Quelques minutes après les explosions, des dizaines de voyageurs ont fuit l’aéroport de Zaventem. Entre choc, incompréhension et tristesse, récit des premiers instants qui ont suivi l’attentat.
Aux abords d’une grande route qui permet de quitter l’aéroport de Zaventem, un homme d’une trentaine d’années hurle de tristesse et de colère. Assis à terre, en sanglots, il frappe ses mains contre ses genoux. Une femme, qui passait par là, s’arrête pour lui parler. Le réconforter. Le prendre dans ses bras. Une policière s’approche d’eux et marque elle aussi, un signe de tendresse. Trente minutes plus tôt, ce Hollandais se trouvait dans le hall de l’aéroport, au moment des deux explosions. Devant eux passe Adil, chauffeur privé. Il déposait un groupe de touristes à l’entrée de l’aéroport quand tout à coup : « j’ai vu plein de gens sortir. On disait qu’une bombe venait d’exploser« . Il peine à s’exprimer et reprend ses esprits. « Je suis extrêmement choqué et totalement contre ce genre d’actes« .
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Un groupe de cinq étudiants américains repartent eux aussi à pied. Ils demandent à une patrouille de police quel chemin emprunter. A peine majeurs, ils tentent de quitter ces lieux maudits en trainant leurs valises à roulettes. Le visage blême, sonnée, les yeux hagards et rougis par les larmes, une jeune fille explique qu’ils s’apprêtaient à repartir aux Etats-unis après un séjour en Belgique. Et qu’ils étaient en train d’attendre à un guichet quand ils ont ressentis les déflagrations.
La circulation autour de l’aéroport est totalement bloquée, embouteillée. Les voitures de police passent en trombe et n’hésitent à pas emprunter les pistes cyclables pour gagner au plus vite les lieux de l’attentat. Les automobilistes patientent en écoutant les dernières nouvelles à la radio.
Techniciens de surface
Mohammed est superviseur d’une entreprise de nettoyage qui travaille pour Brussels airport. Avec trois autres responsables, il marche jusqu’à la zone sécurisée , où ses ouvriers ont été mis à l’abris. Il vient d’apprendre une triste nouvelle. « J’ai téléphoné aux responsables sur place. Un de nos employés est décédé. un technicien de surface. Plusieurs autres sont blessés. Là, on va voir les autres employés qui sont sous le choc« . Un autre cadre de l’entreprise de nettoyage explique que tous les « employés sont en pleurs. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils n’arrivent pas à finir leurs phrases« . En milieu de journée, Mohammed devra se rendre près du Parlement européen, où tous les jours, ses ouvriers vont travailler en passant par la station de métro « Maelbeek ».
A une sortie annexe de l’aéroport de Zaventem, des centaines de voyageurs sont évacués dans le calme, scrutés par les dizaines de caméras de télévision. Ils étaient à Bruxelles en transit, ou bien attendaient de quitter la capitale belge au moment des attentats. La police les envoie par groupe de dix dans des bus affrétés dans l’urgence. Certains sont enveloppés dans des couvertures. Ben est parmi eux. Il travaillait dans un snack de l’aéroport ce matin quand il a senti comme un grand « tremblement ». « J’ai entendu du bruit. On m’a dit qu’une bombe a explosé, mais je n’y ai pas cru, je n’ai même pas paniqué ». Il a seulement réalisé ce qui se passait lorsqu’il a vu de la fumée. « Dans le hall, il y avait des blessées, du sang. Les restaurants écroulés. Par terre, j’ai vu un homme. Sa jambe était … partie« . Il réalise à peine ce qu’il se passe. « Quand tu vis des choses comme ça, tu n’y crois pas« .
Des voyageurs en errance
A un kilomètre de là, la commune de Zaventem a ouvert son hall des sports pour accueillir les voyageurs. Ils peuvent trouver un peu de réconfort, se reposer sommairement dans ce qui sert d’habitude de gradins ou boire un café bien chaud. Une voiture haut de gamme s’arrête à quelques pas de l’entrée du hall. Une jeune fille, lâche sa valise et cours serrer ses parents dans ses bras. Tous trois s’enlacent, dans le silence. Les larmes chaudes coulent doucement. Ils savent qu’ils ont échappé au pire.
Marc, un Belgo-Canadien, handicapé, ancien paramilitaire n’est « pas choqué » par ce qu’il vient de vivre. « Il y a eu de la panique dans l’aéroport. La police et les militaires ne savaient pas quoi faire et eux aussi ont paniqué au début. Ils ont demandé aux gens de sortir. ils criaient « laissez vos bagages, c’est pas important, continuez! « . Marc souhaite maintenant repartir vers Liège , sa ville d’adoption. « Bruxelles, c’est dangereux pour le moment, avec toutes ces histoires terroristes« .
Une partie de ces voyageurs ne sait pas où elle va passer la nuit, Bruxelles et ses hôtels étant, ce matin là, très difficile d’accès. Aucune solution d’hébergement n’a pour le moment était trouvée. Ils ont rendez-vous à la gare de Zaventem. La compagnie ferroviaire belge a affrété deux trains spéciaux pour eux , destination Louvain, à une trentaine de kilomètres de la. L’organisation est confuse et les voyageurs déroutés ne savent pas vraiment où ils seront ce soir. Originaires du Portugal, d’Espagne ou des Etats-unis, ils sont une centaine à se tasser dans le tunnel souterrain de la gare, avant d’embarquer. Sur le marchepied du train, un homme fume une cigarette roulée. Les yeux embrumés par la tristesse, juste avant que les portes ne se referment, il souffle: « Mais pourquoi je me retrouve là ? ».
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