Malgré son ambition et son énergie, la série d’anticipation signée Olivier Marchal brasse beaucoup d’air et de testostérone pour un effet limité.
Aune policière perdant son sang à cause d’une vilaine blessure par balles, un type qui lui veut du mal ne trouve rien d’autre à dire que la poétique sentence suivante : “T’as une sacrée paire de couilles, capitaine, mais les couilles, ça n’a jamais empêché personne de mourir”. Nous sommes vers la fin du troisième épisode de Section zéro.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Au-delà de la vérité trop peu entendue énoncée dans la dernière partie de la phrase, on notera qu’au moment où l’échange survient, la partie de l’anatomie masculine (croyait-on) en question n’entre pas pour la première fois dans le paysage de la série. Les couilles ont ici une importance capitale, au sens figuré. Car pour ce qui est de la nudité, la vraie, les femmes si possible jeunes et jolies restent les premières à se dévoiler intimement devant la caméra.
Surmasculinité-blessée-mais-attachante
Les couilles font office de boussole. Elles représentent une vision du monde. La personne qui porte cette vision s’appelle Olivier Marchal, chantre de la surmasculinité-blessée-mais-attachante depuis maintenant quelques années. Dans un monde gangréné par la peur, la corruption et le fascisme néolibéral, cette série située en 2024 porte évidemment sa signature personnelle à chaque plan.
Vêtements noirs, regards intenses, trognes marquées par la fatigue, les excès et le mal-être forment autant de signes d’un Marchal-monde dont on a connu les œuvres cinématographiques empâtées comme 36, quai des orfèvres ou MR73, et sérielles à l’image de la première saison de Braquo. Le versant télévisuel de la carrière de Marchal reste sans doute le moins indigeste, ne serait-ce que parce que les moyens plus réduits et la nécessité de parer au plus pressé forcent le téléaste en lui à une efficacité sèche, qui évite de viser les modèles inatteignables – Michael Mann, notoirement, dont les volutes de polar mélancoliques ont pu constituer un horizon.
Aventures de résistants en conflit avec des conglomérats sans foi ni loi
Pour la première fois, Marchal devait sortir de sa zone de confort avec cette Section zéro soudée au genre de l’anticipation – Blade Runner et Mad Max en tête –, à travers les aventures de résistants en conflit avec des conglomérats sans foi ni loi. Le monde actuel est un bordel toujours plus dément. Sa violence résonne un peu partout dans la série, mais avec un écho limité, comme si quelque chose réduisait en permanence la portée du projet et empêchait son ambition de s’accomplir.
L’habillage est différent mais, finalement, les histoires de flics plus ou moins forcés de toucher à la corruption et ravagés par les épreuves de la vie occupent l’écran. Plutôt que de proposer une parabole du chaos contemporain, Section zéro retombe vite dans une perspective sans ampleur et prévisible, c’est-à-dire des problèmes de couilles. Toujours elles.
Le point de vue des mecs qui en ont vu d’autres
L’occasion de sortir du moule que Marchal s’est lui-même imposé n’est pas saisie. Du point de vue social et politique, Section zéro ne raconte rien, se contentant de poser ses attributs gonflés aux stéroïdes sur la table sans imaginer un autre angle que celui auquel on s’attend dès les premières images : le point de vue des mecs qui en ont vu d’autres, des mecs qui en ont trop vu.
Cela donne une série énergique, brutale, bien travaillée du côté de la direction artistique (peu de soucis de crédibilité futuriste) mais vite paumée dans une vanité virile. Au cœur de ce début d’année plutôt inégal en termes de fiction française, on conseille de se tourner – si ce n’est pas déjà fait – vers l’audacieuse tentative de série politique Baron noir, qui a le mérite de la cohérence et du sérieux.
Section zéro à partir du lundi 4, 20 h 55, Canal+
{"type":"Banniere-Basse"}