Showcase éblouissant présentant plus de 350 jeunes groupes en trois jours et nuits, The Great Escape a démarré. On y est.
Une fois par an, Brighton devient la capitale européenne de l’indie-music, avec une forte inclinaison vers l’indie-pop : gigantesque showcase de jeunes groupes en éclosion, The Great Escape a pris ses quartiers dès jeudi. Et dans la ville, on ne compte plus les adolescents aux tenues savamment négligées, aux coiffures méticuleusement destroyées, les uns dans le public, les autres sur scène, suivant les années.
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On commence en mode chill l’édition 2013 : le soleil est pour une fois la guest-star de cette première journée et on s’échange, avec des festivaliers venus du monde entier, les bons plans du week-end à venir. Les Hollandais et les Français, ces derniers épaulés par le Bureau Export qui a ici pignon sur rue (et pignoufs sur scène avec les grands Concrete Knives ?), sont venus chargés en cadeaux.
C’est avec les Néerlandais surexcités de SKIP&DIE, un must de tout festival, que l’on démarre officiellement, avec un concert chaud cacao tout en incantations félines, voire chiennes. Avec son électro à basses puissantes, riche en feulements, râles et syncopes, le groupe invente un genre d’acid cumbia à base de pied de grosse caisse à taille démesurée – du 58 au moins, mais surtout pas des groles de clown.
On enchaîne avec le petit lad anglais qui, depuis de longs mois, affole nos iPods : Only Real. Dans la foule, déjà, une foule de mini-mois du kid évadé d’un skatepark, qui se gavent de speeds avant de se lancer dans des chorégraphies désordonnées. Beaucoup portent la casquette indéboulonnable de leur jeune héros : mais on doute franchement que sous la gampette, autant possèdent le même cerveau agité, capable de passer en deux secondes d’une pop ligne claire à un rap nonchalant et grandiose comme les réussissait si bien le jeune Beck. Entre les tubes déglingos, seul dans son monde, le très jeune anglais murmure, l’air taciturne, alors que ses chansons, joyeuses, tintinnabulent, totalement décontractées du cul et du QI. Un garçon formidable, mais une question : a-t-il déjà mué et gardera-t-il cette parfaite voix de fausset ?
On reste découvrir Syron, jeune diva soul du sud de Londres, entourée de poids lourds de l’industrie – des gens qui travaillent avec Emeli Sandé ou Lana Del Rey – et adoubée par The xx. Même si sa DJette a l’air franchement taciturne, voire menaçante comme une fillette cruelle de la Famille Addams, la chanteuse, même pas 21 ans, révèle déjà une voix tout-terrains, capable d’accompagner les beats urbains et cagneux d’un dubstep rigide à une nu-house euphorique. Une carrière à la Disclosure est très possible.
On ne voit, calendrier dingue oblige, que quelques minutes du show martial de Glass Animals : mais ça suffit à prouver à quel point cette musique diabolique de studio peut prendre ampleur et humanité sur scène, en un concert tribal et mélancolique, au psychédélisme enveloppant : Massive Attack a trouvé un rookie à sa taille.
Enorme déception, par contre, chez Childhood, dont on aime pourtant les popsongs électriques et bordéliques : braillées et gonflées aux hormones, elles semblent ce soir uniquement destinées aux nombreux programmateurs de grands festivals d’été présents, leur rappelant en un stadium-rock emprunté et triste qu’ils sont déjà prêts à rafler les gros spots laissés en jachère depuis Oasis. Mouais.
Toujours sur la plage de Brighton, on entend soudain des baleines chanter. Ah non, c’est Darkstar qui démarre son show, d’une précision et d’une beauté sidérantes. Musique aquatique, onirique et portant dansante, subliment chantée en altitude par un James Buttery qui rejoint James Blake sur les cimes enneigées. Plus qu’un concert : une odyssée, que l’on doit malheureusement abandonner – pour un violent retour sur terre – afin de ne rien rater de King Krule. Et on ne le regrette pas : avec son éternelle frimousse de petit frère fripon de Wayne Rooney, l’Anglais a encore gagné en autorité et en liberté, grâce à un chant totalement impossible pour ce corps de freluquet. Si, ici et là, il commence à se faire un nom dans le hip-hop (comme par exemple sur le dernier Mout Kimbie), il chante ce soir strictement pop, en un jeu très anglais dans lequel il colle des branlées aux internationaux du genre – Jake Bugg en tête.
On se trompe ensuite de salle, on voit quelques chansons enthousiasmantes, aux harmonies surdouées, de l’Anglais Lewis Watson, avant de voir les dernières minutes d’un concert visiblement exceptionnel des Américains How To Dress Well, dans une église idéale pour leur gospel livide. Très frustrant.
On finit dans le club le plus trash et rock de Brighton, le génial Green Door Store, pour, comme des centaines de festivaliers surexcités, tenter de voir le Canadien dingo Mac deMarco, sensation de cette année 2013. Et on n’est pas déçu : s’il devait y avoir un musicien chaque semaine dans la rubrique Où est le cool cette semaine ? des Inrocks, à coup sûr ce serait cet olibrius et son rock de patachon, qu’il chante aussi bien en slamant sur la foule qu’en se pendant, tête en bas, aux poutres métalliques de cette cave. Le fait qu’il devienne la star du rock slacker n’est plus question de “si” mais de “quand”, ce qu’un ami, vénérable directeur artistique des plus grosses majors anglaises depuis vingt ans, résume en une phrase lapidaire : “Ce ne sont pas des hipsters qui me bousculent pour me passer devant, ce sont des ringards. Et quand les ringards veulent être au premier rang, c’est que ça va marcher !” Pendant ce temps-là, les “ringards” ont envahi la scène, alors que Mac deMarco redescend de sa poutre : chaos et joie. On fera des rêves agités mais colorés.
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