Le Canada est devenu en sept ans l’un des pôles musicaux les plus attractifs au monde : l’occasion donc de passer en revue ici même quelques uns des groupes et des disques qu’il faut désormais absolument posséder dans sa discothèque.
« Slow riot for New Zero Kanada » : voilà un petit slogan bancal et erratique que l’on pourrait grossièrement traduire par « Révolte molle pour un Nouveau Kanada Zero », et que l’obscur et puissant groupe montréalais Godspeed You! Black Emperor avait choisi d’apposer comme titre d’un ep publié en 1999. Un slogan qui aujourd’hui peut sonner comme l’acte fondateur de ce que l’on cherche à appeler, en employant quelques raccourcis (mais vu la taille du pays, on nous le pardonnera), la « scène canadienne ».
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C’est après un premier disque pour le label indépendant américain Kranky (F#a#∞), publié en 1998, que Godspeed décide de retourner au bercail et de ne plus sortir ses disques que sur le label Constellation ( www.cstrecords.com). Fondé en 1996 par deux activistes de l’underground local, Ian Ilavsky et Don Wilkie, Constellation est un passionnant îlot autarcique, qui a choisi de produire ses disques en optant pour une approche « éthique » du music-business. La révolte canadienne molle est en marche, et pourvu que ça dure.
Alors que plusieurs membres de Godspeed démarrent en 1999 un autre projet, A Silver Mt. Zion (deux indispensables : He Has Left Us Alone et Born into Trouble ), où se mélangent dans un éclat superbe guitares, rage, violon et désespoir, la renommée grandissante du groupe rejaillit sur les autres formations maison, basées à Montréal ou Toronto. Sous de magnifiques pochettes cartonnées, Hangedup, Exhaust, Do Make Say Think, Frankie Sparo, Fly Pan Am ou Black Ox Orkestar livrent une musique aussi habitée et inclassable que celle de leurs compagnons de label.
Basé à Montréal, Alien8 (www.alien8recordings.com), label lui aussi ultra-indépendant, sort les disques de Molasses (A Slow Messe), Les Georges Leningrad (Sur les traces de Black Eskimo), Lesbians On Ecstasy (Lesbians on Ecstasy), The Unicorns (Who Will Cut Your Hair When We re Gone ) : les premiers jouent du folk sombre, les seconds du grand n’importe quoi, les troisièmes de l’electro-clash et les derniers de la pop soignée, mais tous partagent l’envie de grands espaces des groupes canadiens en général.
Du côté de Toronto, c’est tout un univers pop expérimental qui se dessine, lorsque Brendan Canning et Kevin Drew forment Broken Social Scene, groupe ouvert où une dénommée Feist fait ses débuts en l’an 2001 avant d’exploser en France et en 2004 avec Let It Die, aidée en cela par un autre grand Canadien, Gonzales.
Autour de Broken Social Scene gravitent d’autres projets, comme Stars (Set Yourself on Fire) ou Metric (dont le single bélier Dead Disco est sur la BO du film Clean d’Olivier Assayas). La plupart de ces groupes sont aujourd’hui sur le même label, Arts & Crafts (www.arts-crafts.ca), véritable eldorado pour les fans de pop atmosphérique et aventureuse.
La scène hip-hop canadienne, elle aussi, bénéficie d’un certain effet de loupe. En tête de l’école du micro à la feuille d’érable, le grand Buck 65, qui, avec Square et Talkin’ Honky Blues prouve son envie d’explorer de larges univers, de Tom Waits à A Tribe Called Quest. Du côté des manieurs de platines, Kid Koala, Montréalais anglophone signé chez Ninja Tune, se révèle l’un des turntablists les plus recherchés au monde depuis ses album Carpal Tunnel Syndrom et Some of my best friends are DJ’s.
Montréalais encore, Ghislain Poirier remixe le fantastique single Random de la reine du grime UK Lady Sovereign, ou travaille en compagnie des Français de TTC avec le groupe de hip-hop francophone le plus prometteur de Montréal, Omnikrom (www.myspace.com/ghislainpoirier). On murmure également, du côté de Montréal, que Ghislain Poirier pourrait travailler avec l’excellent chanteur pop local Pierre Lapointe (son second album La Forêt des mal-aimés est attendu en France en avril ou mai) qui, lui, donne de la voix sur le disque du meilleur groupe pop francophone de Montréal, Malajube, dont le premier album, Le Compte complet, sortira ici ces prochaines semaines.
Hip-hop toujours ou electro, on ne sait pas trop, mais on n’oubliera pas de citer les francophones de Gatineau ainsi que les anglophones Ninja High School (Young Adults Against Suicide) qui, dans le froid, parviennent à maintenir en vie la sève des Beastie Boys.
Electronicien dans le fond mais également porté sur la guitare, Champion, avec son imposant Chill’em All, est sans aucun doute le fer de danse de Montréal. Juste devant l’inusable entertainer Tiga, mais aussi Sean Kosa qui, avec d’autres copains manieurs de platines, vient de lancer sur scène un intrigant groupe à guitares, Cut Throat Republic, alors qu’un fascinant trio regroupé sous le nom d’Artist Of The Year explore lui des pistes electro-funk, voire disco, sur son fort bien nommé Cut Disco.
Dans une veine plus contemplative et expérimentale, les disques électroniques de Mitchell Akiyama, en solo ou au sein de son groupe Désormais, forment un joli pont entre l’ambient seventies de Brian Eno et la noisy pop éthérée de My Bloody Valentine. Plus club, la musique d’Akufen a, ces dernières années, été emblématique des manières différentes, souvent très minimales, de composer de l’électronique dansante, aux sonorités industrielles mais lascives.
Mais si Montréal est aujourd’hui aussi visible sur la carte, c’est surtout grâce à The Arcade Fire, qui, avec Funeral, sorti en 2004, s’est imposé comme l’un des groupes étalon du moment. Grand collectif généreux, The Arcade Fire possède aussi ses projets satellites : on pense à Bell Orchestre (Recording a Tape the Colour of the Light), à Final Fantasy du génial violoniste de Toronto Owen Pallett (Has a Good Home), et aussi aux très pêchus Wolf Parade (Apologies to the Queen Mary) ? tous invités à tourner en première partie de la maison mère tenue par Win Butler et Régine Chassagne.
Un autre groupe basé à Montréal, Kiss Me Deadly, a été invité à ouvrir pour Bloc Party en Amérique du Nord ; son album s’appelle Misty Medley. Sinon, on murmure qu’un tout petit groupe nommé Harvee enregistre en compagnie d’Howard Bilerman, déjà à l’ uvre sur Funeral. Pas encore de disque fini, mais des demos très prometteuses : à écouter sur www.harvee.ca, et à suivre de très près, forcément.
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