À l’occasion de la sortie du film, déferlante de parutions sur l’auteur de « Gatsby le magnifique », le plus souvent anecdotiques.
Il suffit que Baz Luhrmann montre son film adapté du roman de Fitzgerald, Gatsby le magnifique, à Cannes (sortie le 15 mai), pour que pléthore de livres (inédits, bio, etc.) sortent de tous les côtés. D’abord Des livres et une Rolls, lancé en fanfare comme rassemblant des inédits de Fitzgerald, ce qui est faux : il ne s’agit que d’un recueil d’articles sur l’auteur – et des plus anecdotique. Tous, alors que le temps passe et que Fitzgerald publie ses chefs-d’oeuvre, dont Gatsby le magnifique, persistent à se focaliser sur un seul texte, L’Envers du paradis, et une seule figure, la flapper. Les parcourir est intéressant pour le critique littéraire, qui vérifiera ce qu’il sait déjà : le danger de réduire un roman à une lecture sociologique et générationnelle, c’est de passer à côté de la littérature.
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Près d’un siècle plus tard, ces portraits de Fitzgerald en inventeur de la garçonne, en capteur d’une jeunesse délurée, semblent insuffisants, voire ennuyeux. Seul le dernier article, témoin de la chute de l’auteur, touche véritablement. Fitzgerald, malade, alcoolique, ne cesse de se resservir à boire dès que son infirmière a le dos tourné. “Un auteur comme moi, dit-il, doit avoir une pleine confiance, une foi absolue dans son étoile. C’est un sentiment presque mystique, un sentiment du type ‘rien peut m’arriver’, ‘rien ne peut me toucher’. Thomas Wolfe l’a. Ernest Hemingway l’a. Je l’ai eu. Mais, du fait d’une série de coups, dont beaucoup par ma faute, quelque chose a entamé cette impression d’inviolabilité et j’ai lâché prise.”
On passera sur la préface de Charles Dantzig, l’éditeur du recueil, qui ressemble trop à un mauvais cours de littérature pour classes de 4e. Il reste préférable, dans tous les cas, de relire les romans de Fitzgerald parus en Pléiade à l’automne dernier, agrémentés d’une introduction autrement plus profonde et éclairante. Quant à la question des années 20, des flappers et de la vie des Fitzgerald, mieux vaudra lire la nouvelle “Ma ville perdue”, dans le recueil Merci pour le feu !, qui sort ces jours-ci aussi (la nouvelle qui donne son titre au livre est un inédit).
La ville perdue de Fitzgerald, c’est le New York des années 20, la montée d’une société pétillante qui savait s’amuser, celle qui a inventé ces réceptions appelées “cocktails”, et dont l’auteur est devenu, par la grâce d’un seul livre, le porte-parole. Et puis, comme tout chez Fitzgerald, cette atmosphère a fini par pourrir sur place. C’est ce que les journalistes de son temps n’auront pas compris, continuant avec une insistance bas du front à en faire le représentant d’une génération perdue depuis longtemps.
Nelly Kaprièlian
Des livres et une Rolls de F. S. Fitzgerald (Grasset), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Guillaume Villeneuve, 208 pages, 17 €
Merci pour le feu ! de F. S. Fitzgerald (L’Herne), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne, 108 pages, 9,50 €
et aussi Fitzgerald le désenchanté de Liliane Kerjan (Albin Michel), 320 pages, 20,90 € Gatsby le magnifique (Garnier Flammarion), 2,70 €
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