François Ier et France partageaient tous deux l’affiche des Trans Musicales de Rennes cette année. Mis à part leur nom de scène francophile, tout sépare le jeune homme qui produit une deep-house contemplative et la formation qui dynamite le rock psychédélique. Rencontre.
François Ier et France se partageaient au mois de décembre dernier l’affiche des Trans Musicales. Tous deux puisent leur inspiration dans le terreau krautrock. Mais ne poussons pas plus loin la comparaison, puisque les deux entités ont été réunies par la seule grâce de leur nom de scène francophile. Quand l’un produit de la MAO contemplative du genre deep-house, les autres dynamitent le rock psychédélique dans un format inédit : basse, batterie, vielle à roue. Le premier confie s’inspirer des plages contemplatives de Tangerine Dream. Les seconds du bourdon minimaliste et jusqu’au-boutiste de l’album de Faust avec Tony Conrad : Outside the Dream Syndicate. Deux écoles bien différentes que l’on a interrogées sur les labels et nébuleuses auxquels ils sont associés (Boussole Records, La Souterraine, La Nòvia et Standard In-Fi). On a aussi parlé de la notion de live dans la musique électronique, de danse et d’ivresse.
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Est-ce que vous pouvez vous présenter rapidement ?
François 1er : Je m’appelle François, j’ai 24 ans et je fais de la musique électronique sous le nom de François 1er depuis à peu près quatre ans.
France : On est le groupe France. Yann, Mathieu, Jérémie : vielle à roue, batterie, basse. On joue depuis 10 ans avec cette formation.
Parlons des label et nébuleuses auxquels vous êtes affiliés : Boussole Records pour Francois 1er ; La Souterraine, Standard In-Fi et La Nòvia pour France.
François 1er : Boussole Records, à la base, c’est un collectif de potes réunis par notre passion pour la musique électronique. On était tous basés à Toulouse, où il manquait un peu d’effervescence. On avait envie de développer un projet en utilisant les aptitudes de chacun de nos potes, que ce soit dans le cadre du graphisme, de la production musicale ou en tant que communicants. Le collectif est devenu un label il y a maintenant trois ans. Au niveau de la musique électronique, on prône l’éclectisme : house, techno, ambiant, electronica, nu-disco.
Yann (de France) : Je ne sais pas si on est affiliés à La Souterraine. Ce sont des collaborations. Par contre, il y a le label Standard In-Fi de Mathieu et Jérémie et le collectif dont je fais partie, La Nòvia. On est 12 musiciens : on travaille pour beaucoup autour des musiques traditionnelles, élargies aux musiques expérimentales.
Mathieu (de France) : Standard In-Fi, c’est un tout petit label, une maison d’édition. On fait des petits tirages de vinyles qu’on distribue sur le net et pendant nos concerts. Après, ça reste le réseau : des petits lieux, des squats, on connait pleins de gens dans ces milieux-là. C’est là qu’on joue la plupart du temps. C’est un milieu qu’on aime beaucoup, avec lequel on a beaucoup d’affinités, d’amis.
France, on entend aussi souvent que vous travaillez sur la fusion entre musiques traditionnelles et musiques expérimentales…
Yann : Ce n’est certainement pas une histoire de fusion ou de mélange. C’est une continuité avec des pratiques de musiques traditionnelles. Ce que je joue avec France, je le joue de la même manière quand je joue une bourrée d’Auvergne. Ce n’est pas une question de mélanges de styles. C’est la même esthétique, donnée à entendre dans différents contextes.
Mathieu : Beaucoup de musiciens, dont Yann avec La Nòvia, travaillent autour des musiques traditionnelles. On tient à ce que l’amalgame ne se fasse pas quand on parle de France. On ne traite pas de thèmes qui viennent d’un lieu particulier…
Qui s’enracinent dans un terroir…
Mathieu : Voilà.
François, peux-tu nous présenter un artiste de Boussole Records ?
François 1er : J’aurais tendance à citer les copains. En tête de liste : le duo Joy, qui produit une musique assez ambiant, assez electronica, inspirée par le contenu de Warp Records, par Boards of Canada ou Clark.
La scène IDM anglaise, donc.
Yann : C’est quoi, ça ?
François 1er : « Intelligent Dance Music » : le nom est assez pompeux. Mais ça désigne de la musique électronique qui est faite pour autre chose que pour danser. Plus contemplative.
Francois, dans la presse, on lit souvent que ta musique est à la fois aquatique et spatiale…
François 1er : A partir du moment où on utilise des nappes assez langoureuses et planantes, le raccourci est vite fait avec « sous-marine » ou « aquatique ». Mais ce n’est pas comme ça que je décrirais ma musique. Je dirai : répétitive et progressive.
Mathieu : Notre musique est juste répétitive. On ne joue qu’un morceau et il n’y a pas réellement de progression.
En concert, il y a une part d’improvisation ?
Mathieu : Seulement sur la durée. Elle n’est pas définie avant le concert. Quand on n’a pas de limite de temps, on s’arrête quand nos oreilles sont fatiguées. Sinon, à la rythmique, on n’improvise pas.
Yann : Je préfère l’idée de variation à celle d’improvisation.
François 1er, ce soir tu te produis en live. En musique électronique, un live, ça peut signifier plusieurs choses. Est-ce que tu mixes tes productions ou est-ce que tu les reproduis en temps réel ?
François 1er : J’ai toutes mes pistes séparées et je reconstruis mes morceaux en fonction de la réaction du public. J’essaie de m’adapter, de faire durer un moment où le public va être un peu plus réceptif et réduire des moments où il y a plus de flottements pour ne pas bousiller le rythme. Je reconstruis des morceaux qui sont déjà composés, piste par piste, avec dix éléments de percussion et tout ce qui est nappes, synthés, basses.
Quelle atmosphère veux-tu créer ? Contemplative ?
François 1er : Oui. Un public statique ne me dérange pas s’il est attentif et réceptif. Je préfère le voir un peu figé que taper du pied.
France, au contraire, vous voulez emmener le public à l’ivresse, à la danse ?
Mathieu : Oui. Comme dans les musiques traditionnelles, ça fait partie du processus. Après, ce n’est pas une musique qui se danse facilement. Quand le corps relaie la musique, c’est une réussite. Mais ça n’arrive pas très souvent.
Ce soir, vous jouez dans un contexte particulier. C’est la plus grosse salle que vous ayez faite ?
France et François : Oui.
Vous l’appréhendez comment ?
François 1er : Je suis excité et j’ai la pression depuis une semaine. Je suis un gros stressé, alors là…
Toi, tu es seul sur scène. Ça va sans doute avec les émotions que vous voulez procurez. La transe, la danse, c’est plus un truc de groupe ; l’introspection, quelque chose d’individuel.
Mathieu : Ouais. Nous on est trois, ce n’est pas forcément nous individuellement qui lançons le truc. Visuellement, je pense que c’est la vielle qui peut entraîner la danse, grâce à son mouvement circulaire.
Retrouvez le live intégral de France aux Trans Musicales 2015, filmé par ARTE Concert.
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