L’accord signé entre la Turquie et l’Allemagne permet à l’Europe de contrôler l’entrée des réfugiés et au président turc d’asseoir son autoritarisme. Un marché de dupes ?
Donc, l’Allemagne a signé l’accord avec la Turquie sur les réfugiés et l’Europe est priée de signer au bas de la feuille. Comprenez-moi bien : il n’y a rien de choquant à ce que Berlin négocie seule avec Ankara pour le reste de l’Europe.
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La réalité, c’est que l’Allemagne a accueilli plus d’un million de réfugiés. Sur les 160 000 au départ de l’Italie, de la Grèce et de la Hongrie qui doivent être répartis dans toute l’Union, seuls 885 ont été acceptés. Dans ces conditions, comment reprocher à l’Allemagne de faire cavalier seul ?
Critiques de l’UE sur les droits de l’homme en Turquie
Certes, les termes de cet accord sont rudes : doublement de la somme allouée à Ankara (en tout 6 milliards d’euros), visa Schengen de libre circulation pour les Turcs et même mise en sourdine des critiques de l’Union sur les droits de l’homme en Turquie.
C’est donc une victoire totale pour le président turc Recep Tayyip Erdogan. En échange, Ankara promet d’accepter tous les réfugiés que l’Europe lui renvoie depuis la Grèce et de traiter sur son territoire les demandes de ceux qui voudraient tout de même rejoindre l’Europe.
Le choix d’une vie entière
A première vue, ça semble raisonnable : il est inutile d’ignorer la géographie. L’immense majorité des réfugiés passe par la Turquie qui est bel et bien le pont entre l’Europe et le Moyen-Orient. Sauf qu’il n’y a rien de raisonnable dans cette affaire.
Quitter son pays avec femme et enfants, ou même seul, n’a rien d’un voyage d’agrément. Ceux qui font ce choix savent que c’est celui d’une vie entière. Ils fuient la misère et la guerre, pas les embouteillages de Paris ou de Francfort.
Besoin de triompher ailleurs
En clair, vous pouvez mettre tous les “hotspots” et les fonctionnaires européens que vous voulez en Turquie pour aider à remplir des formulaires B112 dûment tamponnés, vous n’arrêterez pas le flot de ceux qui tentent de sauver leur peau.
Vous n’obtiendrez que le renchérissement du passage entre la Turquie et l’Europe, au bénéfice des passeurs. Car il n’y a rien de raisonnable dans la démarche d’Erdogan, dit le “Sultan”. Confronté à une défaite des siens en Syrie, à l’humiliation de voir son ennemi Bachar al-Assad revenir dans le jeu diplomatique, et à des attentats meurtriers à répétition en Turquie, celui-ci avait besoin de triompher ailleurs. Et vite.
Poules mouillées d’Européens
Or, quitte à vaincre sans péril et triompher sans gloire, autant signer avec ces poules mouillées d’Européens incapables de s’entendre sur l’urgence (accueillir décemment ces réfugiés/migrants) et qui paniquent à l’approche du printemps et de ses mers calmes.
On peut même argumenter – sans céder à la théorie complotiste – que la Turquie a un peu poussé à la roue en refusant d’arrêter le flot des réfugiés, laissant Athènes (par ailleurs ruinée) se débrouiller seule pour mieux, à la fin, rafler la mise.
Vendre son âme au Sultan pour rien
Le problème, c’est qu’on remet à Erdogan les clés de la boutique Europe. Et aussitôt il en abuse : l’encre de l’accord à peine sèche, il fait fermer Zaman, le premier quotidien d’opposition du pays. L’Europe officielle est priée de se taire.
C’est un petit peu comme si la politique migratoire de l’Europe était confiée à Donald Trump. Quelle différence, en effet, entre bâtir un mur entre les Etats-Unis et le Mexique et stopper les migrants en mer Egée avec des navires de l’Otan ?
Il y a tout de même une différence : Trump veut faire payer son mur par les Mexicains alors que l’Europe paiera pour les opérations en mer Egée. Or ni le mur mexicain, ni la digue de la mer Egée ne résisteront longtemps et, en définitive, nous aurons vendu notre âme au Sultan pour rien.
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