Malgré des paysages de rêve et une envie de bien faire, la série « comique » portée par Will Arnett tombe à plat, et offre un traitement déplorable de ses personnages féminins.
L’espace d’un instant, on avait eu peur pour lui. Peur qu’au milieu de toutes ces pépites de Netflix, odes magiques à la diversité (Orange is the new black, Master of None, Sense8, Unbreakable Kimmy Schmidt), l’homme blanc hétérosexuel se sente soudain sous-représenté. Nous voilà rassurés: rien que pour lui, Netflix a lancé Flaked, une de ses séries les moins intéressantes depuis que la plateforme a commencé à produire des programmes originaux.
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Evacuons tout de suite les critiques ; évidemment, Flaked n’est pas mue par de mauvaises intentions. Elle enchaîne d’ailleurs avec beaucoup de lourdeur les grands discours sur l’importance de s’accepter-et-s’aimer-soi-même-avant-d’être-capable-d’aimer-son-prochain. Mais c’est bien là son souci. Les ficelles sont énormes et le résultat sonne creux.
http://www.youtube.com/watch?v=iKOpvm7BcOo
De nombreuses séries ont été accusées de ne « rien dire » et ne « rien montrer » alors qu’elles ne le méritaient pas : Togetherness, Girls, Looking ou même Love, la petite dernière de Netflix, pas révolutionnaire mais charmante. Flaked, à l’inverse, semble réclamer ces critiques, tellement elle ne fait jamais un pas de côté pour les éviter. On a Chip (Will Arnett), un ancien alcoolique qui essaie de garder la tête hors de l’eau en aidant d’autres alcooliques anonymes à s’en sortir. Chip a — évidemment — un meilleur ami, Dennis, un peu moins beau, un peu plus empoté, mais « toujours là pour lui ». Puis arrive London (Ruth Kearney), jeune femme mystérieuse. Et par mystérieuse, il faut entendre « silencieuse ».
Les femmes délaissées
Sur les huit épisodes que compte cette première saison, plus de la moitié est entièrement consacrée au combat de coqs entre Chip et Dennis, qui veulent tout deux s’attirer les faveurs de la jeune femme. Qu’a-t-elle de si particulier, au-delà de son corps de rêve et ses yeux bleus plus grands que des balles de baseball ? Le spectateur n’aura pas la chance de le savoir. Car London ne parle que très peu, et ne fait que suivre paisiblement les indications qu’on lui donne (accepter un rendez-vous galant avec Dennis, accepter un rendez-vous galant avec Chip, accepter un rendez-vous galant avec un jeune milliardaire à la demande de Chip, tiens ça fait beaucoup de rendez-vous galants).
Il faudra regarder la première saison en entier pour en avoir le coeur net : Flaked ne passe pas le test de Bechdel (du nom de l’auteure féministe de bande dessinée Alison Bechdel). En quatre heures de programme, il n’y a pas une scène dans laquelle deux femmes parlent ensemble d’autre chose qu’un personnage masculin. On trouvera, en revanche, la lesbienne castratrice venue faire une apparition gratuite à la fin de la saison pour mettre des bâtons dans les roues du héros. (A-t-on besoin de préciser que tous les personnages sont blancs ?)
(Ruth Kearney dans « Flaked » ©Netflix)
Premier ou second degré ?
On a beau adorer Will Arnett (incroyable quand il prête sa voix au héros équin de la série animée BoJack Horseman), et reconnaître que son charme de type bourru au bronzage californien opère, l’acteur peine à sortir de la caricature qu’il espérait dénoncer. Lorsque Chip égraine les phrases clichées (« la vie est très simple, c’est nous qui insistons pour la rendre compliquée ») et les métaphores balourdes (le tabouret à trois pieds qui n’a « besoin de rien de plus pour tenir debout »), les scènes ont beau être réfléchies comme du second degré, tout passe pour du premier.
Et ce, même si Arnett a développé sa série avec Mitch Hurwitz, le génie derrière Arrested Development, meilleure série comique des années 2000. Mais là où Arrested Development était filmée caméra à l’épaule, où l’on n’hésitait pas à user des zooms pour appuyer les ressorts comiques, Flaked est un enchaînement épuisant de champs-contrechamps qui n’autorisent aucune respiration.
Dans le rôle du meilleur ami déçu, David Sullivan parvient à sauver la série des abysses avec une interprétation touchante — et, pour le coup, un peu novatrice — du sidekick qui se rebelle contre les maltraitances que lui fait subir le héros. On trouvera également refuge dans les magnifiques paysages de Venice, le quartier de L.A. que traverse le héros sur son vélo, filmé à grand renfort de filtres sépia, pour éviter de trouver le temps trop long.
Marie Turcan
Flaked, 8 épisodes, saison 1 sur Netflix
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