Concert exceptionnel samedi 18 mai dans le cadre de la Villette sonique : Zombie Zombie était invité pour une création originale avec l’ensemble Lune Argent, soit onze musiciens sur scène pour un voyage musical d’ordre cosmique. On y était on vous raconte.
Sur la scène de la Cité de la musique, ils sont une douzaine campés derrière leurs instruments ; ils composent une armada, montée dans un vaisseau quasi spatial avec à sa tête un commandant de bord tout à ses claviers : c’est Etienne Jaumet qui, avec Cosmic Neman à la batterie, forment Zombie Zombie. Ils invitent ce soir-là, avec le soutien de la Villette Sonique, des amis musiciens d’horizons diverses. Il y a des percussions brésiliennes (Flop), une chanteuse qui joue de la vielle à roue et de la harpe (Emmanuelle Parrenin), des synthés et une batterie en renfort, une section cuivre et d’autres belles choses encore. L’ensemble Lune Argent s’est réuni avec l’ambition de brouiller les pistes et de rendre au bel album de Zombie Zombie (Rituels d’un nouveau monde) toute son ampleur.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Salle pleine pour cette soirée spéciale et quand la lumière s’éteint le public voit la scène se plonger dans une douce lumière bleue, à l’image du premier morceau : la musique est soutenue par de belles nappes lancées depuis le sommet de la pyramide d’instruments, la vielle entame une longue plainte et la batterie claque rondement. La lente montée nous entraîne dans un ailleurs indéfini où l’espace et le temps sont dilatés, alors on s’enfonce un peu plus dans son siège (oui, c’est un concert assis) et les tensions nous quittent. Où qu’on soit, on est bien ici.
Plus rock le deuxième morceau se couvre d’une lumière chaude et dorée, la batterie se fait agressive et les guitares se libèrent avec parfois des accents de Funk ou d’Afrobeat (Fela Kuti n’était pas très loin). On est rassuré : si l’ouverture se plaçait sous l’égide des tout-puissants synthétiseurs d’Etienne Jaumet, la formation style Big Band a pleinement exploité les capacités d’une salle à l’acoustique impeccable. Chacun sa place et si on tend bien l’oreille on distingue nettement chaque instrument ; les distances et les profondeurs sont respectées, le son est large et il remplit l’espace d’une musique pleine et entière. Les percussions nous attirent maintenant vers un royaume mystique où règne la transe musicale ; la chaleur des cuivres est la pour nous rassurer ; les synthés, les guitares font vibrer l’air et la musique nous donne toute son âme.
La voix vocodée qui s’échappe des enceintes nous invite ensuite au décollage, ‘take off to the planet Venus’. Cette reprise de Sun Ra (Rocket #9) est peut-être le clou de la soirée et la phrase répété à l’envi secoue la salle : la musique parle aussi bien à la tête qu’aux jambes et une rumeur de plaisir s’élève dans la salle. Les gens prennent leur pied, c’est sûr, et Zombie Zombie nous a mis dans le cosmos, loin, très loin. La scène est baignée de vert, les projecteurs scannent la salle et devant nous on croit voir une aurore boréale.
Après une heure de concert on se dit que la formation déroule en fait la bande-originale d’un film qui reste à faire. Bienvenue dans le futur : deux personnes sont obligées de fuir une planète terre sur le point d’exploser et se retrouvent sur Venus, planète en fusion où les sons coulent et explosent comme de la lave. La musique devient magma, la lumière se fait rouge et menaçante. Sur scène les batteurs se lèvent face au public, tendent les bras, croisent leurs baguettes, se retournent et abattent un rythme martial ; les guitares jettent des grooves cinglants : les individus sont traqués et c’est la course.
Dans nos oreilles il y a du Sun Ra, on l’a dit, du Kraftwerk aussi, de l’électronique, du jazz, et tellement d’autres choses qu’on se dit qu’il vaut mieux laisser ses repères de côté. Zombie Zombie et Lune d’argent ont convoqué des univers parallèles et étranges en mêlant l’animal et l’organique, fait surgir des esprits de l’ombre à la manière de Weerasethakul (Oncle Boonmee, copain) et ouvert des brèches dans le temps façon Kubrick.
L’aventure d’un soir s’achève et quand on quitte la salle, on peut voir dans les yeux des gens le même air perdu : le voyage a duré une heure et demie et on a eu le temps de faire le tour de l’univers.
{"type":"Banniere-Basse"}