Il convient de louer en préambule l’infatigable travail du jeune label parisien Chief Inspector, qui depuis quelques saisons adresse à intervalles réguliers des signaux sonores de premier ordre sous la forme de disques qui décloisonnent autant l’esprit de ceux qui les émettent que les sensations de ceux qui les reçoivent. La suractivité des musiques improvisées […]
Il convient de louer en préambule l’infatigable travail du jeune label parisien Chief Inspector, qui depuis quelques saisons adresse à intervalles réguliers des signaux sonores de premier ordre sous la forme de disques qui décloisonnent autant l’esprit de ceux qui les émettent que les sensations de ceux qui les reçoivent.
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La suractivité des musiques improvisées ou transversales’ dans l’Hexagone aboutit parfois à un épais brouillard que ces courageux passeurs s’emploient à couper au couteau, multipliant les croisements et les collusions entre divers musiciens issus d’une sphère jazz, au sens le plus dilaté possible du terme. Ici, par exemple, on a affaire à un trio qui a déjà œuvré sur d’autres projets du label, à savoir le sax ténor (et clavier) Laurent Bardainne, le guitariste Maxime Delpierre et le batteur/percussionniste David Aknin.
Leur alliance sous le nom de Limousine n’a rien d’un concours de circonstances, elle est porteuse au contraire d’un projet esthétique ultradéterminé qui consiste, en premier lieu, en une variation autour de l’atmosphère somnambulique de certaines musiques de films signées John Lurie (pour Jarmusch), Badalamenti (pour Lynch) Morricone (pour Leone) et surtout des deux paysagistes de la déambulation que sont Ry Cooder (Paris, Texas) et Neil Young (Dead Man).
Ecrites scrupuleusement et non improvisées, dominées par une guitare aux tracés souvent lumineux, les treize pièces spacieuses de Limousine sont empreintes de cette fausse quiétude qui précède les grands tremblements, rappelant en bien des aspects l’un des albums foudroyants de l’an dernier, celui des Américains de Earth, surtout lorsque nos trois hommes unis comme un seul étirent le temps pour mieux apprivoiser le silence.
Berceau d’un rock mutant ? on n’ose dire post-rock, car l’étiquette est par trop galvaudée ?, la musique expressionniste de Limousine réclame forcément un peu de patience, et une certaine forme de naïveté au diapason de leurs intentions (pas un gramme d’esbroufe virtuose, un son près du corps) pour que se révèlent à la lumière ses reliefs secrets.
Par endroits pourtant, l’ambiance se fait un peu moins retenue, comme sur l’amusant Patinage pour Jason qui évoque une salle de bal que le saxophone suffit à rendre moite d’un désir un peu coupable. Sur plusieurs titres (Les Noces, Valse), le trio n’hésite pas à s’emparer de formes un peu désuètes pour mieux les pervertir, et parvient grâce à un intarissable brio mélodique à transformer de vieilles vessies en lanternes flamboyantes. Il ne reste plus qu’à inventer les road-movies langoureux et cérébraux auxquels cette Limousine pourrait servir de moyen de transport imaginaire.
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