ou développe une indécise rêverie (Day Dreaming), son jeu demeure toujours sophistiqué et incarné à la fois. Un aussi bel album se fête : rendez-vous est pris au Duc des Lombards, le 21 avril.
The Watershed, Inhale/Exhale
Pour leur première réunion, les quatre membres de The Watershed ont laissé leurs ébauches mélodiques, bribes de compositions et grilles d’accords en suspens s’entrechoquer librement au fil de leurs affinités naturelles. Suivant le même principe, l’album a été enregistré en une seule session. Dans l’urgence de rocks tendus, dans un folk teinté d’indianité comme dans les inquiétudes secrètes des lenteurs partagées, les luminosités de Tony Paeleman, la vivacité de Pierre Perchaud, les brisures de Karl Jannuska et les magnifiques fêlures du saxophone de Christophe Panzani s’entremêlent, ravivant parfois le lustre d’un Mahavishnu Orchestra débarrassé de sa fureur démonstrative. C’est dire l’excellence et la rareté de cet album.
Geoffrey Secco, Element of Sun
Il soigne son image, joue pour les reines et les rois, accompagne à l’occasion quelques gloires de la variété, mais donne aussi des concerts pour des publics placés sous hypnose et n’aime rien tant que louvoyer entre jazz, pop et electro. Geoffrey Secco pourrait n’être qu’un joli môme lisse en toute chose ; son album prouve heureusement le contraire. Il y a ici des bonheurs qui ne riment pas obligatoirement avec facilité (Luminus Morning), des arpèges de harpe qui ne cherchent pas à faire joli et des transes robotiques bien charpentées. Curieux disque où même les entournures « chic » séduisent, sans doute parce qu’une conviction sereine s’y fait jour.
Sébastien Texier, Dreamers
« Let’s roll ! », lance Sébastien Texier en ouverture de son nouvel album. Programme tout de suite mis en application dans un groove New Orleans où, serré de près par ses acolytes (Pierre Durand à la guitare, Olivier Caudron à l’orgue Hammond et Guillaume Dommartin à la batterie), l’altiste et clarinettiste fait des étincelles et secoue tout ce qui pourrait traîner à sa portée. Même dans les plages plus mélancoliques (ainsi le somptueux SIlent March ou ce Dreamers qu’aurait pu enregistrer le premier Genesis), une saine dépense musculaire s’offre en remède aux froideurs d’ordinaire si prisées par les jazzmen contemporains. Parce qu’il fait le ménage dans nos méninges, ce disque nous invite à revenir à lui. A ne pas manquer, les 24 et 25 mai au Sunset.
Céline Bonacina Crystal Quartet, Crystal Rain
Au lieu de l’alto ou du ténor, Céline Bonacina a opté pour des saxophones moins couramment utilisés, le soprano et le baryton, tous deux situés par le timbre aux opposés du spectre sonore. De l’un, elle conserve les sonorités chaudes sans le presser vers les harmonique suraiguës des coltraniens, de l’autre, elle use avec beaucoup de puissance organique et un mordant très «rythm’n blues». Peu d’ombre dans les compositions de cette musicienne épanouie, on sent que rien ne l’effraie, surtout pas la joie de vivre, ce sentiment si difficile à transmettre. Energie, éclat et vitalité sont ici de mise : des lueurs dont nul ne songerait à faire l’économie.
Laurent Rochelle Okidoki Quartet, Si tu regardes
Si les modes et dissymétries rythmiques des Balkans tendent à se généraliser dans le jazz actuel, c’est souvent au détriment de la respiration organique nécessaire à la simple émotion. Cet écueil, le saxophoniste et clarinettiste Laurent Rochelle l’évite au sein de son Okidoki Quartet en composant une musique aussi précisément calculée que soumise aux agencements imprévisibles de l’instant. Les combinaisons de timbres (dont celui d’Anja Kowalski, qui articule un allemand des plus voluptueux) et l’alliage piano/saxophone sont ici générateurs d’ampleur, de longs chants entremêlés d’arpèges et de palpitations harmoniques d’une grande richesse. Sortie le 29 avril, à fêter le 21 au Sunset.
nOx.3 – Nox Tape
Formation récemment apparue sur la scène jazz, nOx.3 (dites « nox point 3 ») a gagné, en juin dernier, le RéZZo Focal de Jazz à Vienne. Une consécration qui lui a permis d’enregistrer pour Jazz Village son premier album, ce Nox Tape impétueux, malin et sans concession. Le jeune trio, composé des jumeaux Rémi et Nicolas Fox au saxophone et à la batterie et du pianiste Matthieu Naulleau, y affûte un style frondeur, acéré et traversé de tensions hypnotiques rarement résolues, sinon par une malice iconoclaste bienvenue. A découvrir le 21 avril au Centre FGO-Barbara.
Festen, Mad System
Le nom de groupe retenu par le saxophoniste Damien Fleau et ses trois comparses, Jean Kapsa au piano, Maxime Fleau à la batterie (auteurs de La Ligne de Kármán l’année dernière) et Olivier Degabriele à la contrebasse ne doit rien au hasard. Par son âpreté post punk, par son jazz dépouillé de tout clinquant et comme réduit à l’os, la musique du quatuor renvoie en partie au cinéma brutalement réaliste de Thomas Vinterberg. Mais elle a aussi de superbes scintillements, des joies et des incandescences. A découvrir, le 18 avril au Studio de l’Ermitage.
Julien Alour, Cosmic Dance
Cosmic Dance, un titre qui pourrait coller à un album de free de la fin des années 60, et certes, par son ampleur spatiale comme par ses transes rythmiques et jaillissements expressifs, la pièce du même nom puise sûrement à cette source. Mais le quintet du trompettiste Julien Alour définit aussi son propre cosmos, où la nonchalance inquiétante d’une série noire (Big Bang) peut dériver en de longues cascades modales (Le Bal des Panthères), où le hard bop souffle fort et les cocotiers parisiens marquent la cadence (Parisian Cocotier). Un jazz puissant, moite, heureux, à écouter en live les 12 et 13 mai au Sunside.
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