De « l’exorciste » à « Midnight special », en passant par « Harry Potter » ou « Akira », que font les gamins quand ils bénéficient de super pouvoirs ?
La sortie du conte fantastique de Jeff Nichols, Midnight Special, dont le prince est un enfant doté d’une puissance incontrôlable – dans une œuvre catalysant thriller, road movie et SF –, nous a donné envie de faire l’inventaire de quelques enfants de cinéma dotés de superpouvoirs terribles ou merveilleux. Associée à la mythique innocence des bambins, la puissance peut être encore plus dévastatrice car elle est insoupçonnée.
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https://www.youtube.com/watch?v=pxh-IjxG2KY
Tetsuo (Akira de Katsuhiro Otomo – 1988)
Adaptation du manga de Katsuhiro Otomo par lui-même, Akira fut à l’époque la plus grosse superproduction animée au Japon. Tourné en 70 mm, il annonçait la SF apocalyptique d’aujourd’hui, amorcée au cinéma par Blade Runner et Mad Max. Testuo est un adolescent des bas-fonds de Tokyo, dévastée en 1988 par une guerre mondiale. L’action se situe en 2019, dans la ville en proie à la violence et aux phénomènes sectaires. Membre d’un gang de motards, Tetsuo est utilisé comme cobaye par l’armée à cause de ses immenses pouvoirs psychiques (télékinésie & co). Avec son alter-ego Akira, il devient une bombe humaine aux effets quasi-cosmiques. Ou comment Otomo mixe de façon radicale la peur primale des Nippons face à la bombe atomique et des concepts du shintoïsme.
Harry Potter (Saga Harry Potter – 2001-2011)
Indéniable phénomène littéraire et cinématographique des années 2000, la saga Harry Potter exprime à la fois une pulsion rétrograde (l’enrégimentement scolaire) et un affranchissement du carcan chrétien (le fantastique, la sorcellerie). Dans ce contexte, Harry Potter (joué par Daniel Ratcliffe) est un enfant-mage, sorte d’avatar dickensien du futur roi Arthur (cf. Merlin l’enchanteur), qui grandira avec ses jeunes spectateurs, au gré des épisodes filmés. Il réhabilite le nerd qui devient le geek ; le matheux ludique supplante la brute sportive. Comme le jeune roi Arthur, Harry a des pouvoirs innés, une immense puissance qu’il doit apprendre à dompter pour survivre. Une métaphore imagée de l’adolescence déclinée dans huit films assez pompiers (sauf celui signé Cuaron dans une certaine mesure).
Regan (L’Exorciste de William Friedkin – 1973)
Une figure clé du genre satanique, que William Friedkin a dépoussiéré en lui apportant un réalisme relatif et en l’assimilant à un pseudo fait divers où une fillette possédée par le Démon. Une héroïne à la fois monstre et victime, par l’entremise de laquelle l’Amérique post-Vietnam exprime la répulsion que l’establishment inspire à la contre-culture. Le film marqua les esprits et les sensibilités avec la crudité et le caractère explicite de ses visions (grâce à des effets spéciaux mécaniques particulièrement aboutis), ainsi qu’avec le langage ordurier de l’enfant lors des scènes de possession. Une œuvre jalon du fantastique horrifique, qui sortait des studios et accédait à la modernité urbaine.
https://www.youtube.com/watch?v=Kg9-axPBw1g
Damien (La Malédiction de Richard Donner – 1976)
Apparu dans le sillage de L’Exorciste, Damien, héros de La Malédiction (de Richard Donner) et de ses suites, est un enfant de cinq ans adopté par un diplomate. Damien va s’avérer être nul autre que l’Antéchrist et causer des morts en pagaille. L’enfant, en soi, n’est qu’un catalyseur à l’air inoffensif, mais il a durablement marqué le renouveau du gothique maléfique. Réponse assez cinglante de l’Angleterre au satanisme hollywoodien relancé par Polanski (Rosemary’s baby) et régénéré par Friedkin (L’Exorciste), la saga Damien a perduré sporadiquement jusque dans les années 2000 et vient de ressusciter sous forme de série TV. Damien est désormais un reporter trentenaire.
Carrie (Carrie de Brian De Palma – 1976)
Adaptation d’un roman de Stephen King, Carrie est un teen-movie qui déraille – fort de l’influence de L’Exorciste. Un film d’auteur stylé signé Brian De Palma, tournant le dos aux clichés de ses influences hitchockiennes. Carrie est comme souvent une victime, dont la vengeance sera terrible. Son accession à la féminité déclenche ses pouvoirs télékinésiques, qui lui permettent de régler ses comptes avec un entourage négatif et coercitif. L’adolescente malingre est incarnée par Sissy Spacek, qui avait dix ans de plus que le personnage (27 ans) lors du tournage, mais cela passe comme une lettre à la poste. L’image-clé, aussi forte que celle de la petite fille de L’Exorciste, est celle de Carrie couverte de sang, suite à un gag de potaches qui déclenchera l’horreur. L’ado torturé n’a pas d’humour.
https://www.youtube.com/watch?v=5jO_fhpNuKo
Danny (Shining de Stanley Kubrick – 1980)
Autre adaptation de roman de Stephen King, où le récit compte moins que le dispositif complexe élaboré par Stanley Kubrick autour de la famille Torrance dans un vaste hôtel désert. L’établissement devient un organisme vivant régurgitant des visions en fonction de ses humeurs. L’apparent personnage principal, Jack, gardien d’hôtel possédé, n’est qu’un exécutant pittoresque. Le mastermind est son fils Danny, six ans, qui tire les ficelles ou du moins est relié avec les esprits. Quoique également doué de télékinésie, Danny n’agit pas directement sur les événements (du moins pas clairement). L’expression “shining” désigne sa faculté médumnique grâce à laquelle il relie le présent au passé et communique à distance.
Groupe d’enfants (Le Village des damnés de John Carpenter – 1995)
Historiquement, Le Village des damnés est un des premiers films d’enfants maléfiques, sinon le premier, réalisé en 1960 par un obscur cinéaste british d’origine allemande, Wolf Rilla, d’après un roman de SF de John Wyndham. Dans un village anglais, plusieurs femmes tombent enceintes au même moment, et accouchent d’enfants blonds et insensibles au regard étrange, qui causent des accidents mortels par le biais de la télépathie. Dans les années 1990, John Carpenter en tournera un remake impeccable, presque un peu trop lisse, mais indéniablement magnétique, s’inscrivant dans la continuité de Simetierre et Children of the Corn, d’après Stephen King, où des groupes d’enfants sèment la destruction – tout comme dans le Français Demain les mômes de Jean Pourtalé.
Eli (Morse de Tomas Alfredson – 2008)
Une rareté : un film de vampires suédois. Deux enfants d’une douzaine d’années font connaissance dans un quartier de HLM : Oskar, souffre-douleur de ses camarades de classe (lui aussi), et Eli, fillette ambiguë qui vit la nuit et n’a jamais froid. Dans les grandes lignes, le folklore vampirique est respecté. La nouveauté c’est le traitement stylistique, réalisé par un cinéaste non adepte du genre. D’où ses parti-pris iconoclastes : image presque ligne claire, décors anti-gothiques, et approche dramaturgique dans la veine du nouveau polar suédois. Montant aux murs et se nourrissant de cadavres, Eli est la petite sœur malade et transgenre de Lisbeth Salander – la hackeuse gothique de Millenium.
https://www.youtube.com/watch?v=Phx0uHxzQUI
TK, le maitre des pluies (Looper, de Rian Johnson – 2012)
L’enfant est chétif, mal dans sa peau. Il vit seul avec sa mère au milieu des champs de maïs, au coeur d’une Amérique du futur qui à cet endroit ressemble encore à celle de John Ford. Mais quand il se sent menacé, l’enfant peut pulvériser une maison par la seule puissance de sa pensée. Des tueurs venus du futur le traquent car ils savent qu’il deviendra plus tard le redoutable maître des pluies, tenant dans sa main tous les syndicats du crime. Comment défaire un destin, qui transforme un gamin blafard en redoutable assassin, c’est tout l’enjeu de Looper, le magnifique thriller SF de Rian Johnson (l’homme en charge de Star wars VIII).
Vincent Ostria
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