Les Bruxellois sont sous le choc, après les attentats qui ont frappé leur ville. Partout dans les rues, c’est la stupeur qui prévaut. Ce que tout le monde redoutait a fini par arriver. Habitant la capitale belge depuis plus de trente ans, notre correspondant raconte les heures d’angoisse qui ont suivi l’attentat.
Un myriade de sirènes. Des ambulances qui défilent à toute allure sur le boulevard. Depuis ce matin, à Bruxelles, c’est une vision d’horreur qui s’est emparée des rues. On s’est habitué à la présence des militaires. On a pleuré, le 13 novembre, lorsqu’ils ont frappé Paris. Mais c’est un sentiment étrange de se réveiller avec cette nouvelle. Un réveil très lourd en fait, où l’on pense soudain à toutes les personnes que l’on connaît et qui sont sur le chemin du travail, à sa petite amie qui prend le métro à Maelbeek tous les matins, à cet aéroport que l’on a fréquenté tant de fois, synonyme de départ en vacances et de découverte du monde.
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Le ballet des sirènes
On pense à ces lieux. On tente de joindre ses proches. On regarde autour de soi dans les rues, et on se rend compte qu’au même instant, le reste du monde autour de nous est en train de faire pareil. En fond sonore de cette photo, figée d’effroi, le ballet des sirènes qui se poursuit inlassablement. Les hélicoptères qui survolent la ville. Tout le monde savait, au fond de lui-même qu’un jour, cette journée allait arriver. Et pourtant, on se sent complètement désemparé quand on s’y retrouve confronté.
La mort a frappé Bruxelles. Brute, sauvage, aveugle. Et c’est le cœur du pouvoir qui est touché : la station de métro Maelbeek, qui dessert le Parlement européen. L’aéroport international et l’embarquement d’un vol pour les Etats-Unis en particulier. Très vite la police boucle toute la zone. Tout le quartier européen est en état de siège. “Ils ont fermé la gare, se désespère ce vieil homme, sur la place du Luxembourg. Je dois rentrer chez moi, comment vais-je faire ? » Très vite après les attaques, toutes les liaisons ferroviaires vers Bruxelles sont interrompues.
« J’ai vu des morts couchés à terre »
A quelques mètres de là, au rond-point Schuman, les bâtiments de la Commission et du Conseil européen se font face. La rue de la Loi, qui mène à Maelbeek et au siège du gouvernement belge, est totalement déserte. On ne distingue qu’une nuée de gyrophares à l’horizon, et ce bruit d’hélicoptère incessant, comme un frelon qui bourdonne.
Un blessé est soigné à même le sol. Un peu plus loin, un homme est assis, hébété sur un banc. Il était dans le métro au moment de l’explosion. Il a tout vu. « J’étais dans le premier wagon, explique-t-il. Il y a eu une explosion qui a tout secoué et toutes les lumières sont éteintes. Quand on est sorti, on a vu le deuxième wagon éventré. J’ai vu des morts couchés à terre, c’était terrible ! »
La tension reste vive
Les rues se vident progressivement. Et le bruit des sirènes laisse progressivement sa place au silence. L’atmosphère est pesante, lourde, dans toute la ville. Les bus et les tramways sont rentrés au dépôt. Un père traverse le parc avec ses deux filles. Ils passeront l’après-midi ensemble à la maison. « L’école a appelé pour dire qu’on pouvait venir chercher nos enfants. Ce n’était pas une obligation mais je préfère les savoir avec moi », dit-il. Dans tous les établissements scolaires, la consigne est la même. Les enfants sont consignés à l’intérieur. Les parents doivent se présenter en personne s’ils veulent les récupérer. Pour le reste les autorités appellent au calme. Chacun est appelé à rester où il est, et à ne pas céder à la panique.
Dans le quartier européen, la tension reste pourtant très vive. Les démineurs sont à pied d’œuvre dans la station de métro Maelbeek. Le périmètre de sécurité est élargi. Une voiture se perd dans le dédales des rues. Un policier panique et dégaine immédiatement son revolver en hurlant sur l’automobiliste.
Des places désertes
Les alertes continuent de tomber sur le téléphone. On parle désormais de 20 morts dans le métro, 14 à l’aéroport. Plus d’une centaine de blessés dont plusieurs très grièvement. La Croix-Rouge lance un appel au don de sang, des Bruxellois se présentent spontanément à l’hôpital Saint-Pierre, là où Salah Abdeslam a été soigné quelques jours plus tôt.
Dans le centre-ville, c’est le même silence et la même tension lourde. Malgré le soleil printanier, la Grand-Place est presque déserte. Quelques touristes ont sorti la perche à selfie mais le cœur n’y est pas. Les drapeaux belge et européen sont en berne sur la façade. Les terrasses des cafés sont vides, les restaurants et les sandwicheries aussi.
Devant la Bourse, sur le piétonnier, une centaine de personnes se sont spontanément rassemblées. Elles ont bariolé la rue et les trottoirs de message de paix, dans toute les langues. Trois jeunes filles sortent leur guitare. Un livreur à vélo, en uniforme, les rejoint pour chanter avec elle, sous l’œil d’une caméra. Au bout du boulevard, sur la place De Broukère, l’enseigne lumineuse de Coca-Cola a été repeinte en noir-jaune-rouge.
Ce soir c’est la tour Eiffel, à Paris, qui sera illuminée des mêmes couleurs. Désormais, les Français connaîtront enfin les couleurs de notre drapeau. Mais, à dire vrai, on aurait tous préféré qu’ils continuent de les ignorer.
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